by Jean Noé
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28 February 2022
Un coup d'essai, avant le coup de maître. Au début des années 1980, Angers accueille pendant trois années le festival « Cinéma et musique, musique et cinéma ». Les plus grands compositeurs de musiques de film - Ennio Morricone, Georges Delerue et Miklós Rózsa, dirigent alors des orchestres, au théâtre d'Angers. En mars 1980, Alain Lacombe et la ville d'Angers ont invité Miklós Rózsa, en tant qu'invité d'honneur, à donner deux concerts à l'occasion de leur festival annuel du film. Le compositeur légendaire avait 73 ans et c'étaient ses seuls concerts en France depuis ceux qu'il avait donnés avec Arthur Honneger dans les années 30. Pour l'ouverture du Festival, une master class avec le compositeur a été organisée après la projection du film SPELLBOUND (1945) d'Alfred Hitchcock. Durant le festival, le très sympathique gentleman compositeur a répondu à toutes les questions des journalistes ou des simples fans, qui ont tous confirmé que Miklós Rózsa était un homme élégant et qu'il parlait un bon français avec un accent très charmant. L'historien français du cinéma, de la musique et du journalisme, Alain Lacombe, était le conseiller artistique de ce festival. Quelques mois avant les concerts, Alain Lacombe avait organisé plusieurs émissions sur une des plus importantes chaînes de radio avec Miklós Rózsa (25 Notes par seconde (septembre et novembre 1976) et La Dernière Image (juin 1978)) et une interview télévisée (1980) en présence de Miklós Rózsa pour promouvoir sa partition : TIME AFTER TIME (1979). Alain Lacombe a également écrit plusieurs livres consacrés sur la musique de film et aux compositeurs : La Musique du Film (1979), Des Compositeurs pour l'Image (1982), Hollywood Rapsody (1983) et Les Musiques du Cinéma Français (1995). Pour les concerts d'Angers, Miklós Rózsa s'est entouré du talentueux pianiste Eric Parkin et du chef d'orchestre Marc Soustrot. Comme Jascha Heifetz, Parkin avait déjà enregistré plusieurs concertos de Rózsa, et parmi eux, la partition du film PROVIDENCE (1977) d'Alain Resnais dont La valse crépusculaire était le sommet. En outre, un petit documentaire a été tourné par la télévision française locale, mais n'a jamais pu être diffusé en raison d'une grève malencontreuse des techniciens de la télévision française. Pour ceux qui n'ont pas pu y assister, voici le détail des deux concerts (1er et 2 mars 1980) : Chefs d'orchestre : Miklós Rózsa et Marc Soustrot Soliste : Eric Parkin Orchestre : Orchestre Philharmonique des Pays de Loire Ouverture d'un concert symphonique, Opus 26 Notturno Ungherese, Opus 28 Concerto pour piano, Opus 31 Ben-Hur: Prélude, Les galériens, Thème d'amour et Parade des charretiers Double Indemnity : Ouverture The Naked City : Poursuite et épilogue Providence : Valse Crépusculaire Spellbound Concerto : Ondes Martenot, Francesca Paderni Time after Time : Finale Un concert qui avait le mérite de présenter les deux aspects de la musique de Miklós Rózsa. La première partie était dédiée aux œuvres symphoniques, celles-là même dont l'inspiration vient de Hongrie, le pays natal du compositeur. Le lyrisme se mêle à l'impressionnisme pour offrir une ligne harmonique d'une rare musicalité. S'offrant à ses ancêtres, Miklós Rózsa ne s'est jamais laissé perturber par l'évolution, car pour le compositeur, l'important, en effet, est de traduire musicalement le nœud gardien de ses origines, celui d'une Hongrie enfin ressuscitée par Bartok et Kodály. Il est curieux de noter comment l'élan naturel de Miklós Rózsa qui le pousse vers le passé lui aura permis de satisfaire malgré tout aux exigences du plus moderne des arts : le cinématographe, ce qui tendrait à prouver que cet art industrieux a aussi une mémoire. De Naked City à Providence en passant par « l'intermède épique », c'est le regard distancié et personnel du compositeur qui se trouve ainsi traduit.