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Les timbres d'Hollywood

Pascal Dupont

Hollywood Composers Stamp dévoilement Hollywood Bowl, 2301 N. Highland Ave. Oui, il serait difficile de ne pas reconnaître la patte artistique de Drew Struzan, illustrateur, portraitiste et affichiste renommé aux États Unis. C’est pour ce grand projet postal, de la pointe de ses crayons et de son aérographe que l’artiste immortalisa six des plus grands monstres de la musique de film américaine de l’époque du Golden Age. Ces six timbres remarquables furent commandés et produits par Howard Paine, qui travailla comme directeur artistique du magazine National Geographic pendant de nombreuses années et fut responsable de la création d’un grand nombre de timbres postaux américains. Ses expériences de carrière l'ont placé au centre de ce qu'il appella «l'affaire du collectionneur». Il fut également l'un des six directeurs artistiques de la United States Postal Service.


La collection de timbres fut lancés le 16 septembre 1999 à Los Angeles pour une valeur de 33 cents chacun. Avec son style vif, dynamique et coloré, Struzan capte avec grande précision les traits de chaque compositeur. Max Steiner, Dimitri Tiomkin, Alfred Newman, Bernard Herrmann, Franz Waxman et Erich Wolfgang Korngold. Tous des compositeurs primés de l'Académie Américaine qui ont écrit quelques-unes des plus mémorables musiques des films hollywoodiennes des années 1930 aux années 1960. Plus de 42,5 millions de timbres ont été imprimés par l’Imprimerie Sterling Sommer en offset. En plus de ces six timbres, une collection de 28 timbres d’autres grands créateurs Américains de musiques (paroliers, chanteurs…), furent présentés lors de la cérémonie d’inauguration qui eu lieu au Hollywood Bowl de Los Angeles. (voir illustration Broadway, Rodgers and Hammerstein).


C’est l'historien Leonard Maltin qui fut l'hôte de l'événement, il mit en vedette le directeur de l' American Film Institute , Jean Picker Firstenberg et le chef d’orchestre John Mauceri, qui dirigea avec succès l'Hollywood Bowl Orchestra pour un mini concert hommage aux six compositeurs illustrés avec au programme des suites de GONE WITH THE WIND, THE ADVENTURES OF ROBIN HOOD et VERTIGO.

Azeezaly Jaffer, directeur exécutif des circuits de timbres pour le service postal des Etats-Unis annonça la diffusion des six timbres de Hollywood Composers ainsi que six timbres de Broadway à paraître. Il précisa que ce sont les derniers de la série Legends of American Music créée en 1993. 

Jaffer déclara également que le processus de sélection et de conception remonte à 1991 avec les recommandations initiales du Citizens Stamp Advisory Committee, qui ont été examinées par des musicologues de la Smithsonian Institution et d'autres experts. «Après de nombreuses années de négligence, et parfois pire que la négligence, les compositeurs de la musique de film sont traités enfin comme des héros américains, avec des athlètes, des présidents et des personnalités politiques de toutes sortes», a t-il dit. «Nous voulions faire quelque chose qui allait raviver les moments de notre passé, susciter l'imagination et l'intérêt pour les leaders et les chefs d'orchestre de demain.»


En fait, quatre des six compositeurs illustrés étaient des émigrés européens. Steiner et Korngold étaient autrichiens, Waxman était allemand, Tiomkin un russe. Herrmann était un New-Yorkais et Newman est né à New Haven, Connecticut. Tous les six sont arrivés à Hollywood dans une période de 10 ans (1929-39) et, alors que trois d'entre eux ont également eu des carrières dans la musique de concert, tous ont dû leur renommée par le film. Steiner et Newman sont venus à Hollywood après un énorme succès en tant que chefs d’orchestre de Broadway dans les années 20.

Des Grands Maitres de la musique de film du «Golden Age» par la post

Max Steiner (1888-1971) comptait plus de 300 musiques de films à son actif  avec des partitions telles que KING KONG et GONE WITH THE WIND.


Alfred Newman (1900-1970) fut le compositeur le plus honoré de l'histoire d'Hollywood, remportant neuf Oscars sur 45 nominations. Directeur musical de 20th Century Fox dans les années 40 et 50, il fut considéré comme le meilleur chef d'orchestre du cinéma et composa des partitions aussi mémorables que WUTHERING HEIGHTS, ALL ABOUT EVE et HOW THE WEST WAS WON. Il semblait particulièrement inspiré par des sujets religieux, notamment THE SONG OF BERNADETTE, THE ROBE et THE GREATEST STORY EVER TOLD. Newman était le patriarche d'une dynastie comportant, ses frères Lionel et Emil, ses fils David et Thomas, sa fille Maria et son neveu Randy.

David Newman, fils d'Alfred présent lors de l’inauguration déclara, «c’est toute l'industrie de la musique de film qui est honorée par cet événement».


Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) était déjà un compositeur de renom dans sa Vienne natale avant de faire Hollywood sa maison dans la fin des années '30. Il considérait la musique de film comme un opéras sans chant et écrivait des partitions étonnamment romantiques pour Errol Flynn comme CAPTAIN BLOOD, THE ADVENTURES OF ROBIN HOOD, THE PRIVATE LIVES OF ELIZABETH AND ESSEX et THE SEA HAWK.


Franz Waxman (1906-1967) a travaillé dans l'industrie cinématographique allemande. Chassé de Berlin par les  nazis en 1934, il se retrouve à Hollywood et se prend dans les toiles d’Alfred Hitchcock avec REBECCA et REAR WINDOW, puis SUNSET BOULEVARD de Billy Wilder, THE SPIRIT OF ST. LOUIS, A PLACE IN THE SUN et PEYTON PLACE. Il fonda ensuite le Los Angeles Music Festival en 1947 et fut son principal chef d'orchestre.

John Waxman, le fils de Franz Waxman, pense que son père aurait été vraiment ravi que son pays d'adoption l'ait honoré de cette façon. «Voici un homme venu d'un pays où les seules personnes illustrées sur des timbres sont des dictateurs ou des chiens.» John Waxman était particulièrement fier qu'une photographie qu'il ait prise de son père en 1960 ait été choisie comme base pour le timbre.


Bernard Herrmann (1911-1975), considérée comme l’un des maitres absolus de la musique cinématographique américaine n’hésita pas à utiliser neuf harpes pour le score BENEATH THE 12-MILE REEF, deux theremins pour THE DAY THE EARTH STOOD STILL, ou le serpent pour JOURNEY TO THE CENTER OF THE EARTH. Sans oublié son long travail pour Hitchcock sur des films tels que PSYCHO, VERTIGO et NORTH BY NORTHWEST.
Dorothy Herrmann, la fille de Bernard Herrmann, déclara qu'elle pensait «que son père aurait été extrêmement heureux de cela. Pour toute sa vie, il voulait vraiment que les gens acceptent la musique de film comme un art important.»

Dimitri Tiomkin (1894-1979) fut probablement le plus grand showman parmi les compositeurs hollywoodiens, souvent cité dans la presse et parmi les premiers à faire campagne pour les Oscars. Homme d'affaires perspicace, il a été parmi les premiers à chercher les droits d'édition de sa propre musique (un mouvement inhabituel, puisque les studios insistent pour être propriétaires de la musique dans leurs films). Pour Frank Capra, il a écrit LOST HORIZON, MR. SMITH GOES TO WASHINGTON et IT'S A WONDERFUL LIFE. Puis devint plus tard un spécialiste de l'Ouest sauvage avec des partitions comme HIGH NOON, DUEL IN THE SUN et THE ALAMO.
Olivia Tiomkin Douglas, la veuve de Tiomkin a déclara par téléphone depuis sa maison près de Londres. «Ils en parlent depuis plusieurs années, nous avons pensé que c'était quelque chose qui n'arriverait probablement jamais. C'est presque incroyable.»


Aujourd’hui ces timbres sont devenus des objets de collections toujours disponibles et vendus sur le web…



From the Grand Masters of "Golden Age" film music by mail...


HOLLYWOOD COMPOSERS STAMPS

STAMP DISPLAY Hollywood Bowl, 2301 N. Highland Ave.


Yes, it would be hard not to recognize the artistic touch of Drew Struzan, renowned American illustrator, portrait painter and poster artist. It was for this major postal project, with the tip of his pencil and airbrush, that the artist immortalized six of the greatest American film music monsters of the Golden Age. These six remarkable stamps were commissioned and produced by Howard Paine.

 Paine worked as art director of National Geographic magazine for many years, and was responsible for the creation of a large number of American postal stamps. His career experiences placed him at the center of what he called "the collector's business". The stamp collection was launched on September 16, 1999 in Los Angeles at a price of 33 cents each. With his vivid, dynamic and colorful style, Struzan accurately captures the traits of each composer.

Max Steiner, Dimitri Tiomkin, Alfred Newman, Bernard Herrmann, Franz Waxman and Erich Wolfgang Korngold. All American Academy Award-winning composers who wrote some of the most memorable music for Hollywood films from the 1930s to the 1960s. Over 42.5 million stamps have been printed by Sterling Sommer in offset.


In addition to these six stamps, a collection of 28 stamps of other great American music creators (lyricists, singers...), were presented at the inauguration ceremony held at the Hollywood Bowl in Los Angeles (see illustration "Broadway, Rodgers and Hammerstein"). Hosted by historian Leonard Maltin, the event featured American Film Institute director Jean Picker Firstenberg and conductor John Mauceri, who successfully led the Hollywood Bowl Orchestra in a mini-concert tribute to the six featured composers, with suites from "Gone With the Wind", "The Adventures of Robin Hood" and "Vertigo" on the program. 

Azeezaly Jaffer, Executive Director of Stamp Circuits for the U.S. Postal Service, announced the release of the six "Hollywood Composers" stamps, as well as six Broadway stamps to be released. These are the last in the "Legends of American Music" series created in 1993, he said. Jaffer also stated that the selection and design process dates back to 1991 with the initial recommendations of the Citizens Stamp Advisory Committee, which were reviewed by musicologists from the Smithsonian Institution and other experts.


"After many years of neglect, and sometimes worse than neglect, film music composers are finally being treated like American heroes, along with athletes, presidents and political figures of all kinds," he said. "We wanted to do something that would rekindle moments from our past, spark imagination and interest in the leaders and conductors of tomorrow." They've been talking about it for several years," Olivia Tiomkin Douglas, Tiomkin's widow, said by telephone from her home near London. "We thought it was something that would probably never happen. It's almost unbelievable.

"John W. Waxman, Franz Waxman's son, thinks his father would have been truly delighted if his adopted country had honored him in this way. "Here's a man from a country where the only people illustrated on stamps are dictators or dogs."


 In fact, four of the six composers illustrated were European émigrés. Steiner and Korngold were Austrian, Waxman was German, Tiomkin a Russian. Herrmann was a New Yorker and Newman was born in New Haven, Connecticut. All six arrived in Hollywood within a 10-year period (1929-39) and, while three of them also had careers in concert music, all owed their fame to film.


Steiner and Newman came to Hollywood after huge success as Broadway conductors in the '20s. The prolific Steiner (1888-1971) had over 300 film scores to his credit, with scores such as "King Kong" and "Gone With the Wind". Newman (1900-1970) was the most honored composer in Hollywood history, winning nine Oscars out of 45 nominations. Musical director of 20th Century Fox in the 40s and 50s, he was considered cinema's finest conductor, composing such memorable scores as "Wuthering Heights", "All About Eve" and "How the West Was Won". He seemed particularly inspired by religious subjects, notably "The Song of Bernadette", "The Robe" and "The Greatest Story Ever Told". Newman was the patriarch of a dynasty including his brothers Lionel and Emil, sons David and Thomas, daughter Maria and nephew Randy. Korngold (1897-1957) was already a renowned composer in his native Vienna before making Hollywood his home in the late '30s. He regarded film music as "opera without singing", and wrote such astonishingly romantic scores for Errol Flynn as "Captain Blood", "The Adventures of Robin Hood", "The Private Lives of Elizabeth and Essex" and "The Sea Hawk".


Waxman (1906-1967) worked in the German film industry. Driven out of Berlin by the Nazis in 1934, he found himself in Hollywood and caught up in Alfred Hitchcock's "Rebecca" and "Rear Window", followed by Wilder's "Sunset Boulevard", "The Spirit of St. Louis", "A Place in Le Soleil" and "Place Peyton".


He went on to found the Los Angeles Music Festival in 1947, and was its principal conductor. Herrmann (1911-1975), considered one of the absolute masters of American film music, did not hesitate to use nine harps for the score of "Under the Reef at 12 Miles", two theremins for "The Day the Earth Stood Still", or the snake for "Journey to the Center of the Earth".


Tiomkin (1894-1979) was probably the greatest showman among Hollywood composers, often quoted in the press and among the first to campaign for the Oscars. A shrewd businessman, he was among the first to seek publishing rights for his own music (an unusual move, since studios insist on owning the music in their films).


For Frank Capra, he wrote "Lost Horizon", "Mr. Smith Goes to Washington" and "It's a Wonderful Life". He later became a specialist in the Wild West, with scores such as "High Noon", "Duel in the Sun" and "The Alamo".

John Waxman was particularly proud that a photograph he had taken of his father in 1960 was chosen as the basis for the stamp. 

Dorothy Herrmann, Bernard Herrmann's daughter, said she thought her father would have been extremely happy about this. For the rest of his life, he really wanted people to accept film music as an important art form. Today, these stamps have become collector's items still available and sold on the web...


Pascal Dupont© 2024


by Quentin Billard 30 May 2024
INTRADA RECORDS Time: 29/40 - Tracks: 15 _____________________________________________________________________________ Polar mineur à petit budget datant de 1959 et réalisé par Irving Lerner, « City of Fear » met en scène Vince Edwards dans le rôle de Vince Ryker, un détenu qui s’est évadé de prison avec un complice en emportant avec lui un conteneur cylindrique, croyant contenir de l’héroïne. Mais ce que Vince ignore, c’est que le conteneur contient en réalité du cobalt-60, un matériau radioactif extrêmement dangereux, capable de raser une ville entière. Ryker se réfugie alors dans une chambre d’hôtel à Los Angeles et retrouve à l’occasion sa fiancée, tandis que le détenu est traqué par la police, qui va tout faire pour retrouver Ryker et intercepter le produit radioactif avant qu’il ne soit trop tard. Le scénario du film reste donc très convenu et rappelle certains polars de l’époque (on pense par exemple à « Panic in the Streets » d’Elia Kazan en 1950, sur un scénario assez similaire), mais l’arrivée d’une intrigue en rapport avec la menace de la radioactivité est assez nouvelle pour l’époque et inspirera d’autres polars par la suite (cf. « The Satan Bug » de John Sturges en 1965). Le film repose sur un montage sobre et un rythme assez lent, chose curieuse pour une histoire de course contre la montre et de traque policière. A vrai dire, le manque de rythme et l’allure modérée des péripéties empêchent le film de décoller vraiment : Vince Edwards se voit confier ici un rôle solide, avec un personnage principal dont la santé ne cessera de se dégrader tout au long du film, subissant la radioactivité mortelle de son conteneur qu’il croit contenir de l’héroïne. Autour de lui, quelques personnages secondaires sans grand relief et toute une armada de policiers sérieux et stressés, bien déterminés à retrouver l’évadé et à récupérer le cobalt-60. Malgré l’interprétation convaincante de Vince Edwards (connu pour son rôle dans « Murder by Contract ») et quelques décors urbains réussis – le tout servi par une atmosphère de paranoïa typique du cinéma américain en pleine guerre froide - « City of Fear » déçoit par son manque de moyen et d’ambition, et échoue finalement à susciter le moindre suspense ou la moindre tension : la faute à une mise en scène réaliste, ultra sobre mais sans grande conviction, impersonnelle et peu convaincante, un comble pour un polar de ce genre qui tente de suivre la mode des films noirs américains de l’époque, mais sans réelle passion. Voilà donc une série-B poussiéreuse qui semble être très rapidement tombée dans l’oubli, si l’on excepte une récente réédition dans un coffret DVD consacré aux films noirs des années 50 produits par Columbia Pictures. Le jeune Jerry Goldsmith signa avec « City of Fear » sa deuxième partition musicale pour un long-métrage hollywoodien en 1959, après le western « Black Patch » en 1957. Le jeune musicien, alors âgé de 30 ans, avait à son actif toute une série de partitions écrites pour la télévision, et plus particulièrement pour la CBS, avec laquelle il travailla pendant plusieurs années. Si « City of Fear » fait indiscutablement partie des oeuvres de jeunesse oubliées du maestro, cela n’en demeure pas moins une étape importante dans la jeune carrière du compositeur à la fin des années 50 : le film d’Irving Lerner lui permit de s’attaquer pour la première fois au genre du thriller/polar au cinéma, genre dans lequel il deviendra une référence incontournable pour les décennies à venir. Pour Jerry Goldsmith, le challenge était double sur « City of Fear » : il fallait à la fois évoquer le suspense haletant du film sous la forme d’un compte à rebours, tout en évoquant la menace constante du cobalt-60, véritable anti-héros du film qui devient quasiment une sorte de personnage à part entière – tout en étant associé à Vince Edwards tout au long du récit. Pour Goldsmith, un premier choix s’imposa : celui de l’orchestration. Habitué à travailler pour la CBS avec des formations réduites, le maestro fit appel à un orchestre sans violons ni altos, mais avec tout un pupitre de percussions assez éclectique : xylophone, piano, marimba, harpe, cloches, vibraphone, timbales, caisse claire, glockenspiel, bongos, etc. Le pupitre des cuivres reste aussi très présent et assez imposant, tout comme celui des bois. Les cordes se résument finalement aux registres les plus graves, à travers l’utilisation quasi exclusive des violoncelles et des contrebasses. Dès les premières notes de la musique (« Get Away/Main Title »), Goldsmith établit sans équivoque une sombre atmosphère de poursuite et de danger, à travers une musique agitée, tendue et mouvementée. Alors que l’on aperçoit Ryker et son complice en train de s’échapper à toute vitesse en voiture, Goldsmith introduit une figure rythmique ascendante des cuivres, sur fond de rythmes complexes évoquant tout aussi bien Stravinsky que Bartok – deux influences majeures chez le maestro américain. On notera ici l’utilisation caractéristique du xylophone et des bongos, deux instruments qui seront très présents tout au long du score de « City of Fear », tandis que le piano renforce la tension par ses ponctuations de notes graves sur fond d’harmonies menaçantes des bois et des cuivres : une mélodie se dessine alors lentement au piccolo et au glockenspiel, et qui deviendra très rapidement le thème principal du score, thème empreint d’un certain mystère, tout en annonçant la menace à venir. C’est à partir de « Road Block » que Goldsmith introduit les sonorités associées dans le film à Ryker : on retrouve ici le jeu particulier des percussions (notes rapides de xylophone, ponctuation de piano/timbales) tandis qu’une trompette soliste fait ici son apparition, instrument rattaché dans le film à Ryker. La trompette revient dans « Motel », dans lequel les bongos créent ici un sentiment d’urgence sur fond de ponctuations de trombones et de timbales. Le morceau reflète parfaitement l’ambiance de paranoïa et de tension psychologique du film, tandis que les harmonies sombres du début sont reprises dans « The Facts », pour évoquer la menace du cobalt-60. Ce morceau permet alors à Jerry Goldsmith de développer les sonorités associées à la substance toxique dans le film (un peu comme il le fera quelques années plus tard dans le film « The Satan Bug » en 1965), par le biais de ponctuations de trompettes en sourdine, de percussion métallique et d’un raclement de guiro, évoquant judicieusement le contenant métallique du cobalt-60, que transporte Ryker tout au long du film (croyant à tort qu’il contient de la drogue). « Montage #1 » est quand à lui un premier morceau-clé de la partition de « City of Fear », car le morceau introduit les sonorités associées aux policiers qui traquent le fugitif tout au long du film. Goldsmith met ici l’accent sur un ostinato quasi guerrier de timbales agressives sur fond de cuivres en sourdine, de bois aigus et de caisse claire quasi martial : le morceau possède d’ailleurs un côté militaire assez impressionnant, évoquant les forces policières et l’urgence de la situation : stopper le fugitif à tout prix. Le réalisateur offre même une séquence de montage illustrant les préparatifs de la police pour le début de la course poursuite dans toute la ville, ce qui permet au maestro de s’exprimer pleinement en musique avec « Montage #1 ». Plus particulier, « Tennis Shoes » introduit du jazz traditionnel pour le côté « polar » du film (à noter que le pianiste du score n’est autre que le jeune John Williams !). Le morceau est associé dans le film au personnage de Pete Hallon (Sherwood Price), le gangster complice de Ryker que ce dernier finira par assassiner à la suite de plusieurs maladresses. Le motif jazzy d’Hallon revient ensuite dans « The Shoes » et « Montage #2 », qui reprend le même sentiment d’urgence que la première séquence de montage policier, avec le retour ici du motif descendant rapide de 7 notes qui introduisait le film au tout début de « Get Away/Main Title ». La mélodie principale de piccolo sur fond d’harmonies sombres de bois reviennent enfin dans « You Can’t Stay », rappelant encore une fois la menace du cobalt-60, avec une opposition étonnante ici entre le registre très aigu de la mélodie et l’extrême grave des harmonies, un élément qui renforce davantage la tension dans la musique du film. Le morceau développe ensuite le thème principal pour les dernières secondes du morceau, reprenant une bonne partie du « Main Title ». La tension monte ensuite d’un cran dans le sombre et agité « Taxicab », reprenant les ponctuations métalliques et agressives associées au cobalt-60 (avec son effet particulier du raclement de guiro cubain), tout comme le sombre « Waiting » ou l’oppressant « Search » et son écriture torturée de cordes évoquant la dégradation physique et mentale de Ryker, contaminé par le cobalt-60. « Search » permet au compositeur de mélanger les sonorités métalliques de la substance toxique, la trompette « polar » de Ryker et les harmonies sombres et torturées du « Main Title », aboutissant aux rythmes de bongos/xylophone syncopés complexes de « Track Down » et au climax brutal de « End of the Road » avec sa série de notes staccatos complexes de trompettes et contrebasses. La tension orchestrale de « End of the Road » aboutit finalement à la coda agressive de « Finale », dans lequel Goldsmith résume ses principales idées sonores/thématiques/instrumentales de sa partition en moins de 2 minutes pour la conclusion du film – on retrouve ainsi le motif descendant du « Main Title », le thème principal, le motif métallique et le raclement de guiro du cobalt-60 – un final somme toute assez sombre et élégiaque, typique de Goldsmith. Vous l’aurez certainement compris, « City of Fear » possède déjà les principaux atouts du style Jerry Goldsmith, bien plus reconnaissable ici que dans son premier essai de 1957, « Black Patch ». La musique de « City of Fear » reste d'ailleurs le meilleur élément du long-métrage un peu pauvre d'Irving Lerner : aux images sèches et peu inspirantes du film, Goldsmith répond par une musique sombre, complexe, virile, nerveuse et oppressante. Le musicien met en avant tout au long du film d’Irving Lerner une instrumentation personnelle, mélangeant les influences du XXe siècle (Stravinsky, Bartok, etc.) avec une inventivité et une modernité déconcertante - on est déjà en plein dans le style suspense du Goldsmith des années 60/70. Goldsmith fit partie à cette époque d’une nouvelle génération de musiciens qui apportèrent un point de vue différent et rafraîchissant à la musique de film hollywoodienne (Bernard Herrmann ayant déjà ouvert la voie à cette nouvelle conception) : là où un Steiner ou un Newman aurait proposé une musique purement jazzy ou même inspirée du Romantisme allemand, Goldsmith ira davantage vers la musique extra européenne tout en bousculant l’orchestre hollywoodien traditionnel et en s’affranchissant des figures rythmiques classiques, mélodiques et harmoniques du Golden Age hollywoodien. Sans être un chef-d’oeuvre dans son genre, « City of Fear » reste malgré tout un premier score majeur dans les musiques de jeunesse de Jerry Goldsmith : cette partition, pas si anecdotique qu’elle en a l’air au premier abord, servira de pont vers de futures partitions telles que « The Prize » et surtout « The Satan Bug ». « City of Fear » permit ainsi à Goldsmith de concrétiser ses idées qu’il développa tout au long de ses années à la CBS, et les amplifia sur le film d’Iriving Lerner à l’échelle cinématographique, annonçant déjà certaines de ses futures grandes musiques d’action/suspense pour les décennies à venir – les recettes du style Goldsmith sont déjà là : rythmes syncopés complexes, orchestrations inventives, développements thématiques riches, travail passionné sur la relation image/musique, etc. Voilà donc une musique rare et un peu oubliée du maestro californien, à redécouvrir rapidement grâce à l’excellente édition CD publiée par Intrada, qui contient l’intégralité des 29 minutes écrites par Goldsmith pour « City of Fear », le tout servi par un son tout à fait honorable pour un enregistrement de 1959 ! 
by Quentin Billard 24 May 2024
Essential scores - Jerry Goldsmith
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