The Classic Film Scores
Une indispensable collection de disques pour aimer
la musique des maitres compositeurs du "Golden age" Go to english version
Charles Allan Gerhardt
Charles Gerhardt eut une réputation de grand chef d’orchestre, producteur de disques et d’arrangeur musical. Son travail colossal à la RCA pour la série des CLASSIC FILM SCORES lui vaudra une reconnaissance totale des pairs de la musique de film Hollywoodienne de l’époque du Golden Age.
C’est le 6 février 1927 à Detroit dans le Michigan que Charles Gerhardt voit le jour. Il se passionne pour la musique et les instruments à percussion dès son plus jeune âge. À cinq ans, il prend des cours de piano et à neuf ans, s’assure d’une solide réputation d’orchestrateur puis de compositeur. Il passe ses premières années d’études à Little Rock dans l’Arkansas, puis au bout de 10 ans, après avoir fini sa scolarité, il déménage avec sa famille dans l’Illinois.
Pour ses devoirs militaires, il sert la Marine des Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale en tant qu’aide d’aumônerie dans les iles Aléoutiennes, puis devient membre actif des anciens combattants des guerres étrangères. Il poursuit par la suite des études à l’Université de l’Illinois au Collège de «William and Mary» puis intègre l’Université de Californie du Sud. Pendant toute cette période scolaire, Charles Gerhardt fut attiré par la musique mais aussi par les sciences. Cet intérêt l’amena même pendant quelques temps à suivre des cours à la fameuse Juilliard School de New York.
La passion de Charles Gerhardt était l’art de l’enregistrement. En 1955, il est embauché à Westminster Records ; il y restera cinq ans jusqu’à ce que la société cesse ses activités, puis ensuite à Bell Sound. Un jour, il reçoit un appel téléphonique de George Marek pour rencontrer les responsables de la Reader’s Digest, organisme spécialiste de la vente de disque par correspondance. Un contact qui allait lui permettre d’assurer une riche carrière de plus de 30 ans.
Le premier travail de Gerhardt pour la Reader’s Digest fut la réalisation d’un disque pour «Un festival de musique classique légère». Il s’agissait d’un coffret/album de 12 LP qu’il produit entièrement. L’un de ses plus beaux projets fut la réalisation d’un autre coffret de 12 LP intitulé «Trésors de la Grande Musique», mettant en vedette le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par quelques chefs de file de l’époque comme Charles Munch avec des anthologies musicales autour de Bizet, Tchaikovsky, Kempe, Strauss, Respighi, Krips, Mozart, Haydn, Berlioz, Brahms, Reiner, John Barbirolli …
Durant les années 50 il dirige les œuvres de Vladimir Horowitz, Wanda Landowska, Kirsten Flagstad et William Kapeli. À la Reader’s Digest, Gerhardt rencontre Kenneth Wilkinson, ingénieur du son réputé. Les deux hommes s’entendent merveilleusement bien et ont en commun la passion pour l’enregistrement et la qualité sonore.
Au début des années 60, Gerhardt vit en Angleterre où il réalisa la majeure partie de ses enregistrements mais garde un pied à terre aux États-Unis, principalement à New York. Souvent, quand il allait aux Etats-Unis, après une période de sessions d’enregistrement, il s’arrêtait à Baltimore et passait un peu de temps à écouter des cassettes de ses nouveaux enregistrements.
Gerhardt aimait les instruments à percussion, en particulier les tam-tams. Un de ses enregistrements préférés était le disque mono Columbia du Poème de «l’Ecstasy of Scriabin», de Dimitri Mitropoulos avec le New York Philharmonic. Il avait une grande admiration et un grand respect pour les nombreux chefs d’orchestre, à commencer par Arturo Toscanini, avec qui il a travaillé plusieurs années. C’est Toscanini qui suggéra à Gerhardt de devenir chef d’orchestre, ce qu’il fit.
Sa carrière comme directeur d’orchestre débuta lorsqu’il dû remplacer un chef qui ne se présenta pas à ses répétitions. Un poste qu’il prit l’habitude d’occuper ensuite lors de diverses sessions d’enregistrement pour le disque et occasionnellement pour des concerts. Ses enregistrements pour le « Classique » incluent des œuvres de Richard Strauss, Tchaïkovski, Wagner, Ravel, Debussy, Walton et de Howard Hanson.
L’aventure commence
THE SEA HAWK: THE CLASSIC FILM SCORES OF ERICH WOLFGANG KORNGOLD. Pour ce premier disque, Gerhardt sélectionne 10 scores de Korngold qu’il enregistre dans le Studio de Kingsway Hall à Londres, réputé pour son étonnante acoustique. Le disque profite ainsi des conditions d’enregistrement optimales, favorisant par la même occasion, les performances du National Philharmonic (et de son super leader, Sidney Sax), formidable orchestre composé des meilleurs musiciens de Londres et de solistes freelance. Chaque album fut enregistré dans le même studio avec Kenneth Wilkinson comme ingénieur du son et George Korngold comme conseiller/producteur.
Dés sa sortie, la réussite du disque suscite les plus vives réactions de La presse anglo-saxonne. l’album profitera même d’un article édité dans le numéro 37 de Billboard ; une première en décembre 1972 dans cette catégorie. Il ne faudra pas moins d’une année pour écouler les 10000 premiers exemplaires dans toutes les maisons de disques spécialisées. Pressé en total à plus de 38000 exemplaires il sera le cinquième disque le plus vendu dans la catégorie «classique» en 1973.
Fort de ce succès, Charles Gerhardt se voit confier par Peter Munves et RCA, la réalisation de nouveaux disques consacrés à d’autres Grands Maitres de la musique Hollywoodienne. Au programme se succèderont 8 albums dédiés à Max Steiner, Miklos Rozsa, Franz Waxman, Dimitri Tiomkin, Bernard Herrmann puis 3 volumes associés à des stars de cinéma spécifiques comme Bette Davis, Errol Flynn et Humphrey Bogart. Puis un disque également consacré à Alfred Newman, compositeur pilier du fameux son d’Hollywood que Gerhardt admirait et qu’ il avait déjà rencontré auparavant.
«Newman était un homme charmant, plein de bonne humeur. Il était sympathique, fun avec la plaisanterie à la clé. Avec son éternel cigare noir à la main, c’était un compositeur de métier, terre à terre, il discutait peu de lui mais fut un conseiller de premier ordre dans ma vie».
Gerhardt consultait certains compositeurs à l’avance sur la façon de recréer des suites à partir de leurs œuvres, ou quand cela n’était pas possible, il recomposait les suites lui même et les soumettait aux compositeurs pour obtenir leur approbation. «Certains critiques se sont plaint que mes suites étaient trop courtes mais mon objectif dans le cas de chaque album fut de présenter un portrait bien scindé du compositeur en mettant en avant ses nombreuses facettes créatives».
Bien que Korngold, Newman et Steiner n’étaient plus là pour apporter leur soutien, Gerhardt a eu la chance de travailler tout de même avec Herrmann, Rózsa et Tiomkin, qui se sont souvent présentés au studio d’enregistrement pour lui prêter main forte. Gerhardt eut l’idée de créer en plus des albums axés autour d’une seule star de cinéma. Trois volumes spécifiques furent consacrés ainsi à la musique des films d’ Humphrey Bogart, d’Errol Flynn et de Bette Davis. Bien que ces albums souffrirent d’une trop grande diversité de genres, ils offrirent tout de même la possibilité d’entendre et de découvrir des compositions rares et inédites.
L’album le mieux conçu, fut certainement celui consacré à Bette Davis. Consultante et consciente de l’importance du rôle de la musique dans ses films, la légendaire actrice pris part à la conception du disque sachant que ce dernier privilégiait avant tout des scores de Max Steiner conçus pour la Warner Bros.
La collection démarre
Malgré un passion sans limite pour certains compositeurs, Gerhardt envisage vite de concevoir le disque consacré à Miklos Rozsa, en y incluant d’office des suites réservées à SPELLBOUND et à THE RED HOUSE, l’une de ses partitions préférée qu’il exhumera pour en réaliser l’une des plus longues suites de la série. Parallèlement il recevra divers « wish list » de fans et des films à visionner comme celui de THE FOUR FEATHERS qu’il n’avait jamais vu et qui lui donneront l’occasion de découvrir un score splendide de Miklos Rozsa qu’il ne connaissait pas. Il fut cependant déçu de ne pas pouvoir concevoir une suite plus longue de SPELLBOUND pour des raisons de droits.
Malgré l’approbation totale de la RCA, Gerhardt s’aperçoit qu’il n’est pas chose facile d’enregistrer des musiques de film dans leurs formes originales car peu furent éditées, jouées et rendues disponible à la location. Pour l’album THE SEA HAWK, les choses furent plus simples car Georges Korngold possédait des copies des partitions de son père et la Warner Bros avait également archivé du matériel dans de bonnes conditions.
Dés le début, Gerhardt rencontra d’autres soucis majeurs quant à l’exumation de partitions nichées dans d’autres studios avec souvent la mauvaise surprise de découvrir des conducteurs d’orchestre absents, incomplets ou d’autres particulièrement modifiés par des orchestrateurs lors de sessions d’enregistrement ou bien aussi, la surprise de découvrir, dans certain cas, des informations d’instrumentation notées en sténo sur les bords des conducteurs.
Pour le disque dédié à Max Steiner par exemple, la partition de KING KONG avait disparu des archives de la RKO. Les conducteurs, expédiés dans des entrepôts insalubres de Los Angeles en 1950 s’furent retrouvés totalement dégradés et illisibles. C’est avec l’aide de Georges Korngold que Gerhardt pu reconstituer une suite concrète à partir des maquettes au piano laissées par Steiner à l’époque.
«Revisiter la partition de THE THING FROM ANOTHER WORLD fut complexe, elle comportait des passages expérimentaux et nécessita un orchestre peu orthodoxe. Vous pouvez comprendre que j’avais là, un travail énorme sur les bras. Lorsque j’ai abordé les sessions d’enregistrement ce ne fut pas sans quelques inquiétudes. Cependant, le compositeur présent ne fit aucune critique ni observation sur mon travail. Bien au contraire, il en était ravi.»
Pour le disque GONE WITH THE WIND, Steiner était contre l’idée de refaire une bande originale complète car il estimait que trop de passages se répétaient. Ce fut pour lui l’occasion de revisiter sa propre partition en y intégrant ses mélodies préférées. Une synthèse qui lui offrit la possibilité de redynamiser sa musique en éliminant d’office les parties les moins intéressantes de la partition.
Conçus sous la forme de longues suites ou de thèmes isolés, les disques reflètent l’essentielle de l’œuvre des compositeurs. Les Classic Film Scores de Franz Waxman, de Bernard Herrmann et de Miklos Rozsa feront un carton plein chez les collectionneurs. Ce sera l’occasion pour Gerhardt, d’exhumer des scores oubliés ou rares comme ceux de WHITE WITCH DOCTOR et ON DANGEROUS GROUND d’Herrmann, THE SUN ALSO RISES d’Hugo Friedhofer et des premiers enregistrements pour PRINCE VALIANT de Waxman et de THE RED HOUSE de Rozsa et ce avec une acoustique nouvelle et impeccable. Le tout restitué et restauré avec le souci incroyable du «son original».
Pour ELISABETH AND ESSEX, Erich Korngold avait déjà préparé une suite sous la forme d’une ouverture qui fut jouée dans un théâtre en première mondiale. La suite de ROBIN HOOD existait déjà aussi. Franz Waxman réalisa sa propre suite pour A PLACE IN THE SUN déjà joué en concert également. Dimitri Tiomkin et Miklos Rozsa intervenaient comme consultants mais apportèrent également des arrangements à leur partitions.
Pour la suite de WHITE WITCH DOCTOR, Bernard Herrmann ajouta des percussions pour lier les différents tableaux musicaux présentés. Il en fit de même pour les différentes parties à assembler de CITIZEN KANE. Miklos Rozsa vit l’opportunité d’ajouter une chorale d’hommes sur la suite de THE JUNGLE BOOK sur une idée de Charles Gerhardt. Rozsa revisita également certaines parties musicales développées dans la suite de THE FOUR FEATHERS.
Pour le disque dédié a Errol Flynn, Gerhardt réorchestra le thème « The Lights of Paris » de THE SUN ALSO RISES de Hugo Friedhofer car l’original n’était plus disponible.
Soucieux d’ouvrir la collection à d’autres genres comme la science fiction, Gerhardt consacra en 1992 deux autres albums pour la série. Un premier comportant des suites contemporaines de STAR WARS et de CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND permettant de promouvoir le travail de John williams, compositeur phare de la nouvelle musique de film. Puis un autre nommé THE SPECTACULAR WORLD OF CLASSIC FILM SCORES, présentant une compilation décevante de scores ayant déjà fait l’objet d’un enregistrement, excepté la création d’une suite de THE THING de Dimitri Tiomkin et du très rarement entendu théme de Daniele Amfitheatrof « Dance of the Seven Veils » issu du film SALOME.
En 1978, la collection est éditée en Espagne chez RCA Cinema Tre. Aux USA et en Europe, la série des «Classic Films Scores» LP fera l’objet d’une réédition au début des années 80 avec une couverture noire à la charte art déco et indexée d’une étoile de couleur. Tous les volumes de la première série furent réédités.
A la fin des années 80 la série s’essouffle un peu, Charles Gherhart envisage de relancer sa collection par la création d’albums dédiés aux actrices américaines célèbres, un nouveau volume pour Max Steiner et le Western, un volume pour la reconstruction du score de THE BRIDE OF FRANKENSTEIN de Waxman puis des volumes consacrés à Alex North, Hugo Friedhofer, Victor Young et Elmer Bernstein… Mais la RCA ne suivra pas Gerhardt sur ces projets préférant éditer pour la première fois la collection en CD.
La série Cds fera l’objet d’une réédition en 2010 dans une charte feu orangé, toujours sous le label RCA RED SEAL mais distribué par Sony Music Entertainment. Toujours une réussite !
Les LP Classic Films Scores de RCA Victor représente un ensemble unique dans l’histoire du disque de musique de film et de la collection. 14 enregistrements d’une qualité rare, produits donc par Georges Korngold et Charles Gerhardt allaient devenir pour l’avenir l’un des révélateurs du phénomène de la réédition.
D’autres concepts
Plus tard, Charles Gerhardt passa la plupart de son temps à Londres en continuant à réaliser des enregistrements. Après s’être retiré de la RCA en 1986, il travailla de nouveau mais indépendamment pour la «Reader’s Digest» et d’autres labels de disque, un poste qu’il assura en production et en supervision musicale jusqu’en 1997.
Depuis 1991 il vivait à Redding en Californie, puis, à la fin de sa vie, Charles Gerhardt n’est jamais réapparu en public en tant que directeur d’orchestre, refusant toutes les invitations en raison de son désir de rester discret. Dans son entourage il était proche de deux cousines, Lenore L. Engel, Elizabeth Anne Schuetze, toutes deux vivant à San Antonio et d’un cousin, Steven W Gerhardt de St. Pete Beach, en Floride.
Fin novembre 1998, lors d’un examen, il reçut un diagnostic de tumeur au cerveau. Il décéda l’année suivante des complications d’une chirurgie cérébrale, c’était le 22 février 1999, il avait 72 ans. En hommage à Charles Gerhardt et à la plus célèbre collection de disques de musiques de film : Les Classic Film Scores.
