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The Classic Film Scores

Pascal Dupont

Une indispensable collection de disques pour aimer

la musique des maitres compositeurs du "Golden age"                          Go to english version


Charles Allan Gerhardt


Charles Gerhardt eut une réputation de grand chef d’orchestre, producteur de disques et d’arrangeur musical. Son travail colossal à la RCA pour la série des CLASSIC FILM SCORES lui vaudra une reconnaissance totale des pairs de la musique de film Hollywoodienne de l’époque du Golden Age.


C’est le 6 février 1927 à Detroit dans le Michigan que Charles Gerhardt voit le jour. Il se passionne pour la musique et les instruments à percussion dès son plus jeune âge. À cinq ans, il prend des cours de piano et à neuf ans, s’assure d’une solide réputation d’orchestrateur puis de compositeur. Il passe ses premières années d’études à Little Rock dans l’Arkansas, puis au bout de 10 ans, après avoir fini sa scolarité, il déménage avec sa famille dans l’Illinois.

Pour ses devoirs militaires, il sert la Marine des Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale en tant qu’aide d’aumônerie dans les iles Aléoutiennes, puis devient membre actif des anciens combattants des guerres étrangères. Il poursuit par la suite des études à l’Université de l’Illinois au Collège de «William and Mary» puis intègre l’Université de Californie du Sud. Pendant toute cette période scolaire, Charles Gerhardt fut attiré par la musique mais aussi par les sciences. Cet intérêt l’amena même pendant quelques temps à suivre des cours à la fameuse Juilliard School de New York.

La passion de Charles Gerhardt était l’art de l’enregistrement. En 1955, il est embauché à Westminster Records ; il y restera cinq ans jusqu’à ce que la société cesse ses activités, puis ensuite à Bell Sound. Un jour, il reçoit un appel téléphonique de George Marek pour rencontrer les responsables de la Reader’s Digest, organisme spécialiste de la vente de disque par correspondance. Un contact qui allait lui permettre d’assurer une riche carrière de plus de 30 ans.


Le premier travail de Gerhardt pour la Reader’s Digest fut la réalisation d’un disque pour «Un festival de musique classique légère». Il s’agissait d’un coffret/album de 12 LP qu’il produit entièrement. L’un de ses plus beaux projets fut la réalisation d’un autre coffret de 12 LP intitulé «Trésors de la Grande Musique», mettant en vedette le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par quelques chefs de file de l’époque comme Charles Munch avec des anthologies musicales autour de Bizet, Tchaikovsky, Kempe, Strauss, Respighi, Krips, Mozart, Haydn, Berlioz, Brahms, Reiner, John Barbirolli …


Durant les années 50 il dirige les œuvres de Vladimir Horowitz, Wanda Landowska, Kirsten Flagstad et William Kapeli. À la Reader’s Digest, Gerhardt rencontre Kenneth Wilkinson, ingénieur du son réputé. Les deux hommes s’entendent merveilleusement bien et ont en commun la passion pour l’enregistrement et la qualité sonore.


Au début des années 60, Gerhardt vit en Angleterre où il réalisa la majeure partie de ses enregistrements mais garde un pied à terre aux États-Unis, principalement à New York. Souvent, quand il allait aux Etats-Unis, après une période de sessions d’enregistrement, il s’arrêtait à Baltimore et passait un peu de temps à écouter des cassettes de ses nouveaux enregistrements.


Gerhardt aimait les instruments à percussion, en particulier les tam-tams. Un de ses enregistrements préférés était le disque mono Columbia du Poème de «l’Ecstasy of Scriabin», de Dimitri Mitropoulos avec le New York Philharmonic. Il avait une grande admiration et un grand respect pour les nombreux chefs d’orchestre, à commencer par Arturo Toscanini, avec qui il a travaillé plusieurs années. C’est Toscanini qui suggéra à Gerhardt de devenir chef d’orchestre, ce qu’il fit.


Sa carrière comme directeur d’orchestre débuta lorsqu’il dû remplacer un chef qui ne se présenta pas à ses répétitions. Un poste qu’il prit l’habitude d’occuper ensuite lors de diverses sessions d’enregistrement pour le disque et occasionnellement pour des concerts. Ses enregistrements pour le « Classique » incluent des œuvres de Richard Strauss, Tchaïkovski, Wagner, Ravel, Debussy, Walton et de Howard Hanson.

Embauché chez RCA Records, il transfere, pour la réalisation de 33 tours, des enregistrements 78 tours d’Enrico Caruso et d’autres artistes. Il participe aux enregistrements de la chanteuse soprano Kirsten Flagstad et du pianiste Vladimir Horowitz et travaille avec des chefs renommés comme Fritz Reiner, Leopold Stokowski et Charles Munch avec qui il apprend les ficelles du métier.

Toujours à la RCA, il continu d’ assister Arturo Toscanini avec qui il perfectionne la direction d’orchestre. Puis, en 1960, il produit des enregistrements pour RCA et la Reader’s Digest à Londres, il s’associe ensuite avec Kenneth Wilkinson de Decca Records (filiale de RCA en Europe) et réalise avec lui un nombre incroyable d’enregistrements sur une période de 30 ans. Un travail axé essentiellement sur la qualité musicale, la performance de l’interprétation et du son.

Ensuite, La RCA et la Reader’s Digest lui confient la production d’un coffret de 12 disques LP intitulé Lumière du Classique uniquement vendu par correspondance. Avec un budget de 250 000 $ Gerhardt assura le contrôle total du projet : répertoire, choix Orchestres et production. Il enregistre à Londres, à Vienne, à Paris et embauche des pointures comme Sir Adrian Boult, Massimo Freccia, Sir Alexander Gibson et René Leibowitz pour les directions d’orchestres. La réussite de ce projet, autant pour la qualité musicale que pour son aspect sonore, lui vaudra une reconnaissance de la part des ses employeurs.

D’autres projets de même envergure suivirent… Un coffret des œuvres symphoniques de Beethoven avec René Leibowitz et le Royal Philharmonic Orchestra. Un coffret regroupant des oeuvres de Rachmaninoff pour piano et orchestre avec Earl Wild, Jascha Horenstein et Le Royal Philharmonic Orchestra. Un autre coffret de 12 disques LP intitulé Trésors de la Grande Musique, 6 avec le Royal Philharmonique dirigé par quelques-uns des plus grands directeurs d’orchestre de l’époque: Fritz Reiner, Charles Munch, Rudolf Kempe, Sir John Barbirolli, Sir Malcolm Sargent, Antal Dorati et Jascha Horenstein avec qui Gerhardt avait sympathisé.

En janvier 1964 à Londres, Gerhardt s’associe avec Sidney Sax, instrumentiste et chef d’orchestre pour former un orchestre freelance. Un groupe performant qui intègre ensuite l’Orchestre Philharmonique National de Londres, incroyable formation qui deviendra par la suite l’orchestre de prédilection de Jerry Goldsmith.

Avec Peter Munves, chef de la division classique de RCA, il projette l’idée d’enregistrer un album exclusivement dédié aux musique de film d’Erich Wolfgang Korngold l’un de ses compositeurs fétiches. Enthousiasmé par cette entreprise, Munves laisse carte blanche à Gerhardt qui se voit offrir l’aide de George Korngold, producteur et fils du célèbre compositeur viennois, qui possédait toutes les copies des conducteurs d’orchestre de son père.

L’aventure commence


THE SEA HAWK: THE CLASSIC FILM SCORES OF ERICH WOLFGANG KORNGOLD. Pour ce premier disque, Gerhardt sélectionne 10 scores de Korngold qu’il enregistre dans le Studio de Kingsway Hall à Londres, réputé pour son étonnante acoustique. Le disque profite ainsi des conditions d’enregistrement optimales, favorisant par la même occasion, les performances du National Philharmonic (et de son super leader, Sidney Sax), formidable orchestre composé des meilleurs musiciens de Londres et de solistes freelance. Chaque album fut enregistré dans le même studio avec Kenneth Wilkinson comme ingénieur du son et George Korngold comme conseiller/producteur.


Dés sa sortie, la réussite du disque suscite les plus vives réactions de La presse anglo-saxonne. l’album profitera même d’un article édité dans le numéro 37 de Billboard ; une première en décembre 1972 dans cette catégorie. Il ne faudra pas moins d’une année pour écouler les 10000 premiers exemplaires dans toutes les maisons de disques spécialisées. Pressé en total à plus de 38000 exemplaires il sera le cinquième disque le plus vendu dans la catégorie «classique» en 1973.

Fort de ce succès, Charles Gerhardt se voit confier par Peter Munves et RCA, la réalisation de nouveaux disques consacrés à d’autres Grands Maitres de la musique Hollywoodienne. Au programme se succèderont 8 albums dédiés à Max Steiner, Miklos Rozsa, Franz Waxman, Dimitri Tiomkin, Bernard Herrmann puis 3 volumes associés à des stars de cinéma spécifiques comme Bette Davis, Errol Flynn et Humphrey Bogart. Puis un disque également consacré à Alfred Newman, compositeur pilier du fameux son d’Hollywood que Gerhardt admirait et qu’ il avait déjà rencontré auparavant.

«Newman était un homme charmant, plein de bonne humeur. Il était sympathique, fun avec la plaisanterie à la clé. Avec son éternel cigare noir à la main, c’était un compositeur de métier, terre à terre, il discutait peu de lui mais fut un conseiller de premier ordre dans ma vie».

Gerhardt consultait certains compositeurs à l’avance sur la façon de recréer des suites à partir de leurs œuvres, ou quand cela n’était pas possible, il recomposait les suites lui même et les soumettait aux compositeurs pour obtenir leur approbation. «Certains critiques se sont plaint que mes suites étaient trop courtes mais mon objectif dans le cas de chaque album fut de présenter un portrait bien scindé du compositeur en mettant en avant ses nombreuses facettes créatives».

Bien que Korngold, Newman et Steiner n’étaient plus là pour apporter leur soutien, Gerhardt a eu la chance de travailler tout de même avec Herrmann, Rózsa et Tiomkin, qui se sont souvent présentés au studio d’enregistrement pour lui prêter main forte. Gerhardt eut l’idée de créer en plus des albums axés autour d’une seule star de cinéma. Trois volumes spécifiques furent consacrés ainsi à la musique des films d’ Humphrey Bogart, d’Errol Flynn et de Bette Davis. Bien que ces albums souffrirent d’une trop grande diversité de genres, ils offrirent tout de même la possibilité d’entendre et de découvrir des compositions rares et inédites.

L’album le mieux conçu, fut certainement celui consacré à Bette Davis. Consultante et consciente de l’importance du rôle de la musique dans ses films, la légendaire actrice pris part à la conception du disque sachant que ce dernier privilégiait avant tout des scores de Max Steiner conçus pour la Warner Bros.



La collection démarre


Malgré un passion sans limite pour certains compositeurs, Gerhardt envisage vite de concevoir le disque consacré à Miklos Rozsa, en y incluant d’office des suites réservées à SPELLBOUND et à THE RED HOUSE, l’une de ses partitions préférée qu’il exhumera pour en réaliser l’une des plus longues suites de la série. Parallèlement il recevra divers « wish list » de fans et des films à visionner comme celui de THE FOUR FEATHERS qu’il n’avait jamais vu et qui lui donneront l’occasion de découvrir un score splendide de Miklos Rozsa qu’il ne connaissait pas. Il fut cependant déçu de ne pas pouvoir concevoir une suite plus longue de SPELLBOUND pour des raisons de droits.

Malgré l’approbation totale de la RCA, Gerhardt s’aperçoit qu’il n’est pas chose facile d’enregistrer des musiques de film dans leurs formes originales car peu furent éditées, jouées et rendues disponible à la location. Pour l’album THE SEA HAWK, les choses furent plus simples car Georges Korngold possédait des copies des partitions de son père et la Warner Bros avait également archivé du matériel dans de bonnes conditions.

Dés le début, Gerhardt rencontra d’autres soucis majeurs quant à l’exumation de partitions nichées dans d’autres studios avec souvent la mauvaise surprise de découvrir des conducteurs d’orchestre absents, incomplets ou d’autres particulièrement modifiés par des orchestrateurs lors de sessions d’enregistrement ou bien aussi, la surprise de découvrir, dans certain cas, des informations d’instrumentation notées en sténo sur les bords des conducteurs.

Pour le disque dédié à Max Steiner par exemple, la partition de KING KONG avait disparu des archives de la RKO. Les conducteurs, expédiés dans des entrepôts insalubres de Los Angeles en 1950 s’furent retrouvés totalement dégradés et illisibles. C’est avec l’aide de Georges Korngold que Gerhardt pu reconstituer une suite concrète à partir des maquettes au piano laissées par Steiner à l’époque.

Une expérience renouvelée lors de la découverte dans les mêmes entrepôts, des conducteurs de The Thing de Dimitri Tiomkin retrouvés dans un états avancé de désintégration. Heureusement pour Gerhardt, Tiomkin encore vivant, avait pu fournir des maquettes précises au piano comportant des informations d’orchestration en sténo, qui révélaient une écriture complexe et très novatrice en son temps. Tiomkin composait toujours au piano en inscrivants des informations et des signes très particuliers sur le bord des partitions au crayon de bois, un système ingénieux de son invention mais difficile à décrypter.

«Revisiter la partition de THE THING FROM ANOTHER WORLD fut complexe, elle comportait des passages expérimentaux et nécessita un orchestre peu orthodoxe. Vous pouvez comprendre que j’avais là, un travail énorme sur les bras. Lorsque j’ai abordé les sessions d’enregistrement ce ne fut pas sans quelques inquiétudes. Cependant, le compositeur présent ne fit aucune critique ni observation sur mon travail. Bien au contraire, il en était ravi.»

Pour le disque GONE WITH THE WIND, Steiner était contre l’idée de refaire une bande originale complète car il estimait que trop de passages se répétaient. Ce fut pour lui l’occasion de revisiter sa propre partition en y intégrant ses mélodies préférées. Une synthèse qui lui offrit la possibilité de redynamiser sa musique en éliminant d’office les parties les moins intéressantes de la partition.

Conçus sous la forme de longues suites ou de thèmes isolés, les disques reflètent l’essentielle de l’œuvre des compositeurs. Les Classic Film Scores de Franz Waxman, de Bernard Herrmann et de Miklos Rozsa feront un carton plein chez les collectionneurs. Ce sera l’occasion pour Gerhardt, d’exhumer des scores oubliés ou rares comme ceux de WHITE WITCH DOCTOR et ON DANGEROUS GROUND d’Herrmann, THE SUN ALSO RISES d’Hugo Friedhofer et des premiers enregistrements pour PRINCE VALIANT de Waxman et de THE RED HOUSE de Rozsa et ce avec une acoustique nouvelle et impeccable. Le tout restitué et restauré avec le souci incroyable du «son original».

Pour ELISABETH AND ESSEX, Erich Korngold avait déjà préparé une suite sous la forme d’une ouverture qui fut jouée dans un théâtre en première mondiale. La suite de ROBIN HOOD existait déjà aussi. Franz Waxman réalisa sa propre suite pour A PLACE IN THE SUN déjà joué en concert également. Dimitri Tiomkin et Miklos Rozsa intervenaient comme consultants mais apportèrent également des arrangements à leur partitions.

Pour la suite de WHITE WITCH DOCTOR, Bernard Herrmann ajouta des percussions pour lier les différents tableaux musicaux présentés. Il en fit de même pour les différentes parties à assembler de CITIZEN KANE. Miklos Rozsa vit l’opportunité d’ajouter une chorale d’hommes sur la suite de THE JUNGLE BOOK sur une idée de Charles Gerhardt. Rozsa revisita également certaines parties musicales développées dans la suite de THE FOUR FEATHERS.

Pour le disque dédié a Errol Flynn, Gerhardt réorchestra le thème « The Lights of Paris » de THE SUN ALSO RISES de Hugo Friedhofer car l’original n’était plus disponible.
«Je voulais revenir à ce temps là et explorer systématiquement la substance propre des grandes partitions cinématographiques de la fin des années 30 et 40, les renvoyer directement à leurs images comme des entités dramatiques. L’envie de refaire découvrir des airs que nous connaissons et de tenir compte des contextes dans lesquels ils ont été employés à l’origine. J’ai décidé de recréer ces Scores avec leurs orchestrations originales et cela ne pouvait être fait qu’en revenant aux sources ultimes, comme les compositeurs les avaient conçues à l’origine. »

Soucieux d’ouvrir la collection à d’autres genres comme la science fiction, Gerhardt consacra en 1992 deux autres albums pour la série. Un premier comportant des suites contemporaines de STAR WARS et de CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND permettant de promouvoir le travail de John williams, compositeur phare de la nouvelle musique de film. Puis un autre nommé THE SPECTACULAR WORLD OF CLASSIC FILM SCORES, présentant une compilation décevante de scores ayant déjà fait l’objet d’un enregistrement, excepté la création d’une suite de THE THING de Dimitri Tiomkin et du très rarement entendu théme de Daniele Amfitheatrof « Dance of the Seven Veils » issu du film SALOME.

En 1978, la collection est éditée en Espagne chez RCA Cinema Tre. Aux USA et en Europe, la série des «Classic Films Scores» LP fera l’objet d’une réédition au début des années 80 avec une couverture noire à la charte art déco et indexée d’une étoile de couleur. Tous les volumes de la première série furent réédités.

A la fin des années 80 la série s’essouffle un peu, Charles Gherhart envisage de relancer sa collection par la création d’albums dédiés aux actrices américaines célèbres, un nouveau volume pour Max Steiner et le Western, un volume pour la reconstruction du score de THE BRIDE OF FRANKENSTEIN de Waxman puis des volumes consacrés à Alex North, Hugo Friedhofer, Victor Young et Elmer Bernstein… Mais la RCA ne suivra pas Gerhardt sur ces projets préférant éditer pour la première fois la collection en CD.
Début 1990, RCA propose à Charles Gerhardt de superviser et coproduire cette collection. Ce dernier y voit l’opportunité de revisiter quelques volumes en y insérant des morceaux qui ne figuraient pas sur les LPs ou en allongeant certaines suites. C’est le volume consacré à Franz Waxman SUNSET BOULEVARD qui sera édité en premier. Le CD ne profitera pas d’une promotion particulière mais se vendra très bien, comme les autres CDs qui suivront… Une collection marquée par un nouveau design en pantone argent à chaud.

La série Cds fera l’objet d’une réédition en 2010 dans une charte feu orangé, toujours sous le label RCA RED SEAL mais distribué par Sony Music Entertainment. Toujours une réussite !

Les LP Classic Films Scores de RCA Victor représente un ensemble unique dans l’histoire du disque de musique de film et de la collection. 14 enregistrements d’une qualité rare, produits donc par Georges Korngold et Charles Gerhardt allaient devenir pour l’avenir l’un des révélateurs du phénomène de la réédition.

D’autres concepts


Plus tard, Charles Gerhardt passa la plupart de son temps à Londres en continuant à réaliser des enregistrements. Après s’être retiré de la RCA en 1986, il travailla de nouveau mais indépendamment pour la «Reader’s Digest» et d’autres labels de disque, un poste qu’il assura en production et en supervision musicale jusqu’en 1997.


Depuis 1991 il vivait à Redding en Californie, puis, à la fin de sa vie, Charles Gerhardt n’est jamais réapparu en public en tant que directeur d’orchestre, refusant toutes les invitations en raison de son désir de rester discret. Dans son entourage il était proche de deux cousines, Lenore L. Engel, Elizabeth Anne Schuetze, toutes deux vivant à San Antonio et d’un cousin, Steven W Gerhardt de St. Pete Beach, en Floride.


Fin novembre 1998, lors d’un examen, il reçut un diagnostic de tumeur au cerveau. Il décéda l’année suivante des complications d’une chirurgie cérébrale, c’était le 22 février 1999, il avait 72 ans. En hommage à Charles Gerhardt et à la plus célèbre collection de disques de musiques de film : Les Classic Film Scores.




by Quentin Billard 30 May 2024
INTRADA RECORDS Time: 29/40 - Tracks: 15 _____________________________________________________________________________ Polar mineur à petit budget datant de 1959 et réalisé par Irving Lerner, « City of Fear » met en scène Vince Edwards dans le rôle de Vince Ryker, un détenu qui s’est évadé de prison avec un complice en emportant avec lui un conteneur cylindrique, croyant contenir de l’héroïne. Mais ce que Vince ignore, c’est que le conteneur contient en réalité du cobalt-60, un matériau radioactif extrêmement dangereux, capable de raser une ville entière. Ryker se réfugie alors dans une chambre d’hôtel à Los Angeles et retrouve à l’occasion sa fiancée, tandis que le détenu est traqué par la police, qui va tout faire pour retrouver Ryker et intercepter le produit radioactif avant qu’il ne soit trop tard. Le scénario du film reste donc très convenu et rappelle certains polars de l’époque (on pense par exemple à « Panic in the Streets » d’Elia Kazan en 1950, sur un scénario assez similaire), mais l’arrivée d’une intrigue en rapport avec la menace de la radioactivité est assez nouvelle pour l’époque et inspirera d’autres polars par la suite (cf. « The Satan Bug » de John Sturges en 1965). Le film repose sur un montage sobre et un rythme assez lent, chose curieuse pour une histoire de course contre la montre et de traque policière. A vrai dire, le manque de rythme et l’allure modérée des péripéties empêchent le film de décoller vraiment : Vince Edwards se voit confier ici un rôle solide, avec un personnage principal dont la santé ne cessera de se dégrader tout au long du film, subissant la radioactivité mortelle de son conteneur qu’il croit contenir de l’héroïne. Autour de lui, quelques personnages secondaires sans grand relief et toute une armada de policiers sérieux et stressés, bien déterminés à retrouver l’évadé et à récupérer le cobalt-60. Malgré l’interprétation convaincante de Vince Edwards (connu pour son rôle dans « Murder by Contract ») et quelques décors urbains réussis – le tout servi par une atmosphère de paranoïa typique du cinéma américain en pleine guerre froide - « City of Fear » déçoit par son manque de moyen et d’ambition, et échoue finalement à susciter le moindre suspense ou la moindre tension : la faute à une mise en scène réaliste, ultra sobre mais sans grande conviction, impersonnelle et peu convaincante, un comble pour un polar de ce genre qui tente de suivre la mode des films noirs américains de l’époque, mais sans réelle passion. Voilà donc une série-B poussiéreuse qui semble être très rapidement tombée dans l’oubli, si l’on excepte une récente réédition dans un coffret DVD consacré aux films noirs des années 50 produits par Columbia Pictures. Le jeune Jerry Goldsmith signa avec « City of Fear » sa deuxième partition musicale pour un long-métrage hollywoodien en 1959, après le western « Black Patch » en 1957. Le jeune musicien, alors âgé de 30 ans, avait à son actif toute une série de partitions écrites pour la télévision, et plus particulièrement pour la CBS, avec laquelle il travailla pendant plusieurs années. Si « City of Fear » fait indiscutablement partie des oeuvres de jeunesse oubliées du maestro, cela n’en demeure pas moins une étape importante dans la jeune carrière du compositeur à la fin des années 50 : le film d’Irving Lerner lui permit de s’attaquer pour la première fois au genre du thriller/polar au cinéma, genre dans lequel il deviendra une référence incontournable pour les décennies à venir. Pour Jerry Goldsmith, le challenge était double sur « City of Fear » : il fallait à la fois évoquer le suspense haletant du film sous la forme d’un compte à rebours, tout en évoquant la menace constante du cobalt-60, véritable anti-héros du film qui devient quasiment une sorte de personnage à part entière – tout en étant associé à Vince Edwards tout au long du récit. Pour Goldsmith, un premier choix s’imposa : celui de l’orchestration. Habitué à travailler pour la CBS avec des formations réduites, le maestro fit appel à un orchestre sans violons ni altos, mais avec tout un pupitre de percussions assez éclectique : xylophone, piano, marimba, harpe, cloches, vibraphone, timbales, caisse claire, glockenspiel, bongos, etc. Le pupitre des cuivres reste aussi très présent et assez imposant, tout comme celui des bois. Les cordes se résument finalement aux registres les plus graves, à travers l’utilisation quasi exclusive des violoncelles et des contrebasses. Dès les premières notes de la musique (« Get Away/Main Title »), Goldsmith établit sans équivoque une sombre atmosphère de poursuite et de danger, à travers une musique agitée, tendue et mouvementée. Alors que l’on aperçoit Ryker et son complice en train de s’échapper à toute vitesse en voiture, Goldsmith introduit une figure rythmique ascendante des cuivres, sur fond de rythmes complexes évoquant tout aussi bien Stravinsky que Bartok – deux influences majeures chez le maestro américain. On notera ici l’utilisation caractéristique du xylophone et des bongos, deux instruments qui seront très présents tout au long du score de « City of Fear », tandis que le piano renforce la tension par ses ponctuations de notes graves sur fond d’harmonies menaçantes des bois et des cuivres : une mélodie se dessine alors lentement au piccolo et au glockenspiel, et qui deviendra très rapidement le thème principal du score, thème empreint d’un certain mystère, tout en annonçant la menace à venir. C’est à partir de « Road Block » que Goldsmith introduit les sonorités associées dans le film à Ryker : on retrouve ici le jeu particulier des percussions (notes rapides de xylophone, ponctuation de piano/timbales) tandis qu’une trompette soliste fait ici son apparition, instrument rattaché dans le film à Ryker. La trompette revient dans « Motel », dans lequel les bongos créent ici un sentiment d’urgence sur fond de ponctuations de trombones et de timbales. Le morceau reflète parfaitement l’ambiance de paranoïa et de tension psychologique du film, tandis que les harmonies sombres du début sont reprises dans « The Facts », pour évoquer la menace du cobalt-60. Ce morceau permet alors à Jerry Goldsmith de développer les sonorités associées à la substance toxique dans le film (un peu comme il le fera quelques années plus tard dans le film « The Satan Bug » en 1965), par le biais de ponctuations de trompettes en sourdine, de percussion métallique et d’un raclement de guiro, évoquant judicieusement le contenant métallique du cobalt-60, que transporte Ryker tout au long du film (croyant à tort qu’il contient de la drogue). « Montage #1 » est quand à lui un premier morceau-clé de la partition de « City of Fear », car le morceau introduit les sonorités associées aux policiers qui traquent le fugitif tout au long du film. Goldsmith met ici l’accent sur un ostinato quasi guerrier de timbales agressives sur fond de cuivres en sourdine, de bois aigus et de caisse claire quasi martial : le morceau possède d’ailleurs un côté militaire assez impressionnant, évoquant les forces policières et l’urgence de la situation : stopper le fugitif à tout prix. Le réalisateur offre même une séquence de montage illustrant les préparatifs de la police pour le début de la course poursuite dans toute la ville, ce qui permet au maestro de s’exprimer pleinement en musique avec « Montage #1 ». Plus particulier, « Tennis Shoes » introduit du jazz traditionnel pour le côté « polar » du film (à noter que le pianiste du score n’est autre que le jeune John Williams !). Le morceau est associé dans le film au personnage de Pete Hallon (Sherwood Price), le gangster complice de Ryker que ce dernier finira par assassiner à la suite de plusieurs maladresses. Le motif jazzy d’Hallon revient ensuite dans « The Shoes » et « Montage #2 », qui reprend le même sentiment d’urgence que la première séquence de montage policier, avec le retour ici du motif descendant rapide de 7 notes qui introduisait le film au tout début de « Get Away/Main Title ». La mélodie principale de piccolo sur fond d’harmonies sombres de bois reviennent enfin dans « You Can’t Stay », rappelant encore une fois la menace du cobalt-60, avec une opposition étonnante ici entre le registre très aigu de la mélodie et l’extrême grave des harmonies, un élément qui renforce davantage la tension dans la musique du film. Le morceau développe ensuite le thème principal pour les dernières secondes du morceau, reprenant une bonne partie du « Main Title ». La tension monte ensuite d’un cran dans le sombre et agité « Taxicab », reprenant les ponctuations métalliques et agressives associées au cobalt-60 (avec son effet particulier du raclement de guiro cubain), tout comme le sombre « Waiting » ou l’oppressant « Search » et son écriture torturée de cordes évoquant la dégradation physique et mentale de Ryker, contaminé par le cobalt-60. « Search » permet au compositeur de mélanger les sonorités métalliques de la substance toxique, la trompette « polar » de Ryker et les harmonies sombres et torturées du « Main Title », aboutissant aux rythmes de bongos/xylophone syncopés complexes de « Track Down » et au climax brutal de « End of the Road » avec sa série de notes staccatos complexes de trompettes et contrebasses. La tension orchestrale de « End of the Road » aboutit finalement à la coda agressive de « Finale », dans lequel Goldsmith résume ses principales idées sonores/thématiques/instrumentales de sa partition en moins de 2 minutes pour la conclusion du film – on retrouve ainsi le motif descendant du « Main Title », le thème principal, le motif métallique et le raclement de guiro du cobalt-60 – un final somme toute assez sombre et élégiaque, typique de Goldsmith. Vous l’aurez certainement compris, « City of Fear » possède déjà les principaux atouts du style Jerry Goldsmith, bien plus reconnaissable ici que dans son premier essai de 1957, « Black Patch ». La musique de « City of Fear » reste d'ailleurs le meilleur élément du long-métrage un peu pauvre d'Irving Lerner : aux images sèches et peu inspirantes du film, Goldsmith répond par une musique sombre, complexe, virile, nerveuse et oppressante. Le musicien met en avant tout au long du film d’Irving Lerner une instrumentation personnelle, mélangeant les influences du XXe siècle (Stravinsky, Bartok, etc.) avec une inventivité et une modernité déconcertante - on est déjà en plein dans le style suspense du Goldsmith des années 60/70. Goldsmith fit partie à cette époque d’une nouvelle génération de musiciens qui apportèrent un point de vue différent et rafraîchissant à la musique de film hollywoodienne (Bernard Herrmann ayant déjà ouvert la voie à cette nouvelle conception) : là où un Steiner ou un Newman aurait proposé une musique purement jazzy ou même inspirée du Romantisme allemand, Goldsmith ira davantage vers la musique extra européenne tout en bousculant l’orchestre hollywoodien traditionnel et en s’affranchissant des figures rythmiques classiques, mélodiques et harmoniques du Golden Age hollywoodien. Sans être un chef-d’oeuvre dans son genre, « City of Fear » reste malgré tout un premier score majeur dans les musiques de jeunesse de Jerry Goldsmith : cette partition, pas si anecdotique qu’elle en a l’air au premier abord, servira de pont vers de futures partitions telles que « The Prize » et surtout « The Satan Bug ». « City of Fear » permit ainsi à Goldsmith de concrétiser ses idées qu’il développa tout au long de ses années à la CBS, et les amplifia sur le film d’Iriving Lerner à l’échelle cinématographique, annonçant déjà certaines de ses futures grandes musiques d’action/suspense pour les décennies à venir – les recettes du style Goldsmith sont déjà là : rythmes syncopés complexes, orchestrations inventives, développements thématiques riches, travail passionné sur la relation image/musique, etc. Voilà donc une musique rare et un peu oubliée du maestro californien, à redécouvrir rapidement grâce à l’excellente édition CD publiée par Intrada, qui contient l’intégralité des 29 minutes écrites par Goldsmith pour « City of Fear », le tout servi par un son tout à fait honorable pour un enregistrement de 1959 ! 
by Quentin Billard 24 May 2024
Essential scores - Jerry Goldsmith
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