« The Golden Voyage of Sinbad » (Le voyage fantastique de Sinbad) marque le retour du célèbre aventurier-marin dans une nouvelle superproduction d’aventure épique qui fait suite à « The 7th Voyage of Sinbad » (1958). Réalisé par Gordon Hessler en 1974, « The Golden Voyage of Sinbad » nous replonge ainsi dans un univers d’aventure, de magie et de créatures mystiques. L’histoire commence lorsque Sinbad (John Phillip Law) et son équipage aperçoivent dans le ciel un homunculus ailé transportant un précieux pendentif en or. Un des membres de l’équipage abat alors la créature et le pendentif finit entre les mains de Sinbad. Koura (Tom Baker), le magicien maléfique créateur de l’homunculus, va tout faire pour tenter de récupérer le précieux pendentif. Il décide alors de se lancer à la poursuite de Sinbad. Accostant dans une ville portuaire du pays de Marabia, Sinbad fait la connaissance du grand Vizir (Douglas Wilmer) et lui révèle que le pendentif est une pièce d’un puzzle, et qu’il détient lui-même l’autre pièce. Une légende raconte que si l’on assemble les trois pièces du puzzle ensemble, une carte apparaîtra, indiquant le chemin vers la légendaire fontaine du destin, cachée quelque part dans le continent perdu de Lemuria. La fontaine du destin est censée apporter la jeunesse et l’immortalité à celui qui la convoite ainsi qu’une précieuse couronne aux milles richesses. Sinbad accepte alors d’aider le Vizir à trouver la mythique fontaine. Et c’est ainsi que notre héros repart à l’aventure, avec son équipage et ses nouveaux compagnons - dont une jolie esclave très sensuelle, interprétée par Caroline Munro, plus connue pour ses rôles sexy dans les films de science-fiction des années 70 (« Starcrash »). Au cours de son périple, Sinbad affrontera mille dangers, et devra batailler contre de nouvelles créatures démoniaques animées par la magie noire, et plus particulièrement un centaure, un griffon, une sirène géante en bois et une statue de Kali et ses six sabres. Produit à nouveau par le tandem Charles H. Schneer/Ray Harryhausen, « The Golden Voyage of Sinbad » est une grande production d’aventure dans la lignée de son prédécesseur, réalisée avec un budget modeste mais néanmoins aussi spectaculaire et captivant que l’opus précédent (le film donnera d’ailleurs lieu à une autre suite en 1977, « Sinbad and the Eye of the Tiger »). L’acteur John Phillip Law interprète avec brio le rôle de Sinbad, face à un Tom Baker parfait dans le rôle de Koura, le sorcier maléfique qu’affronter le héros tout au long du film. Et comme pour le film de 1958, « The Golden Voyage of Sinbad » vaut surtout pour la qualité de ses effets spéciaux, et plus particulièrement de ses séquences animées en stop-motion, toujours assurées par le célèbre Ray Harryhausen. A ce sujet, la séquence de la danse de Kali est de sa bataille contre Sinbad reste un grand moment de cinéma d’aventure des années 70, de l’anthologie pure !
Succédant à Bernard Herrmann, qui n’était pas disponible pour ce film (le compositeur décédera un an après en 1975), Miklós Rózsa nous livre pour « The Golden Voyage of Sinbad » une nouvelle grande partition symphonique dans la lignée de ses grands opus musicaux épiques du Golden Age hollywoodien. Les années 70 n’y changent donc rien, Rózsa reste fidèle à son style symphonique éminemment classique d’esprit qui lui a permis de briller tout au long de sa carrière à Hollywood en s’imposant comme l’un des plus grands maîtres de la musique de film de l’âge d’or du cinéma américain. Rózsa est un spécialiste des grandes musiques d’aventure épiques, et son travail sur « The Golden Voyage of Sinbad » n’apporte rien de neuf au genre, mais nous promet néanmoins quelques grands moments en perspective. La partition de Rózsa repose avant tout sur une pléiade de thèmes illustrant les différents personnages ou situations du film. Le thème principal est dévoilé sans surprise dans « The Golden Voyage of Sinbad », ouverture traditionnelle annoncée par une fanfare et développant alors un thème ample et majestueux de cordes associé dans le film à Sinbad. Difficile ici de ne pas penser d’emblée aux grandes ouvertures des musiques de péplum du compositeur telles que « El Cid », « Ben-Hur », « Quo Vadis ? » ou bien encore « Julius Caesar » - et ce bien que sur « The Golden Voyage of Sinbad », Rózsa a eu un orchestre plus modeste que sur ses précédentes productions épiques du même genre. Le compositeur se voit aussi offrir ici l’opportunité de reprendre ses accents musicaux orientaux/exotiques déjà initiés dans le célèbre « The Thief of Bagdad » en 1940 afin de retranscrire l’univers oriental du film de Gordon Hessler, par le biais d’orchestrations riches et variées.
La musique devient alors plus sombre et mystérieuse dans « Homunculus Drops Tablet On Sin » qui dévoile un nouveau motif associé à l’homunculus, personnifié ici par un thème de hautbois entêtant sur fond de harpe ondulante, suggérant clairement le caractère magique de la créature. On retrouve une ambiance toute aussi sombre dans « Sinbad’s Dream », où le compositeur nous dévoile son thème associé au magicien Koura, un thème de méchant dominé ici par des cuivres sombres un brin rétro, typiques du compositeur. Le thème de Koura est alors développé dans « The Storm (Koura Calls) » et le trépidant « Koura Chases Sinbad To Vizier’s City », première grande scène d’action du film où Sinbad est attaqué à cheval par un Koura déguisé en noir. On appréciera ici la façon dont Rózsa oppose le thème de Sinbad et celui du magicien sur fond de rythme de chevauchée assez trépidant. Comme toujours, le compositeur reste fidèle à son goût pour les leitmotive et les développements thématiques conséquents. Dans « Vizier Receives Sinbad », on retrouve encore une fois l’aspect magique et maléfique des pouvoirs de Koura en guise d’introduction, un univers magique que le compositeur a su parfaitement représenter à travers des orchestrations très soignées et très détaillées. La musique enchaîne ensuite sur l’inévitable danse orientale aux accents arabisants typiques des musiques orientales que le compositeur a toujours eu l’habitude d’écrire pour les péplums. La danse arabe de « Vizier Receives Sinbad » accompagne ainsi la scène où Sinbad arrive chez le Vizir de Marabia avec, comme toujours chez Rózsa, ce goût pour un son assez authentique malgré quelques concessions musicales hollywoodiennes, un goût qui est surtout dû aux aspirations musicologues d’un compositeur qui n’a jamais hésite à étudier et à mener des recherches sur les différents univers musicaux ethniques ou historiques pour les films qu’il a mis en musique tout au long de sa carrière. Dans le même ordre d’idée, on appréciera ainsi les autres danses orientales de « Sinbad In Harkim’s Market » et « Belly Dancing (Sinbad’s Ship) », dominé par une flûte à bec et un tambourin aux rythmes effrénés.
Le thème de Koura reste très présent dans « Homunculus Explodes » pour personnifier le danger qui guette régulièrement sur Sinbad et ses compagnons. C’est l’occasion pour le compositeur de reprendre ici les sonorités mystérieuses et inquiétantes associées à l’homunculus, et plus particulièrement l’utilisation de trilles rapides des cordes. On retrouve d’ailleurs ces effets de trilles indissociables des homunculus dans « Making Another Homunculus », lorsque Koura crée une nouvelle créature avec sa magie noire - nous permettant ainsi de retrouver un astucieux mélange entre les effets instrumentaux de la créature (flatterzunge des flûtes, xylophone, trilles aigus rapides des bois et des cordes, etc.) et l’obsédant thème de Koura. Le compositeur nous dévoile alors un thème romantique plus lyrique pour Margiana (Caroline Munro) dans « Sinbad Meets Margiana » avant une grande reprise héroïque du thème de Sinbad, pour le départ à l’aventure, et un nouveau rappel menaçant du thème de Koura, qui reste omniprésent tout au long du film. Rózsa développe alors de façon plus dense ces trois thèmes - Sinbad, Margiana et Koura - dans « Ship At Night/Sinbad and Margiana » illustrant la bataille contre la sirène en bois géante. Le compositeur évoque ici la première scène de bataille contre une créature en stop-motion en utilisant des orchestrations plus inventives évoquant le caractère grotesque de la créature en bois : xylophone (pour l’aspect boisé), cuivres massifs (utilisant les sourdines) et ponctuations de percussions sont de la partie pour un premier grand tour de force orchestral typique du style guerrier et musclé de Rózsa. « Landing On Lemuria » suggère à son tour un climat de danger et de tension pour l’arrivée sur l’île perdue de Lemuria, tension accrue par « Medium Speaks/Oracle Appears » et « Escape From The Temple » pour la séquence dans le temple - nous offrant au passage un nouveau déchaînement orchestral survolté typique du compositeur, servi par des orchestrations très solides.
Miklós Rózsa surprend davantage en créant pour « Kali Dance » une danse indienne du plus bel effet, utilisant le sitar sur fond de tablas pour la danse de Kali. Le morceau enchaîne alors sur l’anthologique affrontement entre Kali et Sinbad dans « Koura Challenges Sinbad/Kali Fight », autre superbe morceau d’action survolté de la partition de « The Golden Voyage of Sinbad ». L’action se prolonge avec la scène de l’apparition du centaure près de la fontaine du destin dans « Centaur Appears/Koura’s Prayers Brings Down Rocks/Koura Enters Fountain Of Destiny ». Le thème de Koura reste très présent ainsi que celui de Sinbad, et ce jusqu’au grand climax final de la partition, « Koura Praying By Fountain », superbe déchaînement orchestral évoquant à la fois la bataille avec le centaure et le griffon, puis la confrontation finale contre Koura près de la fontaine et la victoire finale de Sinbad - permettant au compositeur de reprendre une dernière fois le thème principal dans toute sa splendeur. Miklós Rózsa signe donc une grande partition symphonique de qualité pour « The Golden Voyage of Sinbad », reprenant toutes les formules musicales et orchestrales chères au compositeur, à une époque où Rózsa n’avait de toute façon plus rien à prouver par rapport au genre. Sans atteindre le génie ni même l’inventivité de « The 7th Voyage of Sinbad » de Bernard Herrmann, la musique de « The Golden Voyage of Sinbad » apporte un souffle épique impressionnant au film de Gordon Hessler, bien que totalement dénué de la moindre originalité. La musique reste très prévisible de bout en bout et manque donc de cette inventivité qui fit le succès de la partition de 1958 de Bernard Herrmann. Il manque un peu ici de cette folie instrumentale et de cette richesse des couleurs sonores qui accompagnaient parfaitement les aventures extraordinaires de Sinbad dans le film de 1958. Malgré cela, la partition de « The Golden Voyage of Sinbad » reste un très bel opus musical de la part de Miklós Rózsa, qui, sans se hisser pour autant au rang des grands chef-d’oeuvres du musicien, parvient néanmoins à captiver l’auditeur de par la richesse de ses orchestrations et la qualité de ses thèmes - même si l’on regrettera le côté un peu répétitif de certains motifs et la surabondance d’apparitions du thème de Koura, trop souvent repris jusqu’à saturation tout au long du film ! Voilà donc un très bon score 70’s de la part de Miklós Rózsa, à redécouvrir grâce à l’édition 2CD intégrale publiée par Prometheus - qui souffre néanmoins d’un son très pauvre pourtant visiblement retravaillé par le biais d’un traitement audio lourd (les fondus d’entrée artificiels au début des pistes, était-ce vraiment bien utile ?). Il s’agit en tout cas de la dernière grande partition d’aventure épique de Miklós Rózsa dans les années 70, puisque le compositeur s’orientera davantage vers la fin de sa vie dans le registre des polars et des thrillers.
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