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Mysterious Island

Quentin Billard

Dans la lignée des grands film  d'aventure de l'époque, 'Mysterious Island' (L'île Mystérieuse) de Cy  Endfield s'inspire du fameux roman de Jules Verne pour retranscrire les  exploits d'un groupe d'officiers sudistes s'échappant d'une prison  durant la Guerre de Sécession pour se retrouver bloqué après le crash de  leur montgolfière sur une île mystérieuse perdue au milieu de l'Océan.  La vie va alors petit à petit s'organiser afin de survivre sur cette île  apparemment déserte mais qui cache un mystérieux secret. Après s'être  fait attaqué à trois reprises par des animaux géants, les officiers  découvrent que l'île est en fait habité par le célèbre Capitaine Nemo  (Herbert Lom) qui veille sur eux tout en les protégeant des attaques des  animaux géants. Ils découvrent alors que Nemo cache dans l'île son  fameux sous-marin le Nautilus avec lequel il coule tous les navires de  guerre afin de stopper à sa manière l'absurdité de la guerre. Crabe  géant et agressif, poulet géant et abeille gigantesque, sans oublier la  séquence du cataclysme final, 'Mysterious Island' est encore une de ses  grosses productions qui compte à 200% sur les effets spéciaux signés ici  par le fameux Ray Harryhausen, grand spécialiste des effets visuels de  l'époque (on pense par exemple à ses effets spéciaux pour '3 Worls of  Gulliver' en 1960, mais aussi 'Jason and The Argonauts' en 1963, 'First  Men on The Moon' en 1964, 'One Million Years B.C.' en 1966 (film juste  fait pour mettre en valeur les formes généreuses de Raquel Welch) ou  bien encore 'Clash of The Titans' en 1981 -un film bien rétro qui  possédait le look ultra kitsch des années 60 comme si entre temps il n'y  avait eu aucun progrès techniques. Un an plus tard, il y'avait pourtant  E.T. de Spielberg et The Thing de Carpenter, deux films assez  éblouissants sur le plan technique pour l'époque et nettement moins  kitsch-). Certes, l'aspect visuel de 'Mysterious Island' est assez  réussi (toujours avec ce fameux procédé kitsch de l'animation image par  image), mais le scénario paraît un peu faible: deux femmes arrivent sur  l'île - comme par hasard il n'y avait que des hommes - et évidemment,  l'une d'elle est très jolie (cela sent la facilité à plein nez point de  vue scénaristique). Evidemment, arrive ce qui arrive, elle tombe  amoureuse de l'un des officiers et veut se marier sur l'île  etc...d'autre part, la fin est assez bâclé et pour un personnage aussi  célèbre que le Capitaine Nemo, le réalisateur aurait pu faire quelque  chose de mieux pour mettre un peu plus en valeur ce personnage qui  n'apparaît finalement que dans les dernières 20 minutes du film et qui  ne fait pas grand chose durant tout ce temps là. Bref, un bon vieux film  d'aventure sympathique mais loin d'être un chef d'oeuvre du genre.  Personnages stéréotypés, situations grotesques, effets visuels sympa  sans plus, pas grand chose à retenir donc, et ce même s'il s'agit ici de  l'adaptation la plus populaire du roman spectaculaire de Jules Verne.


Après  son fameux score pour 'The 3 Worlds of Gulliver' (1960, composé la même  année que 'Psycho' d'Hitchcock), Herrmann revient dans le domaine de  l'aventure spectaculaire avec son score pour 'Mysterious Island',  partition massive reposant sur les habituelles orchestrations puissantes  du réalisateur (pour ne pas dire 'bruyantes' par moment...) et le style  d'écriture si reconnaissable du compositeur. L'introduction du film  permet à Herrmann de poser ses thèmes qui n'ont ici rien de mélodiques  (à l'inverse du thème de 'Jason and The Argonauts' qui sera beaucoup  plus mémorisable) mais qui sont beaucoup plus harmoniques d'esprit. Les  thèmes possèdent tous ce côté à la fois puissant illustrant cette  aventure et le côté intriguant voire mystérieux de cette île secrète. En  fait, c'est l'aspect mystérieux qui ressortira particulièrement du  score d'Herrmann, privilégiant beaucoup les cuivres/vents et les  percussions, même si, à l'inverse de 'Jason and The Argonauts', les  cordes sont ici présentes. L'ouverture du score est assez cuivrée et  percussive dans son genre. Cette fanfare d'ouverture pose d'entrée un  climat de puissance orchestrale avec un thème principal assez sombre  mettant en avant les cors, une sorte de puissant motif ascendant mis en  parallèle avec un autre motif plus mystérieux et posé reposant sur un  balancement entre deux accords (cette fameuse ouverture est d'ailleurs  considéré comme un grand classique dans l'oeuvre de Bernard Herrmann où  les ouvertures de qualité sont assez nombreuses...) . La première partie  du film permet au compositeur de développer son matériau d'action avec  des cuivres toujours lourds et agressifs avec beaucoup de percussions et  quelques cordes ('Escape to The Clouds' décrit ainsi le périple des  officiers dans leur montgolfière prise dans la tempête) Une fois encore,  la musique d'Herrmann possède une force incomparable sur le film de Cy  Enfield et renforce à lui tout seul le côté spectaculaire et sombre du  film (autant dire que ce film ne serait rien sans la partition  d'Herrmann).


C'est l'arrivée sur l'île qui permet au compositeur  d'aborder le registre plus mystérieux de son score, notamment avec  l'utilisation plus fréquente des cordes qui symbolisent ici le mystère  (tandis que les habituelles combinaisons déséquilibrées d'Herrmann avec  cuivres/vents et percussions évoquent le côté action et aventure  puissante du film) La traversée de la mystérieuse forêt luxuriante de  l'île se fait avec un thème de cordes très mystérieux et des harmonies  mineures plus sombres et inquiétantes. Cet aspect là est très réussi  dans le score d'Herrmann même s'il ne durera qu'un temps pour vite  laisser le place à l'action. (à noter l'utilisation assez fréquente d'un  motif de 3 notes assez inquiétants surtout avec l'utilisation renforcé  de cuivres souvent dans le registre grave). Mais ce sont les trois  attaques des animaux géants qui restent les véritables tour-de-force  orchestraux de la partition. Herrmann a toujours particulièrement  apprécié mettre en musique ce genre de séquence surréaliste qui lui  permettent de se dépasser sur le plan de l'écriture orchestrale  (écriture qu'il n'a plus de secret pour lui depuis très longtemps).  Ainsi donc, l'attaque du crabe géant (The Giant Crab) lui permet  d'accentuer l'utilisation assez agressive des cuivres/percussions en  donnant une certaine forme de violence orchestrale assez brutale dans la  scène (du coup, sa musique rend cette scène nettement plus terrifiante  et crédible). Avec ces trois attaques d'animaux géants, Herrmann va nous  proposer astucieusement trois formes de pièces d'action soutenue. Après  une partie très cuivré et assez brutale pour l'attaque du crabe, on  pourra entendre quelque chose d'étrangement plus léger et dansant pour  l'attaque de l'oiseau géant, Herrmann ayant construit son morceau sous  la forme d'un petit scherzo mettant en valeur un formidable contrepoint  entre les vents et les cordes sans oublier l'accentuation syncopé sur  des petites percussions plus légères; on trouve ici un côté plus  humoristique et grotesque pour illustrer l'attaque de cet oiseau,  attaque nettement moins violente que celle du crabe (de plus, l'oiseau a  l'air vachement ridicule dans cette séquence). Enfin, troisième et  dernière attaque, celle de l'abeille géante, pièce plus sombre et  dissonante dans laquelle le compositeur met l'accent sur des effets de  roulements de cuivres et des tremolos de cordes dissonants qui imitent  en fait le bourdonnement de l'abeille (morceau honteusement absent de  l'album!). Si cette adéquation entre effets instrumentaux et bruitages  naturels (le bourdonnement de l'abeille) paraît assez évident  conceptuellement parlant, l'efficacité de cet effet dans la scène est  assez marquant et témoigne une fois encore du talent du compositeur pour  illustrer les différents effets d'un film. Après quelques passages plus  mystérieux et sombres, on arrive finalement sur la scène finale qui  permet une fois encore au compositeur de rentrer à fond dans l'action  pour un grand final orchestral puissant reprenant les thèmes de sa  partition.


'Mysterious Island' est un de ces scores que l'on peut  aisément considérer comme un grand classique du genre, même si  l'ensemble est à mon avis moins accrocheur qu'un partition comme 'Jason  and The Argonauts'. Très réussi sur le plan orchestral, la partition  d'Herrmann donne une sensation de puissance redoutable dans le film et  un climat de mystère très intriguant comme seul Herrmann sait le faire.  Evidemment, le compositeur n'évite pas les reprises et allusions à  certaines de ses anciennes oeuvres et l'on sent ici l'influence de 'The  7th Voyage of Sinbad' (1958), 'The Day The Earth Stood Still' (1951) et  'Journey To The Center of The Earth' (1959), influence d'ailleurs très  flagrante sur le plan des orchestrations et surtout des harmonies. Mais  cela n'empêche en rien la musique d'Herrmann de briller dans le film de  Cy Enfield dans lequel sa musique occupe une fois encore une place  privilégié sur le plan de l'action dramatique. Moins facile d'accès que  certaines autres grandes BO d'action/aventure du compositeur,  'Mysterious Island' n'en demeure pas moins un score fort et puissant  considéré comme un classique du genre.

by Quentin Billard 30 May 2024
INTRADA RECORDS Time: 29/40 - Tracks: 15 _____________________________________________________________________________ Polar mineur à petit budget datant de 1959 et réalisé par Irving Lerner, « City of Fear » met en scène Vince Edwards dans le rôle de Vince Ryker, un détenu qui s’est évadé de prison avec un complice en emportant avec lui un conteneur cylindrique, croyant contenir de l’héroïne. Mais ce que Vince ignore, c’est que le conteneur contient en réalité du cobalt-60, un matériau radioactif extrêmement dangereux, capable de raser une ville entière. Ryker se réfugie alors dans une chambre d’hôtel à Los Angeles et retrouve à l’occasion sa fiancée, tandis que le détenu est traqué par la police, qui va tout faire pour retrouver Ryker et intercepter le produit radioactif avant qu’il ne soit trop tard. Le scénario du film reste donc très convenu et rappelle certains polars de l’époque (on pense par exemple à « Panic in the Streets » d’Elia Kazan en 1950, sur un scénario assez similaire), mais l’arrivée d’une intrigue en rapport avec la menace de la radioactivité est assez nouvelle pour l’époque et inspirera d’autres polars par la suite (cf. « The Satan Bug » de John Sturges en 1965). Le film repose sur un montage sobre et un rythme assez lent, chose curieuse pour une histoire de course contre la montre et de traque policière. A vrai dire, le manque de rythme et l’allure modérée des péripéties empêchent le film de décoller vraiment : Vince Edwards se voit confier ici un rôle solide, avec un personnage principal dont la santé ne cessera de se dégrader tout au long du film, subissant la radioactivité mortelle de son conteneur qu’il croit contenir de l’héroïne. Autour de lui, quelques personnages secondaires sans grand relief et toute une armada de policiers sérieux et stressés, bien déterminés à retrouver l’évadé et à récupérer le cobalt-60. Malgré l’interprétation convaincante de Vince Edwards (connu pour son rôle dans « Murder by Contract ») et quelques décors urbains réussis – le tout servi par une atmosphère de paranoïa typique du cinéma américain en pleine guerre froide - « City of Fear » déçoit par son manque de moyen et d’ambition, et échoue finalement à susciter le moindre suspense ou la moindre tension : la faute à une mise en scène réaliste, ultra sobre mais sans grande conviction, impersonnelle et peu convaincante, un comble pour un polar de ce genre qui tente de suivre la mode des films noirs américains de l’époque, mais sans réelle passion. Voilà donc une série-B poussiéreuse qui semble être très rapidement tombée dans l’oubli, si l’on excepte une récente réédition dans un coffret DVD consacré aux films noirs des années 50 produits par Columbia Pictures. Le jeune Jerry Goldsmith signa avec « City of Fear » sa deuxième partition musicale pour un long-métrage hollywoodien en 1959, après le western « Black Patch » en 1957. Le jeune musicien, alors âgé de 30 ans, avait à son actif toute une série de partitions écrites pour la télévision, et plus particulièrement pour la CBS, avec laquelle il travailla pendant plusieurs années. Si « City of Fear » fait indiscutablement partie des oeuvres de jeunesse oubliées du maestro, cela n’en demeure pas moins une étape importante dans la jeune carrière du compositeur à la fin des années 50 : le film d’Irving Lerner lui permit de s’attaquer pour la première fois au genre du thriller/polar au cinéma, genre dans lequel il deviendra une référence incontournable pour les décennies à venir. Pour Jerry Goldsmith, le challenge était double sur « City of Fear » : il fallait à la fois évoquer le suspense haletant du film sous la forme d’un compte à rebours, tout en évoquant la menace constante du cobalt-60, véritable anti-héros du film qui devient quasiment une sorte de personnage à part entière – tout en étant associé à Vince Edwards tout au long du récit. Pour Goldsmith, un premier choix s’imposa : celui de l’orchestration. Habitué à travailler pour la CBS avec des formations réduites, le maestro fit appel à un orchestre sans violons ni altos, mais avec tout un pupitre de percussions assez éclectique : xylophone, piano, marimba, harpe, cloches, vibraphone, timbales, caisse claire, glockenspiel, bongos, etc. Le pupitre des cuivres reste aussi très présent et assez imposant, tout comme celui des bois. Les cordes se résument finalement aux registres les plus graves, à travers l’utilisation quasi exclusive des violoncelles et des contrebasses. Dès les premières notes de la musique (« Get Away/Main Title »), Goldsmith établit sans équivoque une sombre atmosphère de poursuite et de danger, à travers une musique agitée, tendue et mouvementée. Alors que l’on aperçoit Ryker et son complice en train de s’échapper à toute vitesse en voiture, Goldsmith introduit une figure rythmique ascendante des cuivres, sur fond de rythmes complexes évoquant tout aussi bien Stravinsky que Bartok – deux influences majeures chez le maestro américain. On notera ici l’utilisation caractéristique du xylophone et des bongos, deux instruments qui seront très présents tout au long du score de « City of Fear », tandis que le piano renforce la tension par ses ponctuations de notes graves sur fond d’harmonies menaçantes des bois et des cuivres : une mélodie se dessine alors lentement au piccolo et au glockenspiel, et qui deviendra très rapidement le thème principal du score, thème empreint d’un certain mystère, tout en annonçant la menace à venir. C’est à partir de « Road Block » que Goldsmith introduit les sonorités associées dans le film à Ryker : on retrouve ici le jeu particulier des percussions (notes rapides de xylophone, ponctuation de piano/timbales) tandis qu’une trompette soliste fait ici son apparition, instrument rattaché dans le film à Ryker. La trompette revient dans « Motel », dans lequel les bongos créent ici un sentiment d’urgence sur fond de ponctuations de trombones et de timbales. Le morceau reflète parfaitement l’ambiance de paranoïa et de tension psychologique du film, tandis que les harmonies sombres du début sont reprises dans « The Facts », pour évoquer la menace du cobalt-60. Ce morceau permet alors à Jerry Goldsmith de développer les sonorités associées à la substance toxique dans le film (un peu comme il le fera quelques années plus tard dans le film « The Satan Bug » en 1965), par le biais de ponctuations de trompettes en sourdine, de percussion métallique et d’un raclement de guiro, évoquant judicieusement le contenant métallique du cobalt-60, que transporte Ryker tout au long du film (croyant à tort qu’il contient de la drogue). « Montage #1 » est quand à lui un premier morceau-clé de la partition de « City of Fear », car le morceau introduit les sonorités associées aux policiers qui traquent le fugitif tout au long du film. Goldsmith met ici l’accent sur un ostinato quasi guerrier de timbales agressives sur fond de cuivres en sourdine, de bois aigus et de caisse claire quasi martial : le morceau possède d’ailleurs un côté militaire assez impressionnant, évoquant les forces policières et l’urgence de la situation : stopper le fugitif à tout prix. Le réalisateur offre même une séquence de montage illustrant les préparatifs de la police pour le début de la course poursuite dans toute la ville, ce qui permet au maestro de s’exprimer pleinement en musique avec « Montage #1 ». Plus particulier, « Tennis Shoes » introduit du jazz traditionnel pour le côté « polar » du film (à noter que le pianiste du score n’est autre que le jeune John Williams !). Le morceau est associé dans le film au personnage de Pete Hallon (Sherwood Price), le gangster complice de Ryker que ce dernier finira par assassiner à la suite de plusieurs maladresses. Le motif jazzy d’Hallon revient ensuite dans « The Shoes » et « Montage #2 », qui reprend le même sentiment d’urgence que la première séquence de montage policier, avec le retour ici du motif descendant rapide de 7 notes qui introduisait le film au tout début de « Get Away/Main Title ». La mélodie principale de piccolo sur fond d’harmonies sombres de bois reviennent enfin dans « You Can’t Stay », rappelant encore une fois la menace du cobalt-60, avec une opposition étonnante ici entre le registre très aigu de la mélodie et l’extrême grave des harmonies, un élément qui renforce davantage la tension dans la musique du film. Le morceau développe ensuite le thème principal pour les dernières secondes du morceau, reprenant une bonne partie du « Main Title ». La tension monte ensuite d’un cran dans le sombre et agité « Taxicab », reprenant les ponctuations métalliques et agressives associées au cobalt-60 (avec son effet particulier du raclement de guiro cubain), tout comme le sombre « Waiting » ou l’oppressant « Search » et son écriture torturée de cordes évoquant la dégradation physique et mentale de Ryker, contaminé par le cobalt-60. « Search » permet au compositeur de mélanger les sonorités métalliques de la substance toxique, la trompette « polar » de Ryker et les harmonies sombres et torturées du « Main Title », aboutissant aux rythmes de bongos/xylophone syncopés complexes de « Track Down » et au climax brutal de « End of the Road » avec sa série de notes staccatos complexes de trompettes et contrebasses. La tension orchestrale de « End of the Road » aboutit finalement à la coda agressive de « Finale », dans lequel Goldsmith résume ses principales idées sonores/thématiques/instrumentales de sa partition en moins de 2 minutes pour la conclusion du film – on retrouve ainsi le motif descendant du « Main Title », le thème principal, le motif métallique et le raclement de guiro du cobalt-60 – un final somme toute assez sombre et élégiaque, typique de Goldsmith. Vous l’aurez certainement compris, « City of Fear » possède déjà les principaux atouts du style Jerry Goldsmith, bien plus reconnaissable ici que dans son premier essai de 1957, « Black Patch ». La musique de « City of Fear » reste d'ailleurs le meilleur élément du long-métrage un peu pauvre d'Irving Lerner : aux images sèches et peu inspirantes du film, Goldsmith répond par une musique sombre, complexe, virile, nerveuse et oppressante. Le musicien met en avant tout au long du film d’Irving Lerner une instrumentation personnelle, mélangeant les influences du XXe siècle (Stravinsky, Bartok, etc.) avec une inventivité et une modernité déconcertante - on est déjà en plein dans le style suspense du Goldsmith des années 60/70. Goldsmith fit partie à cette époque d’une nouvelle génération de musiciens qui apportèrent un point de vue différent et rafraîchissant à la musique de film hollywoodienne (Bernard Herrmann ayant déjà ouvert la voie à cette nouvelle conception) : là où un Steiner ou un Newman aurait proposé une musique purement jazzy ou même inspirée du Romantisme allemand, Goldsmith ira davantage vers la musique extra européenne tout en bousculant l’orchestre hollywoodien traditionnel et en s’affranchissant des figures rythmiques classiques, mélodiques et harmoniques du Golden Age hollywoodien. Sans être un chef-d’oeuvre dans son genre, « City of Fear » reste malgré tout un premier score majeur dans les musiques de jeunesse de Jerry Goldsmith : cette partition, pas si anecdotique qu’elle en a l’air au premier abord, servira de pont vers de futures partitions telles que « The Prize » et surtout « The Satan Bug ». « City of Fear » permit ainsi à Goldsmith de concrétiser ses idées qu’il développa tout au long de ses années à la CBS, et les amplifia sur le film d’Iriving Lerner à l’échelle cinématographique, annonçant déjà certaines de ses futures grandes musiques d’action/suspense pour les décennies à venir – les recettes du style Goldsmith sont déjà là : rythmes syncopés complexes, orchestrations inventives, développements thématiques riches, travail passionné sur la relation image/musique, etc. Voilà donc une musique rare et un peu oubliée du maestro californien, à redécouvrir rapidement grâce à l’excellente édition CD publiée par Intrada, qui contient l’intégralité des 29 minutes écrites par Goldsmith pour « City of Fear », le tout servi par un son tout à fait honorable pour un enregistrement de 1959 ! 
by Quentin Billard 24 May 2024
Essential scores - Jerry Goldsmith
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