Jason and the Argonauts

Quentin Billard

Fameuse  adaptation cinématographique de l'une des plus célèbres histoire de la  mythologie grecque, le 'Jason and The Argonauts' de Don Chaffey nous  narre l'histoire de Jason (Todd Armstrong) en quête de la fameuse toison  d'or accompagné de ses camarades les argonautes (du nom de leur bateau:  l'Argo). Jason doit trouver et ramener la toison d'or s'il veut devenir  roi de Thessalie, mais les Dieux vont mettre toute une série  d'obstacles sur son chemin, Jason ayant alors droit à un nombre limité  d'aides de la part de la déesse Hera, femme de Zeus. 'Jason and The  Argonauts' repose autour d'effets spéciaux impressionnants pour l'époque  et assurés par le grand Ray Harryhausen, le maître des effets spéciaux  de l'époque (on est en 1963) et qui avait déjà crée les effets spéciaux  de deux autres grands films d'aventure des années 60, 'Mysterious  Island' et 'The 7th Voyage of Sinbad'. Le film de Don Chaffey repose sur  une mise en scène quelconque mais dont on appréciera la qualité des  effets spéciaux (réalisés avec la méthode aujourd'hui complètement  'démodé' du procédé d'image par image - procédé qui donne cependant un  côté magique aux personnages fantastiques de ce film -) et si les  acteurs ne sont pas de véritables stars, ils n'en restent pas moins tout  à fait convaincants. Le film est aussi connu pour sa célèbre séquence  finale où Jason et ses camarades affrontent des squelettes/soldats avant  de réussir à prendre la fuite avec la toison d'or. Reste que le film  est un peu court et que l'on regrettera que l'histoire se termine aussi  vite et de manière assez bâclé. Spectaculaire, 'Jason and The Argonauts'  l'est assurément. Que ce soit l'attaque du titan de bronze Talos,  l'attaque des Hydres à sept têtes, l'attaque des squelettes ou la scène  avec Triton qui vient en aide à Jason et ses camarades, le film de Don  Chaffey est une excellente production d'aventures mythologiques dont  l'intérêt réside comme nous l'avons déjà signalé dans le travail  colossal de Ray Harryhausen (qui est aussi le producteur associé sur le  film avec Charles H.Schneer) qui donne un souffle visuel épique au film  de Don Chaffey. Remarquable, même si l'ensemble est un petit peu court.


Bernard  Herrmann a déjà composé quelques grandes partitions pour les  productions d'aventure de Charles H.Schneer (et de Ray Harryhausen), et  notamment pour 'The 7th Voyage of Sinbad' (1958), 'The 3 Worlds of  Gulliver' (1960) et 'Mysterious Island' (1961). Pour 'Jason and The  Argonauts', Herrmann a composé une excellente musique d'aventure et une  partition à la fois sombre et très cuivrée. A l'aide d'un thème  principal héroïque (et facilement mémorisable) qui évoque les exploits  héroïques de Jason, Herrmann construit une partition à la fois sombre et  agitée retranscrivant toute l'intensité des scènes d'affrontement  contre les monstres et divers obstacles qui se dressent sur le chemin du  héros en quête de la toison d'or. Ce qui frappe à la première écoute de  cette BO, ce sont les orchestrations massives typiques du compositeur.  Le premier élément à noter est l'absence totale des cordes, ce qui donne  une couleur assez spéciale à la partition (dans 'Psycho', Herrmann  n'utilisait que les cordes!). Le deuxième élément surprenant reste les  orchestrations massives du pupitre des cuivres, vents et percussions: on  trouve ainsi 4 flûtes/piccolos, 6 hautbois, 6 cors anglais, 6  clarinettes (avec clarinettes basses et contrebasses), 6 bassons avec  contrebassons. Les cuivres sont eux aussi en proportions gigantesques  puisque l'orchestre réunit 8 cors, 6 trompettes, 6 trombones et 4 tubas.  Concernant les percussions, on trouvera deux groupes de 5 timbales  chacun, un groupe colossal de cymbales, plusieurs caisses avec tambours,  glokenspiel, vibraphones, xylophones, triangles et j'en passe. On finit  finalement ce rapide petit tour d'horizon de l'orchestre en signalant  la présence de 4 harpes qui viennent évoquer le côté fantastique et  mythique du film.


Comme avez put le comprendre, le score de  'Jason and The Argonauts' fait dans le gigantisme orchestral dont  l'absence totale de cordes donne à ce score puissant une couleur  orchestrale spéciale, encore plus lourde et plus massive (mais tout de  même très proche de ce que le compositeur a déjà crée auparavant pour ce  genre de film, comme pour 'Sinbad' ou 'Mysterious Island' par exemple).  Mais malgré ce très impressionnant effectif orchestral reposant sur les  effets orchestraux massifs chers au compositeur (qui ne fait pas  toujours dans la subtilité, surtout dans ce genre de grosse production  d'aventure fantastique), le score de 'Jason and The Argonauts' n'est pas  si lourd qu'il puisse y paraître. Bernard Herrmann manie cette écriture  orchestrale et ses combinaisons instrumentales peu ordinaires avec une  maestria déconcertante et se permet même de s'offrir quelques légères  petites touches d'humour pour éviter de trop se prendre au sérieux. Le  'Jason Prelude' nous plonge d'entrée dans le côté aventure héroïque du  film avec le thème principal, celui de Jason, thème facilement  mémorisable qui créera le côté héroïque du personnage. Ce sont les  cuivres imposants qu'Herrmann met particulièrement en avant dans son  score et ce dès l'excellent 'Jason Prelude'. La première partie du score  est encore plutôt calme, réservant un peu de place aux vents avec en  particulier les clarinettes, basson et flûtes. Mais c'est l'intervention  des harpes qui est remarquable dans cette première partie du score (et  du film), les harpes évoquant la présence magique des Dieux Zeus et Hera  (pour la scène du mont Olympe au début du film, Herrmann a écrit un  thème plutôt magique pour les Dieux, combinant les harpes avec carillon,  glokenspiel et triangles, le mélange donnant une sonorité cristalline  parfaite pour cette séquence 'divine'). D'une manière générale, les  harpes évoquent tout le côté divin et magique de cette histoire (on  retrouve aussi ces instruments lorsque Jason découvre la toison d'or ou  lorsque cette dernière guérit les blessures de Medée) Mais c'est lors du  départ de l'équipage que la musique commence à prendre une allure plus  de style aventure avec une excellente reprise du thème de Jason pour  cette première scène de voyage en direction de Colchis, l'île  mystérieuse et lointaine dans laquelle se trouve la toison d'or.  Hercules et un de ses compagnons découvrent alors les statues des Titans  sur l'île où ils débarquent pour venir y chercher des vivres et de  l'eau. La découverte de ces terrifiantes statues se fait à l'aide de  cuivres sombres et impressionnants, une couleur orchestrale particulière  qui caractérise si bien le score de Bernard Herrmann. On notera aussi  l'utilisation d'un bref petit motif de clarinettes pour les scènes où  Jason s'adresse à la déesse Hera sur son bateau, un petit motif plutôt  léger et paisible et que l'on entend souvent avant que les ennuis  commencent pour les héros.


Mais la première grande musique  d'action/aventure impressionnante intervient pour la séquence colossale  de l'attaque de Talos. A l'aide d'un thème de cuivres très sombres et de  divers ostinatos faisant intervenir de grands rythmes de percussions  imposants, Herrmann crée une musique colossale et menaçante pour décrire  l'attaque de ce terrifiant colosse de bronze. Le compositeur réussit à  centrer toute la séquence autour d'un seul thème de cuivres sur des  rythmes insistants créant une ambiance gigantesque de danger. L'attaques  de harpies se fait à l'aide de traits de vents et de harpes plutôt  acrobatiques avec un côté assez grotesque. Les traits rapides des harpes  donnent un côté fantastiques à ces personnages tandis que les sonorités  orchestrales sombres et agressives augmentent le côté grotesque de ces  bestioles furieuses. Herrmann s'amuse à décrire ses créatures ailées  comme de véritables petits monstres grotesques que le compositeur évite  de rendre terrifiant en privilégiant une écriture plus 'sautillante' des  vents tout en conservant le côté dangereux des personnages, ce qui est  très bien réussi dans cette scène. On retrouve le même type d'ambiance  de danger à l'aide de vents sombres et de cuivres graves et menaçants  pour la scène des chutes de pierre où Triton vient en aide à Jason et  ses compagnons. (sans oublier un passage orchestral plutôt sauvage et  plein de percussions pour l'affrontement entre Acastus et Jason,  timbales et cuivres agressifs mis en avant).


On trouvera quelques  parties plus calmes et douces concernant la romance naissante entre  Jason et Medée (romance totalement sous-développée dans le film au  profit de l'action et des séquences d'aventure) et notamment à l'aide  des vents et des harpes et ce à l'aide d'un petit thème plus doux  faisant intervenir ici un solo de cor anglais entouré de clarinettes et  de hautbois (moins usité dans les autres morceaux, comme les cors  anglais). Il est dommage cependant qu'à l'instar du film, ces passages  plus calmes aient tendance à être très brefs et trop courts, ce qui  aurait permit d'apporter un peu de relief à un score finalement assez  brutal. Jason arrive alors à Colchis pour la dernière partie du film (et  du score), Herrmann décrivant la scène de danse à l'aide d'une pièce de  dance aux accents orientaux, à l'instar de ce que fit Richard Strauss  dans la célèbre 'Danse des 7 voiles' de l'Opéra Salomé (notons ici  l'utilisation des vents avec le tambourin et les harpes). Après une  autre grande séquence d'affrontement avec les Hydres où Herrmann utilise  une fois de plus ses effets massifs de cuivres/vents avec des  percussions sauvages (coup de cymbale brutal lorsque Jason tue les  Hydres d'un coup d'épée dans le ventre), c'est la découverte de la  toison d'or qui permet à Herrmann de réutiliser son matériel 'magique'  du début du film à l'aide des harpes et de la combinaison des  vibraphones et des vents qui donnent véritablement un côté magique à cet  objet mythique (Herrmann est un chef lorsqu'il s'agit d'associer à  l'écran des sonorités instrumentales avec l'idée d'un objet ou d'un  personnage).


Finalement, la partition trouve un point culminant  dans la célèbre scène de l'attaque des squelettes, et qui est  probablement l'un des meilleurs morceaux de la partition (il faut tout  de même signaler que le compositeur fait de nombreuses références à ses  anciennes partitions tout au long du score. Ainsi, le célèbre 'Scherzo  Macabre' est repris d'une de ses pièces symphoniques datant de 1936,  'Nocturne et Scherzo', que le compositeur a réarrangé, recomposé et  réorchestré pour les besoins du film). Le fameux 'Scherzo Macabre'  apporte une touche un peu plus humoristique à la musique en décrivant  cette attaque des squelettes de manière grotesque voire même ironique.  Le premier élément à noter est l'utilisation du célèbre thème du 'Dies  Irae' (déjà utilisé par Hector Berlioz dans sa 'Symphonie Fantastique',  utilisé par Wendy Carlos dans le Main Title de 'The Shining' et aussi  utilisé brièvement par Jerry Goldsmith dans 'Poltergeist' et Elliot  Goldenthal dans 'Demolition Man') qu'Herrmann confie ici sur un rythme  lent et menaçant à l'aide de cuivres lourds et imposants entrecoupés  d'un petit motif rythmique de clarinettes qui contrastent totalement  avec le côté plus lourd et menaçants des cuivres, ce qui semble déjà en  dire long pour la suite de la séquence qu'Herrmann va traiter avec ce  même genre de contraste mais de manière moins subtile (en gros, l'idée  du compositeur est ici d'évoquer en premier point le côté sérieusement  menaçant et dangereux de ces créatures-Dies Irae avec cuivres graves et  lourds- avant de nous faire comprendre que ce ne sont que des êtres  grotesques et un peu abrutis sur les bords -motif rythmique de  clarinette plutôt ironique et décalé). Arrive alors le 'Scherzo Macabre'  pour l'affrontement final avec ces squelettes agressifs, un morceau qui  reste l'exemple même de la parfaite symbiose entre musique et film, la  combinaison des différents mouvements rythmiques virtuoses du scherzo  étant en osmose parfaite avec les mouvements des personnages de cette  célèbre séquence. Mais le 'Scherzo' est par définition un morceau à  caractère souvent léger ou joyeux, et la définition exacte du mouvement  'Scherzo' (qui vient de l'italien) veut dire 'en badinant'. Il y'a donc  ici l'idée de ne pas du tout se prendre au sérieux. C'est ce que l'on  ressent très clairement dans cette scène de bataille irréelle.  L'écriture des cuivres est complexe et assez virtuose avec un style  enjoué qui peut paraître décalé avec la scène mais qui finalement  apporte une touche d'humour qui ne peut être que la bienvenue au sein  d'un score massif finalement assez sombre et agité. La conclusion de  l'histoire se fait de manière plus paisible avec une ultime reprise du  thème principal, celui de Jason et qui clôt le film de manière héroïque.


Que  dire de plus face à un score monumental tel que 'Jason and The  Argonauts'? On aurait peut être aimé avoir un peu plus de relief dans ce  score assez lourd et qui reste assez souvent répétitif et ce même si le  compositeur arrive à varier les différentes séquences qu'il met en  musique. La thématique est intéressante sans être le véritable point  fort du score, et c'est le travail autour des orchestrations très  spéciales qui rend l'ensemble assez intéressant et qui pourrait  constituer à lui tout seul un véritable travail d'étude et d'analyse  musicale rigoureuse. A l'instar de 'The 7th Voyage of Sinbad' et  'Mysterious Island', 'Jason and The Argonauts' est un autre grand  classique d'aventure de Bernard Herrmann à découvrir pour ceux ou celles  qui ne connaîtraient que les oeuvres thriller/suspense d'Herrmann,  souvent écrites pour les films d'Hitchcock. Un classique!

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