Blog Post

Hugo Friedhofer

Pascal Dupont

On pourrait dire que c’est l’un des compositeurs de cinéma les plus doués de sa génération mais il serait plus juste de dire que Friedhofer a très largement contribué dans son domaine, a édifier les fondations même de la machine hollywoodienne. Un départ dans l’ombre des grands créateurs de musiques du « Golden Age » comme Maximilian Steiner et Enrich Volfgang Kornold en tant qu’orchestrateur va occulter pendant quelques années le nom d’Hugo Friedhofer. Mais avant d’entrer dans le vif du pouvoir créatif de ce grand homme, repartons le temps de quelques lignes, dans son passé…

Contrairement à la plupart des compositeurs de film de sa génération comme Franz Waxman, Max Steiner ou Dimitri Tiomkin, Hugo Friedhofer est né américain le 3 mai 1902 mais possède des racines allemandes de par ses aïeux. Il profite également, dans la plus grande simplicité d’une enfance passée à San Francisco, sa ville natale. Très tôt, le jeune Friedhofer affiche un caractère ambigu, il aime l’art mais la musique aussi car dans la famille Friedhofer, c’est son père qui pratique du violoncelle en professionnel et c’est dès l’age de 13 ans, avec ce chaleureux instrument, que le jeune Hugo débutera sa formation musicale.

Une formation précoce qui ne l’accrochera pas particulièrement au début … C’est sa passion pour le dessin et la peinture qui le décide à s’orienter vers des études artistiques. Ses années de lycée passées au San Francisco ART institut (institut Mark Hopkins) dans le quartier de Russian Hill, lui permettront d’acquérir une certaine pratique de la peinture. Plus qu’une passion, la peinture l’accapare et le préoccupe fortement, ainsi que la lecture d’ouvrages qui traitent du sujet. Dans ce domaine Friedhofer est doué, mais son incertitude à continuer dans cette voie le perturbe…

À seize ans, il se perfectionne au violoncelle, toujours avec son père, et gagne un peu d’argent en assumant quelques petits travaux. Une année suffira à Hugo Friedhofer pour acquérir une solide pratique de l’instrument. Il abandonne définitivement son cursus artistique pour s’adonner uniquement à la musique. Il entre à l’Université de Californie ( Berkeley ) pour y asseoir définitivement sa formation. Au programme : harmonie, contrepoint et composition…

Comme pour l’art, le jeune Friedhofer est doué, il est violoncelliste pour l’Orchestre symphonique de San Francisco, puis pour le « People Symphony Orchestra ». En 1925, au « Granada Theater Compagny » en aidant des intermittents de la scène et deux ans avec le Popular Symphonic Orchestra. Parallèlement, il étudie l’Harmonie. Ses activités l’envoient en Europe et un séjour prolongé le pousse à reprendre des études musicales pour approfondir sa formation qu’il juge trop limitée. Successivement, il suivra les cours de composition avec Respighi à Bologne puis avec Domenico Brescia. En contrepoint, à Paris avec Nadia Boulanger, puis dans l’Est avec Arnold Schoenberg. Son intérêt pour l’orchestration va l’obliger à travailler deux fois plus. À 25 ans, il assume un certain nombre de travaux toujours pour les intermittents du spectacle.


Friedhofer est au bord du désespoir et se demande de plus en plus si la musique va réellement le faire vivre. Ses rentrées d’argent sont maigres, il a 27 ans lorsqu’il s’installe avec sa femme et sa petite fille. En 1929, il est à Los Angeles pour travailler sur un premier film, une comédie musicale appelée SUNNY SIDE UP et assume son poste de violoniste pour quelques concerts occasionnels. Une de ses amies violoniste le présente à Joseph Lipschulhz, directeur musical aux studios de la Fox qui lui propose de travailler pour lui en tant qu’orchestrateur pour un salaire peu élevé… Un poste qu’il assurera pendant plus de cinq ans.

Pour Friedhofer c’est une période de vache maigre, sa situation financière n’est pas flamboyante et Il peine à subvenir aux besoins de sa petite famille. Une situation difficile qui l’oblige bien souvent à finaliser ses fins de mois en travaillant la nuit pour des petites formations ( duo, trio…), en donnant en concert dans des lieux publics. Parallèlement, il continue de prendre des leçons de violoncelle mais comme jeune professeur, il en donne aussi. En 1935 la Warner Bros réorganise sa structure musicale et embauche des compositeurs d’Europe de l’est comme Max Steiner et Erich Wolfgang Korngold. Une période qui marque les grands débuts de l’époque du Goden Age Hollywoodien…

À la demande de son directeur Leo F. Forbstein, Friedhofer accepte de venir à la Warner. 1935, c’est le début de la grande aventure avec Erich Wolfgang Korngold qui lui propose d’orchestrer la musique du film CAPTAIN BLOOD de Michael Curtiz. Dès lors, les deux hommes ne se quitteront plus. Korngold fera de Friedhofer son collaborateur privilégié pour la quasi totalité de ses musiques de films. Rapidement, d’autres collaborations vont naitre, celles de Max Steiner avec un premier film KING KONG et celle avec Alfred Newman avec BELOVED ENEMY de H.C. Potter en 1936. Freidhofer offrira ses talents d’orchestrateur à Max Steiner pendant plus de dix ans. Des années d’échanges professionnels qui profiteront mutuellement aux deux talentueux compositeurs : Friedhofer qui en offrant une texture et une couleur extraordinaire aux scores de Steiner apprendra les ficelles du métier de compositeur en observant avec grande attention la façon dont le grand maître viennois pose ses musiques sur l’image. Mais l’accomplissement du travail musical de Friedhofer ne se fera qu’en passant par l’écriture.

C’est ainsi qu’en 1938 les objectifs du musicien américain se concrétisent. La « Samuel Goldwyn Company » sous l’influence d’Alfred Newman lui confit la composition du score de THE ADVENTURES OF MARCO POLO film de Archie Mayo avec Gary Cooper, cependant la qualité du travail fourni par Friedhofer sur ce film n’emballera pas spécialement Leo Forbstein de la Warner qui, pendant plus de 6 ans, ne lui permettra plus de composer, excepté « The Valley of the giants » en collaboration avec Adolph Deucth en 1938. Il faudra attendre 1943 pour revoir apparaître le nom d’Hugo Freidhofer en tant que compositeur au générique du film CHINA GIRL d’Henry Hataway. Dés lors, le musicien entame une carrière de créateur de musique de films tout en conservant une bonne réputation d’arrangeur.


Un travail d’écriture remarqué par la profession


Il est certain que plus de 10 années passées auprès de Max Steiner et de Erich Wolfgang Korngold ne pouvaient qu’être bénéfiques pour Hugo Friedhofer. De Steiner il appris la technique, comment poser l’ambiance par des accords, des textures sonores fines qui offrent au décor un tissu sensible et subtil. De Korngold, il apprit à imposer la mélodie, la suprématie du thème et comment donner du panache à une scène.

Cependant, il est important d’isoler le travail du musicien de San Francisco en tant que créateur de musique de film. L’héritage technique laissé par Steiner et Korngold sera digéré chez Friedhofer de manière intelligente. Durant toutes ces années de composition, il abordera tous les genres, participant au travail collectif de la profession, particulièrement dans le domaine du Western, un genre culminant et inspirant pour un bon nombre de compositeurs de l’époque du Golden Age. En commençant par BROKEN ARROW en 1950 de Delmer Daves, HONDO avec le mythique John Wayne de John Farrow en 1953, mais aussi VERA CRUZ de Robert Aldrich en 1954. Il commence d’abord avec Alfred Newman par RANCHO NOTORIOUS de Fritz Lang en 1950, puis il co-composera avec lui le score de THE BRAVADOS, un excellent Western de Henri King en 1958. Le compositeur se fera de nouveau remarqué avec le score energique du film de Marlon Brondo ONE EYED JACK, toujours pour le Western.

Friedhofer est un créateur intelligent, instruit, sensible et romantique, plein d’humilité. Son talent sera fortement remarqué par la profession et ses pairs qui n’hésiteront pas le cataloguer de « génie ». Mais d’une humilité sans égale, il se jugera plutôt comme « un grand pygmée dans la cour des géants. Il recevra des critiques de presse de l’époque, les éloges justifiées pour son esthétique et un chromatisme musical chaleureux rempli de finesse.

En 1944, c’est l’univers connoté et mystérieux du jeune Alfred Hitchcock qui l’amène à écrire la musique du film LIFEBOAT. Les qualités et l’originalité de son travail sont très tôt récompensées car c’est en 1946 que l’académie des Sciences et des Arts lui attribue l’Oscar de la meilleure bande originale pour la musique du film de William Wyler THE BEST YEARS OF OUR LIVES, fresque patriotique sur fond d’amitié qui propulsera la notoriété de Friedhofer à la reconnaissance hollywoodienne. Malgré les réticences du réalisateur pour ce type de score, son travail soigné lui vaudra cependant un grand succès auprès de la profession. Son score sera perçu comme une grande œuvre de tradition hollywoodienne dotée d’une certaine modernité dans l’écriture. THE BEST YEARS OF OUR LIVES sera à cette époque l’un des scores les mieux perçu et analysé par la presse.


« Le score démontre la pleine mesure du talent de Friedhofer, son sens pointu de la mélodie, de l’harmonie, la richesse des tonalités mais surtout de la justesse d’une l’écriture sensible sur des images sobres. Une musique qui possède toute la dignité d’un hymne » 
– Lan Adomian

« La réalisation du film est ramarquable mais la grandeur du film viens de la musique de Hugo Friedhofer. Le musicien à fait preuve de maitrise en écrivant un score d’une grande fluidité orchestral »
– Louis Applebaum


En résonnance à ces critiques honorables de l’époque , Friedhofer dira qu’il n’y a pas de règles en musique de film. Le musicien écrit et se laisse inspirer par les images qu’il voit et les sentiments qui s’en dégagent. Chacun a son ressenti et y met obligatoirement beaucoup de sa nature. On n’écrit pas une musique de film comme on écrit une musique de concert. En ce sens Friedhofer compare la musique cinématographique à la toile d’un artiste ; l’ensemble doit être harmonieux et a pour objectif de séduire, l’artiste y apporte ses touches personnelles. Pour lui, il n’y a pas de score idéal pour un film, l’inspiration doit être pragmatique, au service des images et du récit tout en gardant une certaine humilité pour les deux. Friedhofer pense qu’il est important de ne pas sous estimer son travail de compositeur de cinéma, c’est lui qui reste juge de ce qu’il doit écrire de juste pour l’image et ne doit jamais perdre de vue qu’il ne compose pas pour le goût du public mais pour l’intégrité du film.

David Raksin dira de lui qu’il est le compositeur le plus savant de son époque et que c’est lui qui a le mieux compris ce qu’un musicien se doit d’apporter au cinéma. Il compose dans des tonalités sombres mais très colorées et écrit avec beaucoup de franchise ce qui rend son style identifiable et unique. Hugo Friedhofer sera aussi, en son temps, l’un des seuls compositeurs dramatiques à avoir le mieux réussit à expliquer et à faire comprendre à la presse, le rôle primordiale d’une bonne musique pour un film.

L’oscar qu’il remporte en 1946 lui ouvre d’autres portes et lui donne la possibilité de travailler avec les plus grands metteurs en scène de l’époque (Edward Dmytryk, Marc Robson, Raoul Walsh, Henri King, et surtout John Huston, pour l’excellent film
'The Barbarian and the Geisha', toujours avec John Wayne. Comme beaucoup de compositeurs de cette époque, il croise la route de Richard Fleischer avec un film de guerre noir, 'Between Heaven and Hell', un genre qui va également lui permettre d’exceller en imposant un style d’écriture résolument moderne pour cette époque. 'In Love and War' de Philip Dunne et 'The Young Lions' d’Edward Dmytryk, figurent comme les plus importants scores du compositeur.

C’est avec le film de John Sturges
'Never So Few'avec le jeune Steve Mc Queen que Friedhofer marquera musicalement la fin de sa période «Golden Age» mais Il serait impardonnable de ne pas citer son travail sur le film 'The Sun Also Rises' d’Henri King en 1957, pour lequel il composa un thème éblouissant, quasi mystique, qui prouva une fois de plus que le compositeur avait bien sa place parmi les grands maîtres de la musique de film de son époque. Longtemps dans l’ombre d’Erich Korngold et Max Steiner pour avoir orchestré la plus grande partie de leurs scores, Friedhofer aura eu à ses débuts, bien du mal à imposer sa plume de compositeur. Il faut accorder à Hugo Friedhofer le mérite d’avoir su mener à bien ses œuvres malgré le constant compromis établi avec certains metteurs en scène. Il aura su imposer au fil du temps une écriture plus sophistiquée que Steiner et Korngold. Ses tentatives musicales éclectiques caractériseront un sens aigu de la situation transitant entre l’atmosphère générale des films et une écriture collant aussi au dos des personnages.

Comme le cita Alain Lacombe dans ses écrits sur Friedhofer ( La musique de film ),
«sa réelle culture musicale lui aura permis d’inclure des canevas populaires d’une richesse de tons assez inhabituelle» . Hugo Friedhofer aura marqué une époque transitoire dans le style musical du «Golden Age» en élaborant des œuvres constamment évolutives et modernes qui lui permettront de mieux aborder les nouveaux objectifs de la musique de film des années 70 comme le fit le grand Alfred Newman.

by Doug Raynes 24 Jan, 2024
Following on from Tadlow’s epic recording of El Cid, the same team – Nic Raine conducting and James Fitzpatrick producing – have turned their attention to a completely different type of epic film for the definitive recording of Ernest Gold’s Academy Award winning score for Otto Preminger’s Exodus (1960). The score is something of a revelation because aside from the main theme, the music has received little attention through recordings. Additionally the sound quality of the original soundtrack LP was disappointing and much music was deleted or cut from the film.
by Ross Care 24 Jan, 2024
Though the 1950s spawned a variety of (often ridiculous) Hollywood mutations, the first film to deal seriously with nuclear issues was Stanley Kramer’s "On The Beach" in 1959, the restrained screenplay of which documents the last days of a varied group of survivors who await the end as fallout from the ultimate nuclear conflict slowly but inevitably drifts towards the southern hemisphere
Share by: