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Bernard Herrmann

Gabriel Chancerel

Introduction

Dans Le son de Hollywood,  documentaire diffusé déjà plusieurs fois à la télévision, le chef  d'orchestre John Mauceri parle de ses années d'apprentissage et  reconnaît que pour convenir à l'air du temps, il se voulut arnateur,  sinon expert, en musique moderne: sérialisme, atonalisme, recherches  acoustiques... Jusqu'au jour où il s'avisa que, décidément, cela n'était  pas sa voie. Pour la raison que ce qui lui plaisait, c'était la  mélancolie, une musique qui chante et non qui pense, une musique  romantique à souhait. 


Examinant  cette inclination d'un peu plus près, il se rendit compte que ce que le  siècle précédent avait conçu, et si somptueusement exprimé, ne s'était  pas éteint avec lui: qu'en matière de musique, le romantisme était  parvenu à survivre sous des formes diverses, à la faveur de  circonstances propices, presque tout au long de ce XXème siècle et en  particulier dans le contexte de la musique commandée par les studios  hollywoodiens au cours de cette période faste s'étendant, disons, de  1930 à 1970. 


Ainsi,  à la tête de l'Hollywood Bowl, John Mauceri eut la bonne idée  d'enregistrer quelques flamboyantes compilations des musiques de l'Âge  d'Or associées à des cuivres classiques, mettant ainsi en évidence les  correspondances existant entre ces deux domaines voisins mais s'ignorant  encore trop souvent. Réticences que le jeune chef dénonce, non sans  malice, quand il signale que, dirigeant une formation européenne, il lui  arrive parfois de repérer un instrumentiste affichant, au coin des  lèvres, une moue de dédain, un petit sourire supérieur à destination de  cette musique trop facile pour être de qualité, trop flatteuse pour  répondre aux attentes d'un public cultivé. Jusqu'au jour où, dépassant  les préjugés de toutes sortes, l'avenir saura garantir renommée à tout  ce qui la mérite. 


Nul  doute que dans cette perspective, l'oeuvre de Bernard Herrmann ne  continue à recevoir son dû. La petite contribution qui va suivre se  propose d'aborder le travail du musicien non d'un point de vue  chronologique, mais par le biais des grands thèmes qui s'y déploient et  en assurent la cohésion et la singularité.

Le Romantique

L'esprit  romantique prédispose à la mélancolie; c'est l'un des traits de  caractère dont se souviennent les potaches même s'ils ont, par ailleurs,  tout oublié de leur passage au lycée. Mélancolie omniprésente dans  toutes les partitions du compositeur, qu'elles aient été écrites pour le  cinéma ou pour le concert. Il n'est, pour s'en convaincre, que de  passer en revue les titres donnés aux diverses sections figurant sur les  plus récents enregistrements: solitude, chagrin, élégie, désespoir,  adieux, consolation. Même la « Poésie », comme dans l'AVENTURE DE MADAME  MUIR joint son chant profond mais plaintif à tant de mélopées  imprégnées de merveilleux et de mystère. Sans omettre ces danses qui  sont valses tristes ou lentes allant même jusqu'à revendiquer leur place  au sein d'une intrigue où l'on ne s'attend guère à les trouver: celle  de MAIS... QUI A TUÉ HARRY ? Une partition dont Hermann s'est servi pour  agencer une petite suite d'orchestre bien sentie intitulée 'un portrait  de Hitch', croquis exécuté par petites touches comme ce récit qui mêle  l'humour et le macabre et dut stimuler le musicien. La valse essaie des  pas timides, un peu guindés; le cinéaste déplace ses personnages avec  une rare maîtrise. Il y a là, déjà, l'expression d'une fatalité qui se  fera plus tragique dans quelques prochains films. 


De  tous, SUEURS FROIDES est le plus célèbre, peut-être parce que le plus  réussi. Histoire de dédoublements et de sosies, d'attraction et de  répulsion, d'idées fixes et de fantasmes; de confusion entre le passé et  le présent, le réel et l'imaginaire. De manière assez paradoxale, la  musique, souvent furtive, est le contrepoint approprié à cette  dramaturgie qui ne manque jamais de faire sur le spectateur une curieuse  impression. Enveloppant les images et le récit dans une atmosphère de  surnaturel, la partition fait entrer un peu de tendresse dans le monde  clos des troubles mentaux, d'une vertigineuse schizophrénie. Et le tout,  obtenu par les procédés les plus délicats, bien dans le style de ce  qu'il est convenu d'appeler « the french touch», la tradition française.

 

Ainsi en va-t-il du thème de Madeleine marquéLento amoroso par  le compositeur lui-même et suggérant, avec tout le talent que l'on  connaît à Herrmann, mystère, fantaisie, romance et tristesse. Motif  s'offrant à des variations assourdies où, en d'autres lieux étranges  telle cette forêt de séquoias à la beauté sépulcrale, il recourt à des  tonalités très changeantes afin de souligner les pensées de cette jeune  femme revenant sans cesse sur la frontière incertaine et mouvante  séparant le monde des vivants et celui des morts (D'entre les morts:  titre du roman de Boileau-Narcejac d'où le film est tiré). Perception  ambiguë, sentiment très amer pris en charge à nouveau par ce love theme,  tout d'ardeur contenue et qui a été souvent comparé à cet autre motif  connu sous le nom de Liebestod - Amour / Mort, présent dans l'opéra de  Richard Wagner TRISTAN UND ISOLDE. 


Dans  un autre registre, du moins en ce qui concerne le cadre antique où le  scénario entrelace ses intrigues, l'EGYPTIEN est une partition bicéphale  due moitié au travail d'Herrmann, moitié à celui de son confrère et ami  Alfred Newman. La musique peaufine cette fois le portrait d'un héros  désabusé. Qu'il s'agisse de la douleur d'un amour non partagé que confie  ce poignant narratif pour orchestre dédié à Mérit, fidèle servante; ou  qu'il en aille de cette consternante passion liant Sinouhé à la  courtisane Néfer, c'est toujours la même déconvenue, le même accablement  qu’interprètent des cordes langoureuses et des haut-bois plaintifs ne  cachant rien d'un avenir qui va bientôt déchanter. Les reproches  adressés à ce futur sont soulignés avec insistance par des séries  d'accords se répétant sans relâche, comme pour emporter ' plus profond  la spirale de la frustration. Jusqu'au thème de l'enfance que reprennent  des bois désespérés, le confinant ainsi dans l'isolement et  l'affliction. Ce qui est bien la tonalité dans laquelle se clôt le film  et le livre:"I  desire no offerings at my tomb and no immortality for my name. This was  written by Sinuhé, the Egyptian, who lived alone all the days of his  life". (Mika Waltari). 


Deux  scores sont imprégnés de mélancolie, voire de nostalgie: CITIZEN KANE  et ce quintette pour clarinette intitulé SOUVENIRS DE VOYAGE. Dans le  film d'Orson Welles, chacun se souvient du nom que prononce le  milliardaire en mourant: Rosebud. Mais le cinéaste laisse le spectateur  dans l'ignorance de ce qu'il signifie exactement et c'est Herrmann, par  sa musique, qui va le mettre dans la confidence. Non seulement il  introduit le motif Rosebud dès le Prélude, mais en bien d'autres  occasions tout au long du récit: de la première apparition de Kane  enfant à l'ultime image où la luge, portant ce nom, est la proie des  flammes. La musique l'avait bien dit dès le début: Rosebud, c'est le  souvenir d'une période de bonheur, de simplicité et d'innocence; joyeux  temps qui s'en est allé et ne reviendra plus.

Car  la mémoire et ses productions occupent une place de choix dans l'oeuvre  du musicien, comme c'est le cas dans ce quintette où la clarinette est  reine: Pièce dont le romantisme et les timbres sont considérablement  plus chauds que dans bien d'autres partitions. Les trois mouvements  tirent leur substance de trois sources artistiques différentes. Le  premier brosse un vaste panorama en y restaurant d'antiques reliefs; le  deuxième est un coucher de soleil sur la côte irlandaise que magnifient  de superbes nuances automnales; quant au dernier, il a la transparence  d'une aquarelle vénitienne en attendant que la nuit enveloppe tout  l'espace dans une solitude bienfaisante. 


C'est  alors que la nostalgie quitte la terre ferme, appelle la mer, aspire au  grand large du rêve et de la fantasmagorie. Histoires de marins  volontaires, de beaux capitaines, de sympathiques fantômes; et de  navires perdus, de rivages lointains, d'îles enchantées. L'AVENTURE DE  MADAME MUIR demeura l'une des partitions préférées du compositeur et,  pour beaucoup, elle restera comme l'une de ses plus attachantes. Dès le  prélude qui combine la plupart des thèmes que le film donne à entendre,  des cloches solennelles déploient un paysage maritime à la manière de  Debussy et contrastent avec l'évocation subtile d'un désir en peine,  rappel incessant du temps qui passe et laisse l'attente inassouvie.  L'insatisfaction est le lot de Lucy Muir et lors de la visite d'Anna, sa  soeur, c'est un canon très élégiaque suggérant la présence du capitaine  qui suscite en chacune le souvenir d'une perte irréparable. Le lyrisme  est partout présent et le rêve se fait pure poésie: les cordes entonnent  un chant serein, mais triste en certaines nuances, et les bois  effrangent cette délicate broderie, rosée pour un matin diaphane qui  frémit sous le toucher d'un artiste très capable. 


Le  rêve est la réplique à un désarroi cruel, un désenchantement certain.  Un monde gris et morne, un univers oppressant, une société murée comme  celle du RIDEAU DÉCHIRÉ qui décrit la vie derrière le rideau de fer en  quelques phrases saisissantes. Âpre et sans émotion, la musique se  voulait, pour ce film, tendue à l'extrême par ces répétitions et ces  inversions aptes à engendrer un sentiment de malaise, de nausée.  Existence sinistre, bien traduite par une série de quatre accords  (parfois entendus comme seulement quatre notes) et qui, d'ailleurs, clôt  la partition avec beaucoup de doigté. Un autre monde, une société plus  inquiétante encore est celle de FAHRENHEIT 451, puisqu'il s'agit là  d'une contrée où les pompiers sont appelés non pour éteindre le feu mais  pour brûler les livres. Écrit pour cordes, harpes et percussions, le  score se remarque par des rythmes implacables évacuant toute espèce  d'émotions et par un chromatisme (mélange de tonalités) qui induit une  forte impression d'inhumanité. 


Passe  encore que le monde soit à l'origine de ce désappointement; le pire  n'est-il pas de le trouver en soi-même ? ECHOES est l'unique quatuor à  cordes du musicien et la première pièce de concert après quatorze années  de silence en ce domaine: L'oeuvre, secrète et tourmentée, est une  série de variations nostalgiques et parfois énigmatiques, associant  quelques recherches inédites à des citations de partitions anciennes  revenant ici comme une obsession. PSYCHOSE marque de son empreinte tout  le début de l'allegro, cette ouverture où les violons pleurent, comme  dans SUEURS FROIDES. Une même simplicité d'expression règle une valse  lente, une barcarolle lyrique et une habanera bien trempée faisant  d'autant plus ressortir la morosité du présent. Pour citer Christopher  Palmer, musicologue et grand ami du compositeur: « Some episodes  deliberately seem to impart no feeling at all... a state of mind in  which the nerves have ceased to vibrate ». Ainsi, les sombres sonorités  de l'alto et du violoncelle finissent-elles englouties par une solitude  glaciale et déchirante. La mélancolie, en sa phase aiguë dégrade l'image  de soi; celle qu'Herrmann pouvait, à cette époque, se faire de lui même  ainsi qu'il le confia à son épouse d'alors, Lucille Fletcher, peu de  temps avant leur séparation: "More and more, I feel I am not possessed  of any great talent. It is, perharps, an echo of a talent... never the  real voice". 


Et  cependant, d'un bout à l'autre de ce quatuor, c'est bien une même  subjectivité qui s'exprime sans fards et sans excès parce que c'est du  plus intime que parle cette voix. Ce n'est plus une confidence, c'est  une confession; et comment alors ne pas penser à cet autre maître du  romantisme en musique que fut Hector Berlioz et qui, bien dans l'esprit  de ce courant artistique, a toujours voulu ôter toute entrave à  l'expression de sentiments francs et nobles. Ainsi, Berlioz compose-t-il  sa SYMPHONIE FANTASTIQUE comme une déclaration d'amour à la belle  actrice anglaise Harriet Smithson; oeuvre exubérante, biographie  musicale presque impudique parce que tel est le génie de ce Romantisme  qu'Herrmann et quelques autres ont su préserver durant le siècle qui  vient de s'achever, y semant les graines d'une renaissance possible.

Le Novateur

Herrmann,  compositeur old-fashioned/vieille manière, ainsi que cela fut prétendu  et dit à l'orée des années soixante-dix du fait de son attachement à la  forme classique. Quelques synthétiseurs coûtant moins cher que la  location d'une phalange symphonique toute entière. Mais de la modernité,  Herrmann se fit toujours une autre idée, lui qui sut enrichir son  univers musical en explorant d'autres voies que l'héritage académique  occidental. Digne disciple en cela des Bartok, de Falla et Vaughan  Williams. C'est, dans les films de Welles, le recours fréquent au  folklore de son pays natal inspirant des pièces désormais connues sous  le nom d'americana; c'est l'intégration dans ses propres ouvrages des  codes en vigueur dans de lointains pays comme cette échelle pentatonique  javanaise et toutes les couleurs orchestrales propres à un exotisme qui  sublime ses sources plutôt que de les plagier. Ceci est certes un bon  point en faveur du musicien et de sa fibre novatrice, mais ce n'est pas  le seul. Un autre, encore plus déterminant, est l'essai abouti, non  d'une nouvelle syntaxe, mais d'un nouveau mode de composition mis au  service d'un sens dramatique aigu et d'une fine psychologie. Approche  singulière reposant sur l'emploi et la récurrence de motifs très courts  qui font d'Herrmann l'un des précurseurs du minimalisme. 


Ainsi  en va-t-il avec ce motif de cinq notes qui est celui du meurtre dans LE  RIDEAU DÉCHIRÉ que les cors habillent de toute la violence et la  férocité requises, et qu'Herrmann réutilisera comme cri de guerre dans  LA BATAILLE DE LA NERETVA quelques années plus tard. Ailleurs, ce sont  de simples triades de notes claires très adéquates dans les films  fantastiques et leurs inlassables reproductions ayant pour effet de  concentrer l'efficacité de la musique sur les timbres, au lieu d'attirer  l'attention de l'auditeur / spectateur par d'envoûtantes mélodies ou de  l'épater par de savantes textures harmoniques ou contrapuntiques. 


Dans  le même ordre d'idées, l'angoissante coda accompagnant Norman Bates  incarcéré est basé sur ce qu'Herrmann appelle "le vrai motif de  PSYCHOSE", une signature de trois notes, de folie et de désolation,  issue de la SINFONIETTA FOR STRINGS datant de 1935 et présente également  dans le finale de MOBY DICK ainsi que la conclusion de TAXI DRIVER.  Mais concision qui ne fait nullement tache sur la complexité de  l'architecture musicale comme on peut en juger d'après ce que proposent  certains préludes. Trois d'entre eux suffiront à plaider la cause d'un  musicien qui n'avait nul besoin d'un temps indéfini pour faire les  présentations. Ainsi, le générique de PSYCHOSE, marquéallegro / molto agitato comprend-il  six sections de musique dont trois motifs majeurs et une mélodie. Le  tout pour une minute et cinquante cinq secondes selon le tempo retenu  par Joël Mc Neely et le Royal Scottish National Orchestra. Un autre  prélude, celui de JASON ET LES ARGONAUTES requérant un orchestre au  grand complet, introduit, dans sa courte durée, les trois principaux  motifs associés à l'Argo, le splendide vaisseau et à son équipage. En  surplomb d'un rythme de galérien scandé par les timbales, le thème  central est donné à l'unisson par les cors. Une autre idée est une  figure descendante / ascendante pour tubas et bassons conduisant à un  troisième moment: une fanfare miniature pour trompettes et trombones.  Les trois thèmes sont présentés une seconde fois et la pièce s'achève  dans la tonalité éclatante de do majeur. L'ensemble pour une minute et  cinquante quatre secondes, sous la baguette de Bruce Broughton à la tête  du Sinfonia of London. 


Enfin, avec MAIS... QUI A TUÉ HARRY ? où les cadavres provoquent plus l'envie  de sourire que de pleurer, l'histoire est parfaitement mise en relief  par l'exposition, dès le générique, de quatre thèmes dont le premier est  une phrase en forme de question jouée aux cuivres et ayant l'allure  d'un grand lied telle "une arche, à l'image du film qui se termine par  ou il a commencé" pour citer Jean-Pierre Eugène dans un récent et  excellent travail sur « La musique dans les films d 'Alfred Hitchcock »  (Dreamland éditeur / Paris). 


Ainsi  Herrmann et ses amis se donnaient-ils là les moyens de répondre à  l'arrogance de ces érudits ayant le front d'affirmer qu'il était  impossible d'écrire une bonne musique de film parce qu'il était absurde  de penser qu'un compositeur pouvait être inspiré pour quelques minutes  et une poignée de secondes, tout au plus ! D'après ce qu'en rapporte  Miklos Rozsa, lors d'un débat houleux sur ce thème.

Mais  le goût de l'expérimentation chez Bernard Herrmann ne s'arrête pas là.  Tout un autre domaine, largement exploré par le musicien est celui de la  couleur orchestrale, c'est-à dire de la recherche sur les timbres se  traduisant, en premier lieu, par de très originales combinaisons  d'instruments dont certains sont même fort curieux. Nul amateur digne de  ce nom n'ignore que la partition de TEMPÊTE SOUS LA MER / BENEATH THE  TWELVE MILE REEF (le titre américain est peut-être mieux connu...) est  très exactement un concerto pour neuf harpes et grande formation  incluant orgue d'église, le tout brossant une série de tableaux  maritimes, galerie magnifique que peuvent envier pas mal de film  d'aventure. Dans le même genre, LA SORCIÈRE BLANCHE met la jungle en  poème symphonique tout bardé de tam-tams et de tambours de tailles très  diverses, de formes variées, jusqu'au tambour de frein d'un gros  véhicule de marque Volkswagen; le constructeur automobile n'y étant sans  doute pour rien. Quant à la séquence la chasse à mort / Death hunt dans  LA MAISON DE L'OMBRE / ON DANGEROUS GROUND, elle a pour protagonistes  musicaux huit cors qui jappent et aboient tels des chiens à la poursuite  de leur proie. 


A  titre individuel, apparaissent ici et là une enclume (comme c'est le  cas également du Rozsa des QUATRE PLUMES BLANCHES), un tuba bouché et un  serpent obsolète, cuivre à méandres résonnant comme un basson enroué.  L'harmonica joue le rôle d'un motocycliste psychopathe dans NIGHT  DIGGER; la viole d'amour chante sa complainte comme elle le fit déjà  dans LA MAISON DE L'OMBRE, film au générique duquel le nom de la  virtuose, Virginia Majewski, figure sur le même carton que celui du  compositeur, à sa propre demande. Instrument qui sait ajouter ses  teintes désuètes a quelques épisodes mélancoliques de la célèbre série  télévisée: LA QUATRIÈME DIMENSION / THE TWILIGHT ZONE. Il y a un violon  électrique et deux ondes thérémines dans LE JOUR OU LA TERRE S'ARRÊTA,  score particulièrement novateur qu'Alfred Newman suggéra de compléter  par une bouilloire du même type, afin de parachever l'aspect futuriste  d'une partition qui n'est pas sans faire penser aux trouvailles du jeune George Antheil. 


Quant  aux coups d'archets de PSYCHOSE, il s'agit là, ni plus ni moins, d'une  nouvelle façon de jouer du violon qui, comme le piano chez Bartok,  devient avec Herrmann un instrument à percussions. Ce travail sur les  timbres imposa donc au musicien d'écrire toutes ses orchestrations et de  refuser ainsi l'aide d'un subalterne dont la fonction reste si  controversée dans la musique hollywoodienne. Pour VOYAGE AU CENTRE DE LA  TERRE, il élimina toutes les cordes pour ne conserver qu'un ensemble de  vents augmenté de cinq orgues dont un de cathédrale et quatre  électroniques. Les réverbérations du vibraphone simulent avec justesse  les échos d'un monde de grottes et de cavernes, tandis que le reste de  l'orchestre, jouant dans les registres les plus graves, crée une  ambiance lourde de menaces et aussi d'émerveillement. Ainsi en va-t-il  de la féerie en stuc multicolore d'une Atlantide battue par le flux et  le reflux de lignes mélodiques souples et ondoyantes.


A  l'opposé de cette fresque tellurique, comme travaillée au couteau, il y  a la musique légère et sensible de MAIS... QUI A TUÉ HARRY ? où les  divers pupitres sont employés comme autant d'instruments solistes. Jeu  de couleurs et de nuances, palette très impressionniste bien digne de  tracer le portrait de ce cinéaste pince-sans-rire et, à sa façon,  diabolique. Mais, comme il arrive souvent, le film commande et le  musicien s'exécute. C'est pourquoi LE JARDIN DU DIABLE est une partition  dominée par une brève et saisissante figure jouée par les cors,  trombones et trompettes, et qui ne montre nul développement tout au long  du film mais devient un motif obsessionnel auquel un spectaculaire  accompagnement orchestral procure tout le relief nécessaire. En ces  moments propices, le compositeur se fait démiurge. II façonne le monde;  que ce soit celui des basiliques minérales qui se dressent un peu  partout dans la trame de sa SYMPHONIE, de ces plongées ahurissantes dans  le ventre de la terre, dans les abysses océanes, la gueule béante de  MOBY DICK la baleine blanche, le gouffre d'une démence qui, sans cesse,  creuse le vide sous elle. Ou alors, à l'assaut d'une abrupte falaise,  les têtes de quatre hommes illustres apportant leur caution à l'art  cinématographique et aussi à la musique qui fut écrite pour le servir.  Tel ce "fandango orchestral et kaléidoscopique" composé pour le  générique de LA MORT AUX TROUSSES et qu'interprète, avec toute la fougue  requise, l'orchestre symphonique de la M.G.M. Tant de foisonnements  sonores qu'Herrmann aimait bien mais, de son propre aveu, "à condition  que la rigueur préside à cette fusion". 


Un  dernier point vaut la peine d'être soulevé. Il s'agit de la présence de  la musique dans le film, de son rapport avec les images et le récit. A  l'époque du tout musical qui marqua les débuts du cinéma succéda celle  où des compositeurs comme Herrmann et Rozsa en particulier, surent faire  évoluer leur contribution en fixant des limites à la musique. Cessant  d'être omniprésente, elle devient d'autant plus pertinente en ces  moments où elle se conçoit comme élément de la construction filmique,  approfondissement de la psychologie et de la dramaturgie. La seule scène  d'ouverture de SUEURS FROIDES suffira à illustrer ce propos. Course  poursuite sur les toits de San Francisco qu'accompagne un ostinato sur  les cordes graves et une furieuse dynamique des cuivres, mais incapable  cependant de faire franchir au personnage l'espace séparant deux  buildings. Un accord dissonant évoque magistralement le vertige de James  Stewart qui est frayeur du dehors et du dedans également. Le mouvement  est double et la partition enrichit le texte filmique; elle est aux  petits soins de la complexité du discours qu'affectionne le cinéaste. 


D'un  autre côté, elle s'en voudrait d'être trop souvent en décalage par  rapport aux images; aussi se plaît-elle à en adopter souvent les  couleurs et les dessins. Avec Herrmann, on peut dire que toutes les  saisons y passent et pas seulement les cinq premiers mois de l'année  comme dans THE FANTASTICKS, cycle de chants sur des vers de Nicolas  Breton, poète élisabéthain. Les couleurs de l'hiver sont celles de JANE  EYRE, histoire balayée par les vents froids d'une lande austère; ce sont  aussi les panoramas enneigés de LA MAISON DE L'OMBRE que traverse un  fugitif en quête de rédemption, ce sont les cimes monumentales et  acérées de cette unique SYMPHONIE à l'orchestration anguleuse, aux  teintes très scandinaves; ce sont les gris et les verts estompés,  pastels pour une berceuse dédiée à ceux qui sont tombés (FOR THE  FALLEN). La mauvaise saison, c'est encore la partition monochromatique  du RIDEAU DÉCHIRÉ où un motif de trois notes pour violoncelle et  contrebasse diffuse partout un sentiment de terreur et de meurtre.  Herrmann possédait les dons de l'aquarelliste, dédaigneux des huiles  lourdes et criardes, préférant adoucir les contrastes, gommer les  aspérités, lisser toutes les surfaces. Quoi de plus naturel qu'il en  vînt à composer en noir et blanc ou, du moins, dans ce qui, à ses yeux,  en était un équivalent musical. Ce qu'il fit pour PSYCHOSE avec un  orchestre de cordes ayant fait date dans les annales de la musique de  film. 


Les  riches nuances de l'automne sont celles de MAIS... QUI A TUÉ HARRY?  dans ces paysages de la Nouvelle-Angleterre auxquels conviennent bien  les teintes élégiaques du cor anglais qui fredonne comme un très vieux  folk-song. En fin d'après-midi, les couleurs se font plus dures sans que  leur âpreté n'altère la bonhomie de personnages qui savent qu'une  marche peut être funèbre mais que la mort est rarement sérieuse au  cinéma. Il y a aussi l'opulente polychromie du fantastique, les couleurs  chaudes et vives d'une belle époque, ce fastueux XViiième siècle où  l'Angleterre régnait sur les mers et où Lemuel Gulliver découvrait plein  de fabuleuses contrées peuplées de très grands et de très petits qui  enchantaient les enfants et leurs parents. Il y a encore tout le  bariolage de la fantaisie, ces nuits proche-orientales et cet Olympe de  carton-pâte, monstruosités hideuses et divinités toutes de métal pour  lesquelles le musicien convoque un ensemble assez extravagant avec,  excusez du peu, une très large section de cuivres et bois, une  gargantuesque batterie de percussions dont une vingtaine d'appareils à  bruit; des fortissimo dans les registres les plus graves, des figures  éraillées, des effets stéréophoniques pour cors et trompettes, des  dynamiques très inhabituelles, le tout sous le contrôle d'un technicien  hors pair et d'une liberté créatrice conjuguant précision et virtuosité. 

Conclusion

C'est un lieu commun de dire aujourd'hui qu'Herrmann fut un passeur entre deux rives: d'une musique héritée de la période romantique à cette autre intégrant les recherches les plus inédites; et participant ainsi à l'émergence d'une nouvelle génération de musiciens de films, chacun pouvant citer ici les noms qui lui semblent les mieux convenir. Ainsi, en permettant la transition entre deux approches complémentaires, le musicien a-t-il assuré la pérennité de la forme classique adaptée au cinéma... Ce nouveau genre qui a bien grandi en un siècle mais n'est pas encore reconnu comme un enfant légitime. Du reste, si Herrmann n'avait pas rejoint Hollywood, les cuivres qu'il aurait écrites auraient-elles été bien différentes de ses musiques de films D'autant qu'il sut toujours garantir son indépendance et ne travailla, presqu'à chaque fois, que sur des projets qu'il avait choisi. Aurait-il pu devenir le compositeur de JANE EYRE et de MADAME MUIR sans avoir été celui des HAUTS DE HURLEVENT; celui de PSYCHOSE sans que de sa plume soit sortie la SINFONIETTA FOR STRINGS?


Enfin, comment ne pas rapprocher Herrmann de cet autre musicien, si tourmenté, que fut Robert Schumann, pianiste raté, piètre chef d'orchestre, incertain de sa vocation et plus à l'aise dans les structures musicales simples que dans les grandes formes symphoniques. Un siècle plus tard, Schumann aurait peut-être écrit de la musique de film ! Jusqu'à cette manière de clore une partition par quelque dissonance pesante, un accord non résolu qui laisse l'auditeur désappointé: une fin mais sans vrai dénouement. Schumann, dépressif et exalté, versatile et exubérant, le frère en mélancolie mais aussi en dons prodigieux d'Herrmann le romantique.

Publié à l’origine dans Soundtrack Magazine Vol.20/No.77/2001 
Texte reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur, Luc van de Ven 
En collaboration avec
The CinemaScore and Soundtrack Archives

by Pascal Dupont 10 May, 2024
Charles Allan Gerhardt English version adapted by Doug Raynes - FRENCH VERSION AND COLLECTION had a reputation as a great conductor, record producer and musical arranger. His major work at RCA on the Classic Film Scores series earned him recognition from film music devotees of Hollywood’s Golden Age, as well as other renowned conductors of his day. Born on February 6, 1927 in Detroit, Michigan, Charles Gerhardt developed a passion for music and percussion instruments from an early age. At the age of five, he took piano lessons, and by the age of nine, had established a solid reputation as an orchestrator and composer. He spent his early school years in Little Rock, Arkansas, then after 10 years, having completed his schooling, moved with his family to Illinois for his military duties, he served in the U.S. Navy during World War II as a chaplain's aide in the Aleutian Islands, then became an active member of the Veterans of Foreign Wars. He went on to study at the University of Illinois, at the College of William and Mary, and later at the University of Southern California. Throughout his time at school Gerhardt was attracted not only to music, but also to the sciences. Passionate about the art of recording, he joined Westminster Records for five years, until the company ceased operations, and then joined Bell Sound. One day, he received a phone call from George Marek to meet with the heads of Reader's Digest, to discuss producing recordings for their mail-order record business; a contact that was to secure his musical future and a rich career spanning more than 30 years. Gerhardt's first job for Reader's Digest was to produce a record; “A Festival of Light Classical Music”; a 12 LP box set that he produced in full. One of Gerhardt's finest projects was the production of another 12 LP box set, “Les Trésores de la Grande Musique (Treasury of Great Music)”, featuring the Royal Philharmonic Orchestra conducted by some of the leading figures of the day: Charles Munch to Bizet and Tchaikovsky, Rudolf Kempe to Strauss and Respighi, Josef Krips to Mozart and Haydn, Antal Dorati to Strauss and Berlioz, Brahms 4th Symphony by Fritz Reiner and Sibelius’ 2nd Symphony by Sir John Barbirolli. In the 1950s he conducted works by Vladimir Horowitz, Wanda Landowska, Kirsten Flagstad and William Kapeli. In the early 1960s, Gerhardt lived in England, where he made most of his recordings, but kept a foothold in the United States, mainly in New York. Often, when he went to the United States after a period of recording sessions, he would stop off in Baltimore and spend some time listening to cassettes of his new recordings. Gerhardt loved percussion instruments, especially tam-tams. One of his favorite recordings was the Columbia mono disc of Scriabin's Poem of Ecstasy, with Dimitri Mitropoulos and the New York Philharmonic. He had great admiration and respect for the many conductors he worked with, starting with Arturo Toscanini, with whom he worked for several years before the Maestro's death. It was Toscanini who suggested that Gerhardt become a conductor, which he did! His career as an orchestra director began when he had to replace a conductor who failed to show up for rehearsals. It was a position he would later occupy for various recording sessions and occasional concerts. His classical recordings include works by Richard Strauss, Tchaikovsky, Wagner, Ravel, Debussy, Walton and Howard Hanson. Hired by RCA Records, he transferred 78 rpm recordings of Enrico Caruso and other artists to 33 rpm. He took part in recordings by soprano singer Kirsten Flagstad and pianist Vladimir Horowitz. He worked with renowned conductors such as Fritz Reiner, Leopold Stokowski and Charles Munch, from whom he learned the tricks of the trade. Still at RCA, he assisted Arturo Toscanini, with whom he perfected his conducting skills. Then, in 1960, he produced recordings for RCA and Reader’s Digest in London, and joined forces with sound engineer Kenneth Wilkinson of Decca Records (RCA's European subsidiary), The two men got on very well and shared a passion for recording and sound quality, making an incredible number of recordings over a 30-year period. Also in 1960, RCA and Reader's Digest entrusted him with the production of a 12-disc LP box set entitled “ Lumière du Classique (A Festival of Light Classical Music) ”, sold exclusively by mail order. With a budget of $250,000, Gerhardt assumed total control of the project: repertoire, choice of orchestras and production. He recorded in London, Vienna and Paris, and hired such top names as Sir Adrian Boult, Massimo Freccia, Sir Alexander Gibson and René Leibowitz. The success of this project, in terms of both musical quality and sound, earned him recognition from his employers. Other projects of similar scope followed… A boxed set of Beethoven's symphonic works with René Leibowitz and The Royal Philharmonic Orchestra. A boxed set of Rachmaninoff's works for piano and orchestra with Earl Wild, Jascha Horenstein and the Royal Philharmonic Orchestra, the above mentioned 12 LP disc set “Trésor de la Grande Musique (Treasury of Great Music)” with the Royal Philharmonic conducted by some of the greatest directors of the time: Fritz Reiner, Charles Munch, Rudolf Kempe, Sir John Barbirolli, Sir Malcolm Sargent, Antal Dorati and Jascha Horenstein, with whom Gerhardt had sympathized. In January 1964 in London, Gerhardt joined forces with Sidney Sax, instrumentalist and conductor, to form a freelance orchestra. This successful group went on to join the National Philharmonic Orchestra of London, an impressive line-up that would later become Jerry Goldsmith's orchestra of choice. With Peter Munves, head of RCA's classical division, he conceived the idea of recording an album devoted exclusively to the film music of Erich Wolfgang Korngold, one of his favorite composers. Enthusiastic about the project, Munves gave Gerhardt carte blanche, and was offered a helping hand by George Korngold, producer and son of the famous Viennese composer, who owned all the copies of his father's scores. The Adventure Began : The Sea Hawk: Classic Film Scores of Erich Wolfgang Korngold. For this first disc, Gerhardt selected 10 scores by Korngold, which he recorded in the Kingsway Hall Studio in London, renowned for its excellent acoustics. The disc thus benefits from optimal recording conditions, favoring at the same time the performances of the National Philharmonic (and its leader, Sidney Sax), a formidable orchestra made up of London's finest musicians and freelance soloists. Each album was recorded in the same studio, with Kenneth Wilkinson as sound engineer and George Korngold as consultant/producer. As soon as it was released, the album's success received strong acclaim in classical music circles and received a feature in Billboard No. 37, a first in this category in December 1972. It took no less than a year to sell the first 10,000 copies in all the specialist record suppliers and the album went on to sell over 38,000 copies, making it the fifth best-selling album in the “classical” category in 1973. On the strength of this success, Peter Munves and RCA entrusted Charles Gerhardt with the production of further discs devoted to other world-renowned composers of Hollywood music. The program includes several albums dedicated to Max Steiner and Erich Wolfgang Korngold plus one each to Miklos Rozsa, Franz Waxman, Dimitri Tiomkin and Bernard Herrmann, followed by 3 volumes associated with specific film stars such as Bette Davis, Errol Flynn and Humphrey Bogart. Then, a disc devoted to Alfred Newman, a composer who was a pillar of the famous Hollywood sound, who Gerhardt admired and had met: “Newman was a charming man, full of good humor. He was friendly, fun and always had a joke. With his eternal black cigar in hand, he was a composer by trade, down-to-earth, discussed little about himself but was a first-rate advisor in my life. “ Gerhardt would consult certain composers in advance about how to recreate suites from their works, or when this wasn't possible, he would rearrange the suites himself and submit them to the composers for approval. "Some critics complained that my suites were too short, but my aim in the case of each album was to present a well-split 'portrait' of the composer, highlighting his many creative facets". Although Korngold, Newman and Steiner were no longer around to lend their support, Gerhardt was lucky enough to still work with Herrmann, Rózsa and Tiomkin as consultants who turned up at the recording studio to lend a hand. Gerhardt also had the idea of creating albums focusing on a single film star. Three specific volumes were devoted to music from the films of Humphrey Bogart, Errol Flynn and Bette Davis. Although these albums suffer from too great a diversity of genres, they still offer the chance to hear and discover rare and previously unpublished compositions. The best conceived album was arguably the one devoted to Bette Davis. Conscious of the important role played by music in her films, the legendary actress took part in the conception of the album, knowing that it favored scores by Max Steiner designed for Warner Bros. The Collection Begins ! Gerhardt's passion for certain composers knows no bounds, but he soon envisages a disc devoted to Miklos Rozsa, including suites for “Spellbound” and “The Red House”, one of his favorite scores, which he will exhume to create one of the longest suites in the series. At the same time, he received various fan wish lists and films to watch, such as “The Four Feathers”, which he had never seen and which gave him the opportunity to discover a splendid score by Miklos Rozsa that he had never heard before. He was disappointed, however, not to be able to conceive a longer “Spellbound” sequel for rights reasons. Despite RCA's full approval, Gerhardt realized that it was not easy to record film music in its original form, as few were ever edited, played and made available for rental. For The Sea Hawks album, things were simpler, as Georges Korngold had copies of his father's scores, and Warner Bros had also archived material in good condition. From the outset, Gerhardt encountered other major problems in the search for and discovery of scores hidden away in other studios, often with the unpleasant surprise of discovering missing or incomplete conductors, or others heavily modified by orchestrators during recording sessions, or the surprise of discovering, in certain cases, instrumentation information noted in shorthand on the edges of the conductor score. For the disc dedicated to Max Steiner, for example, the conductor score for “King Kong” had disappeared from the RKO archives, having been shipped in 1950 to poorly maintained warehouses in Los Angeles where it had become totally degraded and illegible. With the help of Georges Korngold, Gerhardt was able to reconstruct a substantial suite from the piano models left by Steiner at the time. This experience was repeated when the conductor score for Dimitri Tiomkin's “The Thing” was discovered in the same warehouse, in an advanced state of disintegration. Fortunately for Gerhardt, Tiomkin, who was still alive, had been able to provide precise piano maquettes with orchestration information in shorthand, revealing a complex and highly innovative style of writing. Tiomkin always composed at the piano, inscribing very specific information and signs on the edges of the scores in pencil, an ingenious system of his own invention that was difficult to decipher. “Revisiting the score of ‘The Thing from Another World’ was a complex task, involving experimental passages and an unorthodox orchestra. You can understand that I had a huge job on my hands. When I approached the recording sessions, it was not without some trepidation. However, the composer present made no criticism or comment on my work, and was delighted. He was delighted.” For “Gone With The Wind”, Steiner was against the idea of remaking a complete soundtrack, as he felt that too many passages were repeated. It was an opportunity for him to revisit his own score, integrating his favorite melodies. This synthesis gave him the opportunity to revitalize his music by eliminating the least interesting parts of the score. Conceived as long suites or isolated themes, the discs reflect the essence of the composers' work. The “Classic Film Scores” series by Franz Waxman, Bernard Herrmann and Miklos Rozsa etc will become a big hit with collectors. For Gerhardt, this will be an opportunity to unearth forgotten or rare scores such as Herrmann's “The White Witch” and “On a Dangerous Ground”, Hugo Friedhofer's “The Sun Also Rises” and early recordings for Waxman's “Prince Valliant” and Rozsa's “The Red House”, all with new, impeccable acoustics. For “Elisabeth and Essex”, Erich Korngold had already prepared a suite in the form of an Overture, which was given its world premiere in a theater. The suite for “The Adventures of Robin Hood” also pre-existed. Franz Waxman created his own suite for “A Place in the Sun”, which was also performed in concert. Dimitri Tiomkin, Miklos Rozsa and Bernard Herrmann acted as consultants and contributed arrangements to their scores. For the continuation of “White Witch Doctor”, Bernard Herrman added percussion to link the different musical tableaux. He did the same for the different parts of “Citizen Kane”. Miklos Rozsa saw an opportunity to add a male choir to the suite from “The Jungle Book”, based on an idea by Charles Gerhardt. For the record dedicated to Errol Flynn, Gerhardt re-orchestrated the theme “The Lights of Paris” from Hugo Friedhofer's “The Sun also Rises”, as the original was no longer available. “I wanted to go back to that time and systematically explore the very substance of the great film scores of the late 30s and 40s, sending them back directly to their images as dramatic entities. The desire to rediscover tunes we know and to take into account the contexts in which they were originally used. I decided to recreate these scores with their original orchestrations, and this could only be done by returning to the ultimate sources, as the composers had originally conceived them.” Keen to open up the collection to other genres, such as science fiction, Gerhardt dedicated two further albums to the series in 1992. The first featured contemporary sequels to “Star Wars” and “Close Encounters of the Third Kind”, promoting the work of John Williams, a leading composer of new film music. Then another called “The Spectacular World of Classic Film Scores”, presenting a disappointing compilation of scores that had already been recorded, except for the creation of a sequel to Dimitri Tiomkin's “The Thing From Another World” and Daniele Amfitheatrof's rarely heard theme “Dance of the Seven Voiles” from Salome. In 1978, the collection was published in Spain by RCA Cinema Treasures. In the USA and Europe, the Classic Film Scores LP series was reissued in the early 80s with a black art deco cover and colored star index. All Volumes in the First Series Were Reissued : By the end of the '80s, the series was running out of steam, and Charles Gerhardt planned to relaunch his collection with albums dedicated to famous American actresses, a new volume for Max Steiner and the Western, a volume reconstructing the score of Waxman's “The Bride of Frankenstein”, followed by volumes devoted to Alex North, Hugo Friedhofer, Victor Young and Elmer Bernstein... But RCA would not support Gerhardt in these projects, preferring to release the collection on CD for the first time. In early 1990, RCA asked Gerhardt to supervise and co-produce the collection, which he saw as an opportunity to revisit some of the volumes, inserting tracks that had not appeared on the LPs or extending certain suites. The volume devoted to Franz Waxman, “Sunset Boulevard”, was the first to be released. The CD did not benefit from any particular promotion, but sold very well, as did the other CDs that followed... A collection marked by a new design in silver pantone. The CDs series was reissued in 2010, still under the RCA Red Seal label, but distributed by Sony Music Entertainment. RCA Victor's Classic Films Scores series represents a unique collection in the history of film music recordings. 14 recordings of rare quality, produced by Georges Korngold and Charles Gerhardt to become one of the revelations of the reissue phenomenon. Other Concepts... Later, Gerhardt spent most of his time in London, continuing to make recordings. After retiring from RCA in 1986, he returned to independent work for Readers Digest and other record labels, a position he held in production and musical supervision until 1997. Since 1991 he had lived in Redding, California. In later years, he did not appear professionally, refusing all public invitations because of his desire to remain discreet. In his entourage he was close to three cousins, Lenore L Engel and Elizabeth Anne Schuetze, both living in San Antonio, and cousin Steven W Gerhardt of St. Pete Beach, Florida. In late November 1998 Charles Gerhardt was diagnosed with brain cancer and died of complications following surgery on February 22, 1999. He was 72 years old. Thus ends this tribute to Charles Gerhardt and the most famous collection of film music records: The Classic Film Scores series.
by Doug Raynes 24 Jan, 2024
Following on from Tadlow’s epic recording of El Cid, the same team – Nic Raine conducting and James Fitzpatrick producing – have turned their attention to a completely different type of epic film for the definitive recording of Ernest Gold’s Academy Award winning score for Otto Preminger’s Exodus (1960). The score is something of a revelation because aside from the main theme, the music has received little attention through recordings. Additionally the sound quality of the original soundtrack LP was disappointing and much music was deleted or cut from the film.
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