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Max Steiner, sa vie et son œuvre

Jean-Louis Scheffen

De Vienne à New York


Maximilian Raoul Walter Steiner, est né à Vienne le 10 mai 1888, à une époque qui était encore celle des Strauss, mais où déjà s’annonçait l’éclatement de l’empire austro-hongrois et la fin de cette société insouciante. La situation matérielle des Steiner était très aisée : Maximilian Steiner, le grand-père de Max, avait dirigé le célèbre « Theater an der Wien » et produit les premières opérettes de Franz von Suppé et Johann Strauss fils. Son père, Gabor, contrôlait cinq théâtres parmi les plus importants, ainsi qu’un parc d’amusement (pour la petite histoire : c’est lui qui a construit la grande roue dans le « Prater »). Maria, la mère, avait hérité de trois restaurants les plus en vogue de Vienne.
 
Le jeune Maximilian, fils unique, avait donc la chance de grandir dans un milieu très musical (son parrain était Richard Strauss) et de recevoir une éducation de premier ordre. À 13 ans, il entra à l’Académie Impériale de Musique, ses maîtres étant, entre autres, Robert Fuchs, Hermann Graedener, Gustav Mahler et Félix Weingartner. Enfant prodige, tout comme l’était son contemporain Erich Wolfgang Korngold, il fit la merveille de ses professeurs et termina en un an des cours devant normalement s’étaler sur quatre années. Plus tard, Steiner s’en rappellerait avec ironie : « Mahler prédisait que je deviendrais un des plus grands compositeurs de tous les temps. Il ignorait que je finirais à la Warner Bros. »
 
Dès cette période, Steiner aborda une carrière dans le domaine de l’opérette et de la revue musicale. En 1903, à l’âge de 15 ans, il composa une opérette intitulée « Die schöne Griechin » qui, produit par un concurrent de son père, était un des succès de la saison. En tant que chef d’orchestre, Max Steiner allait voyager à Berlin, Moscou, Johannesburg. En 1906, après la banqueroute de son père, il décida de s’établir à Londres où il allait vite se faire un nom dans le milieu de la comédie musicale.
 
Lorsque la guerre éclata, l’Autrichien Steiner se vit obligé de quitter le pays. Il résolut d’aller aux Etats-Unis où il arriva en décembre 1914 dans le port de New York, « avec trente-deux dollars dans ma poche », comme il le raconterait plus tard. Broadway étant loin de Londres, Steiner dut de nouveau repartir à zéro. Il accompagna au piano des artistes de vaudeville et accepta un travail de copiste chez Harms Music Publishing. Rapidement, on commença à l’engager comme orchestrateur de comédies musicales. Pendant les années suivantes, Steiner allait collaborer, en tant qu’arrangeur, orchestrateur et chef d’orchestre, avec les grands noms de la comédie musicale américaine dont Victor Herbert, George Gershwin, Jerome Kem, Vincent Youmans, Cole Porter, Irving Berlin et Florenz Ziegfeld.
 

L’arrivée à Hollywood

Lorsque, le 6 octobre 1927, un public enthousiasmé découvrit Al Jolson dialoguer à l’écran avec sa « Mammy » et entamer quelques chansons du répertoire populaire, il signa en même temps l’arrêt de mort du cinéma muet. La panique s’empara d’Hollywood : comment allait-on satisfaire les nouvelles préférences des spectateurs? THE JAZZ SINGER et sa quasi-suite THE SINGING FOOL (1928) avaient marqué la direction à prendre. Les nouveaux procédés de synchronisation semblaient surtout bénéficier à des revues musicales en grande partie directement adaptées de Broadway. Le public demandant avidement de nouveaux ‘talkies’, les producteurs d’Hollywood, à cours de temps mais craignant aussi des risques supplémentaires, décidèrent de se tourner vers l’immense patrimoine musical de ‘Tin Pan Alley’.

 

Décidée à ne point se laisser distancier dans la chasse au public, la RKO, une des grandes compagnies de l’époque, acquit les droits de « Rio Rita » de Harry Tierney. Pour les besoins de la direction musicale, le compositeur recommanda Max Steiner qui avait déjà orchestré et dirigé la version originale. William Le Baron, chef de production de la RKO, s’empressa de faire signer un contrat à Steiner. Celui-ci accepta, et c’est en décembre 1929 qu’il arriva à Hollywood, ignorant sans doute que cette décision allait changer toute sa vie.

 

Vers la fin de 1930, le public commençait à se lasser de ces revues musicales filmées qui finalement se ressemblaient beaucoup et n’avaient d’ailleurs la plupart du temps pas de véritables trames narratives. La RKO décida de réduire son département musical et chargea Steiner d’y expédier les affaires courantes. Ce qui signifiait concrètement : se limiter à enregistrer des ouvertures et de la musique « de circonstance » pour les films dramatiques, en se basant sur du matériel préexistant. Une politique qui ne différait en rien de celle des autres studios.

La naissance d’un nouvel art

Si la musique fut bannie des films parlants à cette époque, c’était pour plusieurs raisons. Après 1927, il semble y avoir eu une période de transition, où la bande sonore de certains films consistait largement en une musique ininterrompue. Celle-ci pouvait céder la place à une ou deux scènes dialoguées (souvent ajoutées après coup) méritant au film son label de ‘talking picture’. La pratique musicale s’orientait directement à celle des films muets, c’est-à-dire que la compilation et l’équivalence musicale naïve l’emportaient sur la composition originale et la recherche d’univers sonores spécifiques.

 

Lorsqu’à la suite de LIGHTS OF NEW YORK (1928), et parallèlement à la première vague de comédies musicales, se développa la mode des ‘all-talkies’, des films parlants à 100% où une scène dialoguée suivait l’autre, la musique fut presque complètement abandonnée. Jadis ‘ersatz’ d’une bande sonore réaliste, on la croyait superflue à l’âge de l’image parlante qui semblait combler le besoin de naturalisme du public. On admit sa présence lors du générique et des scènes de poursuite, mais on la bannit des scènes dialoguées.

 

Le mélange de deux niveaux sonores semblait inacceptable. « Mais d’où viendrait la musique ? », était la question habituelle des producteurs. Seule exception, une musique faisant explicitement ou implicitement partie de la réalité du film, c’est-à-dire jouée par un orchestre, un phonographe, un orgue de Barbarie, etc. Il ne faut pas non plus oublier que pour les premiers films parlants, la prise de son était beaucoup gênée par le fait qu’on enregistrait en même temps l’image et le son (dialogues, bruits, musique).

 

Dans le meilleur des cas, cette absence de musique bénéficiait au film. Mais beaucoup plus souvent, la seule utilisation de sons réalistes laisse l’impression, de nos jours en tout cas, d’un manque dans l’œuvre cinématographique, d’autant plus grand que la réalité du film s’éloigne de la réalité du spectateur. Ainsi, celui-ci ne peut souvent pas s’identifier à l’histoire et est amené à critiquer l’atmosphère artificielle, « de studio », et le montage « incohérent » du film. Ceci s’applique plus particulièrement au cinéma mélodramatique et fantastique qui commençait à prospérer en ces temps de dépression économique.

 

À Hollywood, c’est Max Steiner qui le premier découvrit l’immense potentiel psychologique de la musique. Ou plutôt faudrait-il dire : « redécouvrit », car la musique a depuis toujours été utilisée pour surmonter la résistance psychique du spectateur à se faire sienne une réalité créée de toute pièce. L’habitude d’accompagner des dialogues par une musique caractérisait déjà le théâtre romantique et mélodramatique du XIXème siècle. En plus, la pratique de l’accompagnement musical des films muets était trop récente pour avoir tout à fait été oubliée. Dans les années 30, un grand nombre de directeurs musicaux et de compositeurs étaient des rescapés du cinéma muet.

 

La preuve par l’exemple de l’impact psychologique que peut avoir la musique dans un film, allait être faite dans SYMPHONY OF SIX MILLION (1932) de Gregory LaCava, narrant les problèmes sentimentaux d’un médecin juif de New York. Après le montage, le producteur David O. Selznick jugea que quelque chose manquait à son film et pria Steiner d’écrire de la musique – à titre expérimental – pour une scène où le père du médecin meurt après avoir subi une intervention chirurgicale. Les dirigeants de la RKO furent enchantés par la dimension nouvelle que prenait ainsi leur produit et prièrent Steiner de compléter son travail sur le film entier.

 

La partition de SYMPHONY OF SIX MILLION peut sembler assez rudimentaire et manquer de subtilité aujourd’hui, mais elle constitua un grand progrès en 1932. Si par son style et la forme de ses thèmes, elle se rattache plutôt à la musique de film muet, l’emplacement judicieux de la musique qui n’était plus utilisée continuellement, témoigna d’une nouvelle approche. La morale que tiraient les producteurs de cet exemple, est que le compositeur est une sorte de docteur qui vient voir son malade après que toutes les autres tentatives de sauvetage aient échoué ; grâce à sa mallette bourrée de mélodies, il peut accomplir tous les miracles voulus. « Vous devez absolument sauver notre film ! », était une phrase que les compositeurs pouvaient entendre de plus en plus souvent.

Le perfectionnement d’un style

Deux autres films de 1932 permettaient à Steiner de poursuivre ses recherches ; BIRD OF PARADISE, une histoire d’amour entre un marin américain et une jeune fille polynésienne, ainsi que THE MOST DANGEROUS GAME. Les deux films contiennent à peu près 100% de musique, manifestement pour surmonter le décalage entre la réalité du spectateur et la « réalité » créée par le film. En effet, parmi ceux qui achetaient un billet pour se plonger dans une salle obscure et oublier le ronron quotidien, qui pouvait prétendre avoir jamais vu de près un archipel polynésien ou été pris en chasse par un comte fou sur une île déserte, ce qui, respectivement, était le propos de ces films. Le résultat est certainement frappant si l’on compare THE MOST DANGEROUS GAME à un film comme ISLAND OF LOST SOULS, tourné la même année, qui, malgré ses qualités artistiques, semble beaucoup plus artificiel et « invraisemblable », très probablement à cause du manque d’une bande musicale. Steiner écrivit de la musique pleine d’agitation pour les scènes de chasse, présageant par endroits la musique qu’il allait écrire l’année suivante pour KING KONG.

 

KING KONG (1933) est sans doute le premier chef d’œuvre de la musique de film américaine et contribua également beaucoup à faire connaître le nom du compositeur en Europe. Steiner reçut même une offre pour enseigner sa technique de la musique de film à Moscou. Dans ce cas, aussi, les responsables du studio (la RKO) avaient d’abord cru pouvoir se passer de musique ; le président Kahane, jugeant qu’on avait déjà trop dépensé pour cette stupide histoire d’un singe géant tombant amoureux d’une jeune fille blanche, pria Steiner de ne pas encore ajouter aux frais de production et d’utiliser de la musique préexistante, tirée des archives du studio.

 

Merian C. Cooper, le producteur du film, sentait lui aussi les faiblesses de l’histoire et de l’animation image par image, mais arriva à la conclusion opposée : il demanda à Steiner de faire de son mieux et offrit même de payer tous les frais supplémentaires. Le compositeur ne se fit pas prier et engagea un orchestre de 46 personnes (l’orchestre ordinaire de la RKO n’en comprenait que 10), ajoutant ainsi 50.000 dollars au budget. Le résultat était une musique de film incroyablement moderne et osée pour l’époque ; le rythme sauvage et l’utilisation fréquente de dissonances firent plutôt penser à Stravinsky qu’à Tchaïkovski.

 

La partition de Max Steiner était basée sur l’emploi de courts ‘leitmotive’ tels que les avait utilisés Richard Wagner dans ses opéras, et dont la fonction était d’unifier le spectacle et d’établir des relations entre des personnages, des situations ou des idées, non-évidentes autrement. Une caractéristique essentielle de ces motifs est leur brièveté, ce qui les oppose aux thèmes plus longs et généralement moins flexibles. Les ‘leitmotive’ de KING KONG répondent bien à cette définition; ainsi le motif de Kong, trois notes chromatiques descendantes, qui s’adapte à toutes les situations et peut être accéléré, ralenti, inversé ou combiné à d’autres motifs.

 

On a souvent reproché à Steiner l’emploi excessif de ces ‘leitmotive’ qui ne feraient que refléter le contenu superficiel des images. Or, dès KING KONG, le compositeur utilisait ces motifs pour signaler ce qui n’était pas immédiatement contenu dans le perçu visuel. En utilisant un thème déjà clairement associé à un personnage ou une situation, pour une scène au contenu apparemment très différent ou difficilement déchiffrable, le compositeur peut en dégager le sens profond ou même suggérer une idée nouvelle.

 

En 1935 sortit THE INFORMER, un film qui consacra définitivement la gloire de Max Steiner aux Etats-Unis et ailleurs. Pourtant, sa partition provoqua aussi de violentes polémiques, plus particulièrement de la part du compositeur français Maurice Jaubert qui condamna sévèrement la technique du synchronisme musical, poussée à son extrême dans THE INFORMER. Ce soulignement des incidences matérielles (qualifié de ‘mickey-mousing’ en raison de son utilisation dans les dessins-animés) était une des critiques les plus fréquentes à l’adresse de Max Steiner. Alors que Stokowski trouvait géniale l’idée du compositeur de traduire en musique le boitement de Leslie Howard dans OF HUMAN BONDAGE (1934), Aaron Copland qualifiait l’effet de « trop évident » et « vulgaire ».

 

Quoi qu’on puisse en penser, l’approche musicale de THE INFORMER était le résultat d’une stylisation voulue, par le réalisateur et le musicien, des sons naturels, peu utilisés dans le film. A l’époque, le résultat paraissait convaincant à beaucoup de gens, comme en témoignent les nombreuses récompenses que reçut Steiner : Oscar, médaille du Roi des Belges, médaille d’Officier de l’Académie française, prix au Festival de Venise, etc. Max Steiner était devenu le compositeur le plus en vue d’Hollywood. « Demandez à Steiner! », « Nous devons absolument avoir Steiner! » étaient des exclamations qu’on pouvait entendre de plus en plus souvent dans les bureaux de direction des grands studios. Deux années plus tard, Frank Capra, mettant en scène LOST HORIZON à la Columbia, allait décider d’engager Steiner pour superviser et diriger la musique composée par le « novice » Dimitri Tiomkin.

La période classique


​En 1936, Steiner quitta la RKO pour rejoindre David O. Selznick qui venait de former une compagnie de production indépendante afin de réaliser des œuvres « de qualité », à la différence de la production en série des grands studios. Selznick était un grand admirateur du compositeur, bien que son goût musical fût quelque peu simpliste, et que les deux hommes eussent souvent des divergences d’opinions. Steiner n’allait rester qu’une année avec Selznick et y composer la musique de LITTLE LORD FAUNTLEROY (1936), THE GARDEN OF ALLAH (1936) et A STAR IS BORN (1937). Entre-temps, il fut « loué » (telle était la situation juridique des artistes sous contrat avec un studio) à la Warner Bros., pour CHARGE OF THE LIGHT BRIGADE (1936) et deux autres films.

 

En 1937, Steiner signa un contrat à long terme avec ce studio, contrat qui allait s’avérer d’une importance capitale pour les deux parties. Le chef du département musical de la Warner, Leo F. Forbstein, musicien médiocre mais technocrate averti, s’était mis en tête de doter son studio du meilleur département musical d’Hollywood. Pour cela, il avait déjà réussi à faire signer un contrat à Erich Wolfgang Korngold, un compatriote de Steiner et un des musiciens les plus célèbres de l’entre-deux-guerres. Etant le premier compositeur de renommée internationale à venir à Hollywood, Korngold avait réussi à obtenir des conditions absolument exceptionnelles ; ainsi, il avait le droit de choisir les films qui l’intéressaient et les droits d’auteur restaient en sa possession au lieu de devenir la propriété du studio, ce qui était un cas absolument unique.

 

Autour des deux compositeurs-vedettes Korngold et Steiner, était groupée une équipe de compositeurs secondaires (qui avaient parfois une spécialité, comme par exemple les dessins-animés), d’orchestrateurs (comme Hugo Friedhofer), de ‘song-writers’ (comme Harry Warren), de paroliers, d’arrangeurs et de superviseurs divers. La division du travail était de règle dans les grands studios et les départements musicaux n’y faisaient pas exception. « Nous étions tous des roues dans un engrenage bien huilé », se rappellera plus tard Hugo Friedhofer.

 

Grâce à des moyens comme le ‘cue-sheet’ (découpage d’une séquence en secondes et fractions de secondes) et le ‘click track’ (une sorte de métronome synchronisé avec le film), la technique de la musique de film avait en sorte atteint sa perfection. L’âge de l’improvisation était définitivement révolu. Steiner avait joué un rôle décisif dans l’élaboration de ces techniques dont le but était de permettre un synchronisme absolu.

 

Le style de la musique était généralement celui du romantisme et du post-romantisme allemand ; Wagner, Mahler, Richard Strauss étaient les grandes idoles, mais également Tchaïkovski, Verdi, Puccini et Rachmaninov. Ce qui s’explique à la fois par l’éducation des musiciens, venant la plupart d’Europe centrale comme Steiner, par le goût du public, des producteurs (décisif!) et la tradition du cinéma muet.

 

Romantique par son essence, la musique de film était dramatique et expressive ; elle reflétait le perçu visuel dans son espace et dans sa durée. Exprimant des sentiments comme l’amour, la haine, la tristesse, la déception, elle avait besoin d’une certaine durée pour pouvoir livrer son message. Structurée par des ‘leitmotive’ aisément repérables, la musique aidait le spectateur à entrer de plain-pied dans l’univers du réalisateur. Si elle paraît excessive par instants, c’est que sa fonction n’était pas de rattacher les personnages de l’écran à la réalité mais au mythe. Cette sentimentalité qui fait sourire le spectateur blasé d’aujourd’hui, est une caractéristique du cinéma mélodramatique de l’époque et n’y était pas considérée comme redondance musicale.

 

C’est sous cet aspect qu’il faut voir la contribution de Steiner pour des films comme JEZEBEL (1937), FOUR DAUGHTERS (1938), DARK VICTORY (1939), FOUR WIVES (1940), ALL THIS, AND HEAVEN TOO (1940), THE LETTER (1940), NOW VOYAGER (1942), SINCE YOU WENT AWAY (1944), mais aussi pour des westerns épiques comme THE OKLAHOMA KID (1939), DODGE CITY (1939), VIRGINIA CITY (1940), SERGEANT YORK (1941) ou THEY DIED WITH THEIR BOOTS ON (1942). L’osmose entre les images et la musique y est totale. L’influence de Korngold est sensible dans ces partitions, aussi bien dans l’harmonisation plus riche et plus complexe, qui allait devenir quelque peu l’image de marque du studio, que dans une subtilité plus grande dans l’emploi du ‘dialogue underscoring’, de la musique accompagnant les dialogues.

 

Steiner et Korngold avaient une nette préférence pour l’orchestre symphonique traditionnel, en l’occurrence composé d’une cinquantaine de musiciens sous contrat, comme dans la plupart des grands studios. Les génériques donnaient toujours lieu à une sorte d’ouverture exposant les principaux thèmes de la partition et faisant appel à l’orchestre complet. Les scènes dialoguées étaient accompagnées la plupart du temps par les violons ou l’ensemble des cordes, pour des raisons psychologiques, mais également parce que leur timbre est relativement neutre par rapport à la voix humaine.

Interlude patriotique

Après l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, Hollywood décida de se mettre au service de la nation, en utilisant l’immense potentiel psychologique du cinéma pour soutenir le moral des Américains. Des films de propagande plus ou moins ouverte sortaient en chaîne des grands studios. La Warner montrant une dextérité particulière dans ce domaine, il était normal que la musique de plusieurs de ces films allait être signée par Max Steiner.

 

CONFESSIONS OF A NAZI SPY (1939) fit figure de pionnier dans ce domaine; il fut suivi par des films comme DIVE BOMBER (1941), CAPTAIN OF THE CLOUDS (1942), DESPERATE JOURNEY (1942), WATCH ON THE RHINE (1943), MISSION TO MOSCOW (1943), CASABLANCA (1943), PASSAGE TO MARSEILLES (1944) et SINCE YOU WENT AWAY (Selznick 1944), pour n’en citer que quelques-uns. Tous ces films se caractérisent par un emploi poussé d’airs populaires et d’hymnes nationaux divers destinés à montrer la résistance héroïque des nations alliées. Steiner, qui refusait toujours d’adapter de la musique classique dans ses partitions cinématographiques, était un grand partisan de ce genre de citation musicale. Il est incontestable que le recours à un patrimoine musical populaire a beaucoup bénéficié à ces films, en leur faisant dépasser le cadre de déboires personnelles des protagonistes qui deviennent des figures exemplaires.

 

La citation musicale d’airs hautement connotés est d’ailleurs une technique utilisée dans presque toutes les partitions de Max Steiner et des autres compositeurs hollywoodiens de l’époque. A part la marche nuptiale de « Lohengrin » qui accompagnait inévitablement toutes les cérémonies de mariage, on peut citer parmi beaucoup d’autres airs, « Auld Lang Syne » qui annonce la nouvelle année, et « Gaudeamus Igitur », qu’on entend dès que le fils de la famille part pour l’université. Sans oublier bien-sûr le western, terre d’élection des chants folkloriques et patriotiques.

 

Mais il arrivait également à Steiner de baser des partitions entières sur des airs connus. Ainsi dans ARSENIC AND OLD LACE où le compositeur fait un emploi très ironique de « There is a happy land, far, far away » et de « Rock of Ages », pour se moquer du zèle quasi-religieux des deux vieilles dames à expédier les gens vers l’au-delà. Dans un genre tout à fait différent, on peut citer BEYOND THE FOREST (1949) où Steiner utilise les trois premières notes de la chanson « Chicago » pour montrer l’attirance qu’exerce cette ville sur Rosa Moline (Bette Davis), l’épouse mécontente d’un médecin de campagne.

 

Mais, pour revenir au film de guerre, ce genre peut encore poser d’autres problèmes au compositeur, exprimés assez laconiquement par Max Steiner : « Vous vous tuez à écrire une musique, et tout ce qu’on entend après, c’est boum-boum-boum-boum ! » Le fait est que même la Warner, le studio réputé le plus mettre en évidence la musique dans la bande sonore de ses films, avait tendance à privilégier les sons réalistes dans les scènes d’action. Ce qui résultait en une variation permanente, non-prévue par le compositeur, du niveau de la musique au mixage; une décision parfois prise aux dépens du film. Il est vrai que cette situation témoigne également du manque de coordination entre les différents départements d’un studio, largement autonomes.

 

Pour les films de guerre réalisés après 1945, comme FIGHTER SQUADRON (1948), OPERATION PACIFIC (1951). THE CAINE MUTINY (1954), BATTLE CRY (1955) et DARBY’S RANGERS (1958), les mêmes remarques restent valables, l’utilisation d’airs préexistants diminuant toutefois nettement. En plein accord avec les films, la démarche musicale de Steiner était de glorifier les exploits humains dans la guerre : sa musique était toujours plus héroïque que dissonante. Toutes les partitions mentionnées ci-dessus reposent essentiellement sur une marche dans le style de Sousa, qui donne lieu à des variations symphoniques tout au long du film. A noter également la quantité relativement importante de musique réaliste, assumant parfois les fonctions de la musique dramatique; si ce n’est à cause de l’habitude du G.I. hollywoodien de faire ses adieux à sa fiancée dans un bar ou lors d’un bal.

Un nouveau climat musical

 

Dans l’histoire d’Hollywood, les années 40 marquent une phase de transition importante, transition vers ce qu’on pourrait appeler la période post-classique. Les mythes, qu’on avait crus éternels, et qui constituaient le fond commun du cinéma hollywoodien, commençaient à chanceler. Une autre réalité apparut derrière les décors somptueux en carton-pâte; l’Amérique, jadis terre de pionniers, se découvrit le visage d’un univers urbain, ambigu et parfois inhumain. Le happy-end d’antan fut remplacé par un excès de pessimisme et de morbidité. La frontière entre le bien et le mal devenait moins claire, le film noir fit son apparition. Bien que Hollywood commençât déjà à s’ébranler, la structure interne des grands studios n’allait pas changer jusque dans les années 5o. Ainsi s’explique le choix de compositeurs œuvrant dans la tradition du symphonisme romantique, pour le genre éminemment américain qu’est le ‘thriller’.

 

En 1946, Max Steiner composa la musique de THE BIG SLEEP, un des films les plus importants de ce courant cinématographique. Confronté à un problème stylistique assez difficile, Steiner opta pour une surenchère orchestrale provoquant un curieux décalage entre les images et la musique. La partition, qui « se présente sous la forme d’une longue montée sourde, dramatique, véritable toile de fond d’un drame métaphysique » (Alain Lacombe), annonce une évolution dans le style de Steiner: sa musique allait se teinter d’un certain pessimisme en accord avec les films. Lourde et écrasante, elle ressemble à un immense linceul, constatant d’avance l’échec des personnages. Les thèmes d’amour (celui de THE BIG SLEEP est significatif à cet égard) devenaient plus sophistiqués et révélaient un certain désabusement. Sentant que les anciennes formules ne suffisaient plus pour s’adapter aux nouveaux films, Steiner employa de plus en plus souvent des dissonances dans son discours musical et utilisa le jazz à des fins dramatiques (CAGED, 1950).

 

Parallèlement à l’apparition du ‘thriller’, les anciens genres avaient commencé à évoluer et à recourir à des éléments extérieurs aux mythes originaux : le western, le mélodrame et le film d’aventures peuvent ici servir d’exemple. PURSUED (1947) s’inspirait plus de la tragédie antique et de la psychanalyse freudienne que des mythes nourriciers du western. Steiner semble tout à fait avoir saisi la différence entre cette œuvre curieusement bâtarde et les westerns épiques dont il avait l’habitude. Ecoutée séparément, la musique ne trahit jamais ses origines et reste une des œuvres les plus inhabituelles du compositeur.

 

Le pessimisme caractérisait également les mélodrames sociaux de l’époque, comme MILDRED PIERCE (1945) et surtout BEYOND THE FOREST (1949). Dans la séquence finale de ce film, où une Bette Davis agonisante essaie de se traîner vers le train pour Chicago, Steiner utilise une variation en mineur sur la célèbre chanson, qui n’a plus rien à avoir avec le long crescendo romantique accompagnant les adieux de Jennifer Jones à Robert Walker dans SINCE YOU WENT AWAY (1944).

 

La même tendance vers une surenchère musicale marquait quelque peu THE TREASURE OF THE SIERRA MADRE (1948), plus une parabole métaphysique sur la condition humaine qu’un film d’aventures. Plus particulièrement la longue montée arythmique de plus en plus stridente qui accompagne l’attaque des bandits mexicains, a donné lieu à quelques critiques voyant là une exagération absolument gratuite. D’autre part, certaines séquences, comme celles mettant en scène la paranoïa de Dobbs (Humphrey Bogart), permirent à Steiner de composer des passages parmi ses plus modernes.

 

La musique de film étant un art fonctionnel, toute analyse est nécessairement relative, et ses résultats ne pourraient avoir qu’une validité limitée. Pendant la période décrite ci-dessus, Steiner continua à composer pour des films plus classiques, parmi lesquels il faut surtout relever les partitions de JOHNNY BELINDA (1948), ADVENTURES OF DON JUAN (1949) et THE FOUNTAINHEAD (1949).

Les années 50 et 60

 

On sait que la qualité du cinéma hollywoodien baissa nettement au début des années 50. L’inspiration du compositeur dépendant largement du film pour lequel il doit écrire sa musique, il n’est pas étonnant que les partitions de Max Steiner sortissent beaucoup plus rarement de l’ordinaire pendant cette époque. La plupart du temps, elles révélaient la grande expérience du compositeur, mais dans certains cas une divergence entre le style du film et celui de la musique apparut déjà plus nettement, Steiner semblait être le plus à l’aise dans des films traditionnels. Des westerns épiques d’abord : ROCKY MOUNTAIN (1950), DISTANT DRUMS (1951), THE LION AND THE HORSE (1952), THE LAST COMMAND (1955), THE SEARCHERS (1956), THE HANGING TREE (1958) et A DISTANT TRUMPET (1964), un de ses derniers films. A noter également ses partitions pour des films de cape et d’épée comme THE FLAME AND THE ARROW (1950), pseudo-historiques comme HELEN OF TROY (1956) ou religieux comme THE MIRACLE OF OUR LADY OF FATIMA (1952). De plus en plus souvent, il fut amené à travailler pour d’autres studios, comme la Columbia, la Republic et la RKO, ou pour des producteurs indépendants.

 

Conformément aux tendances de l’époque, Steiner employait moins de musique dans la plupart de ses films, tout en utilisant plus parcimonieusement la technique du ‘mickey-mousing’ (une évolution déjà évidente dans les années 40). Mis à part l’admirable THE SEARCHERS (1956), deux autres travaux importants jalonnent la fin de cette décennie: BAND OF ANGELS (1957) et JOHN PAUL JONES (l959). Pour le compositeur, BAND OF ANGELS constituait quelque peu un retour en arrière, à l’époque de GONE WITH THE WIND dont l’histoire du film de Walsh s’inspirait nettement. La musique de Steiner est importante, et sur le plan de la quantité et sur celui de la qualité. Elle montre en outre une prédilection de plus en plus grande pour des thèmes en forme de valse au caractère plus nostalgique que flamboyant. Comme quoi Steiner ne semblait nullement avoir oublié ses origines.

 

L’année 1959 annonçait une dernière évolution dans l’œuvre du compositeur. A cette époque, le démantèlement des grands studios provoqué par la crise du cinéma, allait entraîner une dissolution des départements musicaux et un renvoi des compositeurs de la vieille école. Car Hollywood, en quête de nouveaux spectateurs après avoir dû abandonner son public familial à la télévision, avait décidé de se mettre à l’heure de la jeunesse. Et on comptait bien donner aux jeunes ce qu’ils demandaient, y compris sur le plan musical.

 

Steiner, à l’âge de 71 ans, allait prouver qu’il était parfaitement capable de s’adapter à cette mode, tout en gardant à la musique ses possibilités dramatiques. Son thème de A SUMMER PLACE devint un des plus grands succès de la saison. Le compositeur y donnerait suite avec PARRISH (1961) et ROME ADVENTURE (1964), dont les thèmes parvinrent également à devenir très populaires, sans néanmoins pouvoir renouveler le succès phénoménal de A SUMMER PLACE. En 1965, après un film particulièrement médiocre, TWO ON A GUILLOTINE, Max Steiner s’arrêta de travailler pour le cinéma. Il prit sa retraite à contrecœur et pour la seule raison qu’on ne lui proposait plus de films. Sans succès, il allait essayer à plusieurs reprises d’obtenir de nouveaux engagements. Mais les temps avaient bien changé et à Hollywood on oublie vite.

 

Lorsque le 28 décembre 1971, Max Steiner ferma les yeux pour toujours, il était déjà une légende. Il ne s’était probablement pas douté que plusieurs années plus tard, sa musique serait réenregistrée et ses anciens disques réédités. L’opinion personnelle du compositeur était beaucoup plus humble : « J’ai toujours essayé de me subordonner au film… Certains films ont besoin de beaucoup de musique, d’autres sont si réalistes que la musique ne ferait que déranger. La plupart de mes films étaient des divertissements : drames sentimentaux, aventures fabuleuses et fantaisies. Si ces films étaient tournés aujourd’hui, ils seraient faits différemment, et j’en écrirais la musique d’une manière différente. Mais mon attitude serait la même – donner au film ce dont il a besoin… Je crois que la musique devrait plutôt être sentie qu’entendue. D’autre part, on m’a souvent dit qu’une bonne musique de film est celle qu’on ne remarque pas, à quoi j’ai toujours répliqué : 'Mais à quoi sert-elle si on ne la remarque pas ?’ »

by Pascal Dupont 10 May, 2024
Charles Allan Gerhardt English version adapted by Doug Raynes - FRENCH VERSION AND COLLECTION had a reputation as a great conductor, record producer and musical arranger. His major work at RCA on the Classic Film Scores series earned him recognition from film music devotees of Hollywood’s Golden Age, as well as other renowned conductors of his day. Born on February 6, 1927 in Detroit, Michigan, Charles Gerhardt developed a passion for music and percussion instruments from an early age. At the age of five, he took piano lessons, and by the age of nine, had established a solid reputation as an orchestrator and composer. He spent his early school years in Little Rock, Arkansas, then after 10 years, having completed his schooling, moved with his family to Illinois for his military duties, he served in the U.S. Navy during World War II as a chaplain's aide in the Aleutian Islands, then became an active member of the Veterans of Foreign Wars. He went on to study at the University of Illinois, at the College of William and Mary, and later at the University of Southern California. Throughout his time at school Gerhardt was attracted not only to music, but also to the sciences. Passionate about the art of recording, he joined Westminster Records for five years, until the company ceased operations, and then joined Bell Sound. One day, he received a phone call from George Marek to meet with the heads of Reader's Digest, to discuss producing recordings for their mail-order record business; a contact that was to secure his musical future and a rich career spanning more than 30 years. Gerhardt's first job for Reader's Digest was to produce a record; “A Festival of Light Classical Music”; a 12 LP box set that he produced in full. One of Gerhardt's finest projects was the production of another 12 LP box set, “Les Trésores de la Grande Musique (Treasury of Great Music)”, featuring the Royal Philharmonic Orchestra conducted by some of the leading figures of the day: Charles Munch to Bizet and Tchaikovsky, Rudolf Kempe to Strauss and Respighi, Josef Krips to Mozart and Haydn, Antal Dorati to Strauss and Berlioz, Brahms 4th Symphony by Fritz Reiner and Sibelius’ 2nd Symphony by Sir John Barbirolli. In the 1950s he conducted works by Vladimir Horowitz, Wanda Landowska, Kirsten Flagstad and William Kapeli. In the early 1960s, Gerhardt lived in England, where he made most of his recordings, but kept a foothold in the United States, mainly in New York. Often, when he went to the United States after a period of recording sessions, he would stop off in Baltimore and spend some time listening to cassettes of his new recordings. Gerhardt loved percussion instruments, especially tam-tams. One of his favorite recordings was the Columbia mono disc of Scriabin's Poem of Ecstasy, with Dimitri Mitropoulos and the New York Philharmonic. He had great admiration and respect for the many conductors he worked with, starting with Arturo Toscanini, with whom he worked for several years before the Maestro's death. It was Toscanini who suggested that Gerhardt become a conductor, which he did! His career as an orchestra director began when he had to replace a conductor who failed to show up for rehearsals. It was a position he would later occupy for various recording sessions and occasional concerts. His classical recordings include works by Richard Strauss, Tchaikovsky, Wagner, Ravel, Debussy, Walton and Howard Hanson. Hired by RCA Records, he transferred 78 rpm recordings of Enrico Caruso and other artists to 33 rpm. He took part in recordings by soprano singer Kirsten Flagstad and pianist Vladimir Horowitz. He worked with renowned conductors such as Fritz Reiner, Leopold Stokowski and Charles Munch, from whom he learned the tricks of the trade. Still at RCA, he assisted Arturo Toscanini, with whom he perfected his conducting skills. Then, in 1960, he produced recordings for RCA and Reader’s Digest in London, and joined forces with sound engineer Kenneth Wilkinson of Decca Records (RCA's European subsidiary), The two men got on very well and shared a passion for recording and sound quality, making an incredible number of recordings over a 30-year period. Also in 1960, RCA and Reader's Digest entrusted him with the production of a 12-disc LP box set entitled “ Lumière du Classique (A Festival of Light Classical Music) ”, sold exclusively by mail order. With a budget of $250,000, Gerhardt assumed total control of the project: repertoire, choice of orchestras and production. He recorded in London, Vienna and Paris, and hired such top names as Sir Adrian Boult, Massimo Freccia, Sir Alexander Gibson and René Leibowitz. The success of this project, in terms of both musical quality and sound, earned him recognition from his employers. Other projects of similar scope followed… A boxed set of Beethoven's symphonic works with René Leibowitz and The Royal Philharmonic Orchestra. A boxed set of Rachmaninoff's works for piano and orchestra with Earl Wild, Jascha Horenstein and the Royal Philharmonic Orchestra, the above mentioned 12 LP disc set “Trésor de la Grande Musique (Treasury of Great Music)” with the Royal Philharmonic conducted by some of the greatest directors of the time: Fritz Reiner, Charles Munch, Rudolf Kempe, Sir John Barbirolli, Sir Malcolm Sargent, Antal Dorati and Jascha Horenstein, with whom Gerhardt had sympathized. In January 1964 in London, Gerhardt joined forces with Sidney Sax, instrumentalist and conductor, to form a freelance orchestra. This successful group went on to join the National Philharmonic Orchestra of London, an impressive line-up that would later become Jerry Goldsmith's orchestra of choice. With Peter Munves, head of RCA's classical division, he conceived the idea of recording an album devoted exclusively to the film music of Erich Wolfgang Korngold, one of his favorite composers. Enthusiastic about the project, Munves gave Gerhardt carte blanche, and was offered a helping hand by George Korngold, producer and son of the famous Viennese composer, who owned all the copies of his father's scores. The Adventure Began : The Sea Hawk: Classic Film Scores of Erich Wolfgang Korngold. For this first disc, Gerhardt selected 10 scores by Korngold, which he recorded in the Kingsway Hall Studio in London, renowned for its excellent acoustics. The disc thus benefits from optimal recording conditions, favoring at the same time the performances of the National Philharmonic (and its leader, Sidney Sax), a formidable orchestra made up of London's finest musicians and freelance soloists. Each album was recorded in the same studio, with Kenneth Wilkinson as sound engineer and George Korngold as consultant/producer. As soon as it was released, the album's success received strong acclaim in classical music circles and received a feature in Billboard No. 37, a first in this category in December 1972. It took no less than a year to sell the first 10,000 copies in all the specialist record suppliers and the album went on to sell over 38,000 copies, making it the fifth best-selling album in the “classical” category in 1973. On the strength of this success, Peter Munves and RCA entrusted Charles Gerhardt with the production of further discs devoted to other world-renowned composers of Hollywood music. The program includes several albums dedicated to Max Steiner and Erich Wolfgang Korngold plus one each to Miklos Rozsa, Franz Waxman, Dimitri Tiomkin and Bernard Herrmann, followed by 3 volumes associated with specific film stars such as Bette Davis, Errol Flynn and Humphrey Bogart. Then, a disc devoted to Alfred Newman, a composer who was a pillar of the famous Hollywood sound, who Gerhardt admired and had met: “Newman was a charming man, full of good humor. He was friendly, fun and always had a joke. With his eternal black cigar in hand, he was a composer by trade, down-to-earth, discussed little about himself but was a first-rate advisor in my life. “ Gerhardt would consult certain composers in advance about how to recreate suites from their works, or when this wasn't possible, he would rearrange the suites himself and submit them to the composers for approval. "Some critics complained that my suites were too short, but my aim in the case of each album was to present a well-split 'portrait' of the composer, highlighting his many creative facets". Although Korngold, Newman and Steiner were no longer around to lend their support, Gerhardt was lucky enough to still work with Herrmann, Rózsa and Tiomkin as consultants who turned up at the recording studio to lend a hand. Gerhardt also had the idea of creating albums focusing on a single film star. Three specific volumes were devoted to music from the films of Humphrey Bogart, Errol Flynn and Bette Davis. Although these albums suffer from too great a diversity of genres, they still offer the chance to hear and discover rare and previously unpublished compositions. The best conceived album was arguably the one devoted to Bette Davis. Conscious of the important role played by music in her films, the legendary actress took part in the conception of the album, knowing that it favored scores by Max Steiner designed for Warner Bros. The Collection Begins ! Gerhardt's passion for certain composers knows no bounds, but he soon envisages a disc devoted to Miklos Rozsa, including suites for “Spellbound” and “The Red House”, one of his favorite scores, which he will exhume to create one of the longest suites in the series. At the same time, he received various fan wish lists and films to watch, such as “The Four Feathers”, which he had never seen and which gave him the opportunity to discover a splendid score by Miklos Rozsa that he had never heard before. He was disappointed, however, not to be able to conceive a longer “Spellbound” sequel for rights reasons. Despite RCA's full approval, Gerhardt realized that it was not easy to record film music in its original form, as few were ever edited, played and made available for rental. For The Sea Hawks album, things were simpler, as Georges Korngold had copies of his father's scores, and Warner Bros had also archived material in good condition. From the outset, Gerhardt encountered other major problems in the search for and discovery of scores hidden away in other studios, often with the unpleasant surprise of discovering missing or incomplete conductors, or others heavily modified by orchestrators during recording sessions, or the surprise of discovering, in certain cases, instrumentation information noted in shorthand on the edges of the conductor score. For the disc dedicated to Max Steiner, for example, the conductor score for “King Kong” had disappeared from the RKO archives, having been shipped in 1950 to poorly maintained warehouses in Los Angeles where it had become totally degraded and illegible. With the help of Georges Korngold, Gerhardt was able to reconstruct a substantial suite from the piano models left by Steiner at the time. This experience was repeated when the conductor score for Dimitri Tiomkin's “The Thing” was discovered in the same warehouse, in an advanced state of disintegration. Fortunately for Gerhardt, Tiomkin, who was still alive, had been able to provide precise piano maquettes with orchestration information in shorthand, revealing a complex and highly innovative style of writing. Tiomkin always composed at the piano, inscribing very specific information and signs on the edges of the scores in pencil, an ingenious system of his own invention that was difficult to decipher. “Revisiting the score of ‘The Thing from Another World’ was a complex task, involving experimental passages and an unorthodox orchestra. You can understand that I had a huge job on my hands. When I approached the recording sessions, it was not without some trepidation. However, the composer present made no criticism or comment on my work, and was delighted. He was delighted.” For “Gone With The Wind”, Steiner was against the idea of remaking a complete soundtrack, as he felt that too many passages were repeated. It was an opportunity for him to revisit his own score, integrating his favorite melodies. This synthesis gave him the opportunity to revitalize his music by eliminating the least interesting parts of the score. Conceived as long suites or isolated themes, the discs reflect the essence of the composers' work. The “Classic Film Scores” series by Franz Waxman, Bernard Herrmann and Miklos Rozsa etc will become a big hit with collectors. For Gerhardt, this will be an opportunity to unearth forgotten or rare scores such as Herrmann's “The White Witch” and “On a Dangerous Ground”, Hugo Friedhofer's “The Sun Also Rises” and early recordings for Waxman's “Prince Valliant” and Rozsa's “The Red House”, all with new, impeccable acoustics. For “Elisabeth and Essex”, Erich Korngold had already prepared a suite in the form of an Overture, which was given its world premiere in a theater. The suite for “The Adventures of Robin Hood” also pre-existed. Franz Waxman created his own suite for “A Place in the Sun”, which was also performed in concert. Dimitri Tiomkin, Miklos Rozsa and Bernard Herrmann acted as consultants and contributed arrangements to their scores. For the continuation of “White Witch Doctor”, Bernard Herrman added percussion to link the different musical tableaux. He did the same for the different parts of “Citizen Kane”. Miklos Rozsa saw an opportunity to add a male choir to the suite from “The Jungle Book”, based on an idea by Charles Gerhardt. For the record dedicated to Errol Flynn, Gerhardt re-orchestrated the theme “The Lights of Paris” from Hugo Friedhofer's “The Sun also Rises”, as the original was no longer available. “I wanted to go back to that time and systematically explore the very substance of the great film scores of the late 30s and 40s, sending them back directly to their images as dramatic entities. The desire to rediscover tunes we know and to take into account the contexts in which they were originally used. I decided to recreate these scores with their original orchestrations, and this could only be done by returning to the ultimate sources, as the composers had originally conceived them.” Keen to open up the collection to other genres, such as science fiction, Gerhardt dedicated two further albums to the series in 1992. The first featured contemporary sequels to “Star Wars” and “Close Encounters of the Third Kind”, promoting the work of John Williams, a leading composer of new film music. Then another called “The Spectacular World of Classic Film Scores”, presenting a disappointing compilation of scores that had already been recorded, except for the creation of a sequel to Dimitri Tiomkin's “The Thing From Another World” and Daniele Amfitheatrof's rarely heard theme “Dance of the Seven Voiles” from Salome. In 1978, the collection was published in Spain by RCA Cinema Treasures. In the USA and Europe, the Classic Film Scores LP series was reissued in the early 80s with a black art deco cover and colored star index. All Volumes in the First Series Were Reissued : By the end of the '80s, the series was running out of steam, and Charles Gerhardt planned to relaunch his collection with albums dedicated to famous American actresses, a new volume for Max Steiner and the Western, a volume reconstructing the score of Waxman's “The Bride of Frankenstein”, followed by volumes devoted to Alex North, Hugo Friedhofer, Victor Young and Elmer Bernstein... But RCA would not support Gerhardt in these projects, preferring to release the collection on CD for the first time. In early 1990, RCA asked Gerhardt to supervise and co-produce the collection, which he saw as an opportunity to revisit some of the volumes, inserting tracks that had not appeared on the LPs or extending certain suites. The volume devoted to Franz Waxman, “Sunset Boulevard”, was the first to be released. The CD did not benefit from any particular promotion, but sold very well, as did the other CDs that followed... A collection marked by a new design in silver pantone. The CDs series was reissued in 2010, still under the RCA Red Seal label, but distributed by Sony Music Entertainment. RCA Victor's Classic Films Scores series represents a unique collection in the history of film music recordings. 14 recordings of rare quality, produced by Georges Korngold and Charles Gerhardt to become one of the revelations of the reissue phenomenon. Other Concepts... Later, Gerhardt spent most of his time in London, continuing to make recordings. After retiring from RCA in 1986, he returned to independent work for Readers Digest and other record labels, a position he held in production and musical supervision until 1997. Since 1991 he had lived in Redding, California. In later years, he did not appear professionally, refusing all public invitations because of his desire to remain discreet. In his entourage he was close to three cousins, Lenore L Engel and Elizabeth Anne Schuetze, both living in San Antonio, and cousin Steven W Gerhardt of St. Pete Beach, Florida. In late November 1998 Charles Gerhardt was diagnosed with brain cancer and died of complications following surgery on February 22, 1999. He was 72 years old. Thus ends this tribute to Charles Gerhardt and the most famous collection of film music records: The Classic Film Scores series.
by Doug Raynes 24 Jan, 2024
Following on from Tadlow’s epic recording of El Cid, the same team – Nic Raine conducting and James Fitzpatrick producing – have turned their attention to a completely different type of epic film for the definitive recording of Ernest Gold’s Academy Award winning score for Otto Preminger’s Exodus (1960). The score is something of a revelation because aside from the main theme, the music has received little attention through recordings. Additionally the sound quality of the original soundtrack LP was disappointing and much music was deleted or cut from the film.
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