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UFO SCORE - BERNARD HERRMANN

Oxana Dupont

Introduction

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Selon  Michel Chion, le cinéma est un « lieu où les musiques se transforment  par leur mélange avec des situations, des images, des dialogues et  d’autres sons ». Ainsi, on peut dire que la musique joue un rôle  primordial dans le film puisque c’est sur elle que repose une grande  partie de l’ambiance sonore. Mais la musique peut également servir le  récit et guider le spectateur au travers de celui-ci. Certains  compositeurs la considèrent même comme un personnage à part entière qui  erre à la surface de l’image et participe à la bonne compréhension du  film. Dans le cinéma de science-fiction, la musique comme l’image est un  espace d’expérimentation. C’est notamment le cas du film "Le Jour où la Terre s’arrêta" de  Robert Wise où la musique est aussi moderne et futuriste que ce  dernier.

Nous verrons au travers de cette analyse comment le score de  Bernard Herrmann témoigne de la puissance des extraterrestres dans le film de Robert Wise. Dans une première partie, nous verrons les  particularités du score de Bernard Herrmann, puis dans une deuxième  partie, nous analyserons une séquence afin de mieux comprendre l’enjeu  de la musique dans le film.

Les particularités du score de Bernard Herrmann

Bernard  Herrmann est aujourd’hui considéré comme l’un des compositeurs les plus  influent de son époque, voire même du cinéma tout entier. Si on le  connait surtout au travers de son duo avec le célèbre réalisateur Alfred  Hitchcock, notamment dans des films tels que "Sueurs froides" (1958) ou encore "Psychose"  (1960),  on oublie bien souvent sa participation à des oeuvres ayant marqué  l’histoire du septième art. L’une d’elles fait partie des plus grands  chefs-d’oeuvre du cinéma de science-fiction, il s’agit du filmLe Jour où la Terre s’arrêta de Robert Wise (1951). Tiré d’une nouvelle de Harry Bates nommée "Farewell to the Master",  celui-ci évoque l’arrivée sur Terre de Klatuu, un extraterrestre à  l’apparence humaine, et du robot Gort. Contrairement aux autres films de  science-fiction, "Le Jour où la Terre s’arrêta" n’ est  pas spectaculaire.

Ce dernier est davantage réaliste car le réalisateur voulait qu’il soit le plus crédible possible. Ainsi, le film acquiert  un aspect quasi documentaire, renforcé par l’utilisation du noir et  blanc et des décors naturels. C’est l’un des premiers films à mettre en  scène le motif de l’invasion extraterrestre dans le quotidien des  terriens. Par ailleurs, le film cristallise la peur de la différence qui  pousse les Hommes à faire des actes contraires à leurs propres valeurs. 

En effet, l’autre est souvent associé à la menace qu’il faut à tout prix exterminer. Dans le film, Klatuu est pourchassé par les autorités  et les médias véhiculent l’information que celui-ci est un véritable  danger pour l’humanité. Pourtant, contrairement aux extraterrestres du  livre "La Guerre des mondes" d’Herbert Georges Wells, qui sera par ailleurs adapté au cinéma deux ans plus tard, ceux du filmLe Jour où la Terre s’arrêta ne  sont pas hostiles et apportent un message pacifique. En effet, le film a  été réalisé durant une période de tension nucléaire, et Klatuu vient en  réalité mettre en garde les terriens contre l’arme atomique. Par  ailleurs, c’est la musique qui représente l’élément le plus important du  film.


 Ayant déjà travaillé avec Bernard Herrmann sur les films "Citizen Kane" (1941) et "La Splendeur des Amberson" (1942),  Robert Wise décide de confier la musique de son film à ce dernier et  lui laisse carte blanche. À l’époque, la production musicale hollywoodienne est classique et homogène.

Bernard Herrmann est comme ses congénères issu d’un répertoire romantique, mais il s’intéresse tout de  même à l’expérimentation et notamment aux sonorités électroniques qui  sont alors fortement marginalisées dans le cinéma. En effet, on pourrait penser que la musique des films de science-fiction reflète de la même  manière que les images un monde inconnu. Pourtant, dans les années 30 et  40, tandis que le genre se popularise, cette dernière ressemble fortement à celle des autres genres et est tout à fait classique dans sa  forme. Le but de Bernard Herrmann est alors de créer une musique  inhabituelle qui permettrait au spectateur d’investir pleinement  l’univers étrange du film.

Pour ce faire, il combine un orchestre  symphonique composé de cuivres, de harpes et de timbales, avec des  instruments électroniques tels que des basses et des guitares. Il  utilise également un instrument peu connu à l’époque mais qui deviendra  par la suite l’instrument fard des musiques de science-fiction : le  thérémine. Inventé en 1920 par Lev Sergueïevith Termen, c’est l’un des  plus ancien instrument électronique. Avec ses sonorités dissonantes qui  semblent venir d’ailleurs, le thérémine est associé à un autre monde. 

Miklos Rosza l’avait utilisé pour la musique du film "La Maison du docteur Edwards" après  qu’ Hitchcock lui aie demandé de trouver de nouvelle sonorités. Par  ailleurs, Bernard Herrmann est le premier dans le genre de la  science-fiction à s’affranchir des codes de l’écriture tonale et à  allier classicisme et modernité au sein d’une même partition. La musique  du film "Le Jour où la Terre s’arrêta" est  ainsi une véritable référence dans l'histoire de la musique électronique, c’est la raison pour laquelle elle sera autant appréciée  du grand public et par la suite énormément reprise et copiée, notamment  dans le cinéma de science-fiction.

Analyse de séquence : les enjeux de la musique

Durant  cette séquence, Klatuu retrouve Hélène à son bureau afin de discuter des événements de la veille. Tandis qu’ils empruntent l’ascenseur et que  ce dernier s’apprête à lui dévoiler son identité, les lumières  s’éteignent et l’ascenseur s’arrête soudain, laissant les deux  personnages dans l’incompréhension. La musique démarre alors par un  simple accord où l’on reconnait le son du fameux Thérémin aux connotations extraterrestres. La situation prend une allure tout à fait  étrange et angoissante, et l’on comprend que la coupure d’électricité  n’a rien de «normal». La lumière participe également au sentiment  d’oppression puisqu’elle projète un quadrillage sur le visage des deux  personnages, évoquant ainsi l’idée d’enfermement. Klatuu demande à  Hélène de lui donner l’heure et celle-ci lui répond qu’il est midi pile.  La caméra cadre ensuite tour à tour leurs visages en plan rapproché tandis que Klatuu annonce à Hélène que l’électricité a été neutralisée  dans le monde entier et qu’ils seront bloqués pour une durée de trente  minutes.

Pendant qu’ils parlent, la musique continue à raisonner, donnant à la scène un aspect inquiétant. Hélène comprend alors que son  fils avait raison, et que Klatuu est bel et bien l’extraterrestre  recherché par les autorités. Un son tonitruant et dissonant précède  l’enchaînement de plans assez courts montrant le monde qui semble  complètement arrêté. D’abord, après un fondu, plusieurs plans moyens des  rues de Washington où les voitures et autres véhicules sont à l’arrêt.

Ensuite, après un volet signifiant un changement de ville, un plan  d’ensemble de Times Square où la situation est identique. Tout dans  l’image est arrêté, le seul mouvement est celui des passants qui  grouillent comme des insectes. Un nouveau volet nous emmène à Londres,  puis à Paris et enfin à Moscou. Les plans sont toujours les mêmes, d’abord un plan d’ensemble de la ville, puis un plan moyen nous montrant  la réaction des différentes personnes présentes. Partout, les gens sont  apeurés, un homme s’exclame : «C’est l’homme de l’espace». La  séquence se poursuit sur différentes images témoignant de la panique des  Hommes face à l’arrêt des machines (locomotive, machine à laver,  bateau, trayeuses, montagnes russes, etc).


 Dans  cette séquence, la musique joue un rôle primordial, puisque d’une part  elle contribue à créer un effet de terreur, notamment par les accords  tonitruants qui se répètent et évoquent des « gongs » martelant la bande  sonore, et d’une autre elle illustre la puissance des pouvoirs de  Klatuu, soit des extraterrestres. Son aspect étrange et inquiétant, provenant majoritairement des sons dissonants produits par les  instruments et en particulier le thérémine, nous renvoie parfaitement à  une menace venue d’ailleurs.

L’un des principaux enjeux de la musique  est, de la même manière que les plans fixes, de représenter la  suspension du mouvement. Afin d’annuler l’impression de mouvement vers  l’avant apportée par l’harmonie traditionnelle, Bernard Herrmann utilise  dans le score de la séquence intitulé "The Magnetic Pull" exclusivement  des accords dissonants, qu’il répète tout au long de cette dernière à  des intervalles plus ou moins réguliers. Cette dissonance souligne le  désordre qui règne au sein des différentes populations. Un des intérêts  de la musique est également de permettre au spectateur de mettre en  relation la coupure d’électricité et les extraterrestres, qu’on ne voit  pourtant pas à l’écran.

Ainsi, la musique nous dit ce que les images ne  nous montrent pas et se comporte comme un narrateur à part entière. Les  extra-terrestres sont présents dans la scène sans pour autant y  apparaître, de la même manière que les pouvoirs de Klatuu qui sont  invisibles mais dont on ne peut nier l’existence.

Par ailleurs, Bernard  Herrmann a modifié les sons acoustiques de façon électronique afin que  l’on n’entende plus que ces sons en particulier. Ainsi, les sons  acoustiques, associés aux humains, sont dominés par les sons  électroniques, associés aux extraterrestres. C’est exactement ce qui se  passe dans cette scène. L’harmonie terrienne est mise à l’arrêt au même  titre que les véhicules et les machines. La technologie extraterrestre  surpasse la mécanique humaine, de la même manière que la musique est  contrôlée par les sons électroniques. On peut donc affirmer que la  musique agit comme une véritable métaphore illustrant la supériorité de  la puissance électronique (extraterrestre) sur la puissance mécanique  (terrienne).

Conclusion

Pour conclure, la musique du filmLe Jour où la Terre s’arrêta joue un rôle prépondérant dans ce dernier. Robert Wise dit lui-même : « Je ne crois pas avoir fait un autre film où la musique soit aussi importante que dans " Le jour où la Terre s’arrêta".  Elle apporte tellement, dans chaque situation où elle est utilisée. Le  caractère unique et particulier de cette musique apporte énormément à  l’efficacité du film ».  En plus d’être novatrice, la musique de Bernard Herrmann permet de  mieux comprendre les enjeux technologiques que soulève le film. Ainsi,  l’utilisation de sonorités électroniques renvoie à l’idée que la  technologie transforme fondamentalement la société. Il faudra cependant  attendre une quinzaine d’années avant que de nouveaux compositeurs se  mettent à expérimenter dans la musique. On peut par ailleurs citer Jerry  Goldsmith qui a été beaucoup plus loin que Bernard Herrmann dans le  traitement de l’atonal et des sonorités électroniques. Ce dernier a foncièrement participé à l’évolution de la musique expérimentale dans le  genre de la science-fiction, notamment dans des films tels que "La Planète des Singes" de Franklin Schaffner (1968) ou encore "Star Trek, le film"  de Robert Wise (1979).


Bibliographie :


  • Sounds of the future, essays in music in science fiction film, Mathew J. Bartkowiak, 2010
  • Musique contemporaine et cinéma : panorama d’un territoire sans frontières, Philippe Langlois, 2016



English version and translate


THE UFO SCORE


According to Michel Chion, cinema is "a place where music is transformed by its blend with situations, images, dialogue and other sounds". In this way, we can say that music plays a primordial role in the film, since it provides a large part of the sound ambience. But music can also serve the story and guide the viewer through it. Some composers even consider it to be a character in its own right, wandering on the surface of the image and contributing to the understanding of the film. In science-fiction cinema, music, like images, is a space for experimentation. This is particularly true of Robert Wise's The Day the Earth Stood Still, where the music is as modern and futuristic as the film itself. In this analysis, we'll see how Bernard Herrmann's score testifies to the power of the aliens in Robert Wise's film. In the first part, we'll look at the particularities of Bernard Herrmann's score, then in the second part, we'll analyze a sequence to better understand what's at stake with the music in the film.


The particularities of Bernard Herrmann's score


Today, Bernard Herrmann is considered one of the most influential composers of his time, and indeed of cinema as a whole. Although he is best known for his duet with famed director Alfred Hitchcock, notably in films such as Cold Shocks (1958) and Psycho (1960), his contributions to other seminal works are often overlooked. One of these is Robert Wise's The Day the Earth Stood Still (1951), one of the greatest masterpieces of science-fiction cinema. Based on a short story by Harry Bates called Farewell to the Master, it tells the story of the arrival on Earth of Klatuu, a human-like alien, and the robot Gort. Unlike other science-fiction films, The Day the Earth Stood Still is not spectacular. It's more realistic, as the director wanted it to be as credible as possible. As a result, the film takes on a quasi-documentary feel, reinforced by the use of black and white and natural settings.


It was one of the first films to feature the alien invasion motif in the daily lives of Earthlings. The film also crystallizes the fear of difference that drives people to do things that run counter to their own values. Indeed, the other is often associated with a threat that must be exterminated at all costs. In the film, Klatuu is hunted down by the authorities, and the media convey the message that he is a real danger to humanity. However, unlike the aliens in Herbert Georges Wells's War of the Worlds, which was adapted for the screen two years later, the aliens in The Day the Earth Stood Still are not hostile, and bring a peaceful message. Indeed, the film was made during a period of nuclear tension, and Klatuu comes to warn earthlings against atomic weapons. The most important element of the film is the music.


Having already worked with Bernard Herrmann on Citizen Kane (1941) and The Splendor of the Ambersons (1942), Robert Wise decided to entrust the music for his film to Herrmann, giving him carte blanche. At the time, Hollywood musical production was classic and homogeneous. Bernard Herrmann, like his fellow composers, came from a romantic repertoire, but he was nonetheless interested in experimentation, and in particular in electronic sounds, which were highly marginalized in the cinema at the time. Indeed, one might think that the music of science-fiction films would reflect an unknown world in the same way as the images. And yet, in the 30s and 40s, as the genre became more popular, the music was very similar to that of other genres, and quite classical in form. Bernard Herrmann's aim was to create an unusual soundtrack that would allow viewers to fully immerse themselves in the film's strange universe. To achieve this, he combines a symphonic orchestra of brass, harp and timpani, with electronic instruments such as bass and guitar.


He also used an instrument that was little-known at the time, but which would later become the standard instrument of science-fiction music: the theremin. Invented in 1920 by Lev Sergeevith Termen, it is one of the oldest electronic instruments.With its dissonant, otherworldly sounds, the theremin is associated with another world. Miklos Rosza used it for the soundtrack to the film The House of Doctor Edwardes after Hitchcock asked him to find new sounds.Bernard Herrmann was also the first in the science-fiction genre to break free from the codes of tonal writing and combine classicism and modernity in a single score.The soundtrack to The Day the Earth Stood Still is thus a veritable benchmark in the history of electronic music, which is why it was so much appreciated by the general public and subsequently widely copied, particularly in science-fiction films.


Sequence analysis: the stakes of music


During this sequence, Klatuu meets Hélène at her office to discuss the events of the previous day. As they take the elevator and Klatuu prepares to reveal his identity, the lights go out and the elevator suddenly stops, leaving both characters in a state of incomprehension. The music then starts with a simple chord, recognizing the sound of the famous theremin with its extraterrestrial connotations. The situation takes on a strange, eerie quality, and we realize that there's nothing "normal" about the power cut. The lighting also contributes to the sense of oppression, projecting a grid pattern onto the faces of both characters, evoking the idea of confinement. Klatuu asks Hélène to tell him the time, to which she replies that it's exactly noon.


The camera then takes turns to frame their faces in close-up, while Klatuu tells Hélène that electricity has been neutralized worldwide, and that they will be blocked for thirty minutes. As they talk, the music continues to play, giving the scene an eerie quality. Hélène realizes that her son was right, and that Klatuu is indeed the alien the authorities are looking for. A thunderous, dissonant sound precedes a series of short shots showing the world at a complete standstill. First, after a fade, several medium shots of the streets of Washington, where cars and other vehicles are at a standstill. Then, after a shutter signifying a change of city, an overall shot of Times Square where the situation is identical. Everything in the image is at a standstill, and the only movement is that of passers-by, swarming like insects. A new section takes us to London, then Paris and finally Moscow. The shots are always the same, first an overall shot of the city, then a medium shot showing the reaction of the various people present. People everywhere are frightened, and one man exclaims: "It's the spaceman! The sequence continues with a series of images showing the panic of people as machines (locomotives, washing machines, boats, milking machines, roller coasters, etc.) come to a halt.


Music plays a key role in this sequence, as on the one hand it contributes to creating an effect of terror, notably through the thundering chords that repeat themselves and evoke "gongs" pounding the soundtrack, and on the other it illustrates the power of Klatuu's alien powers. Its eerie, disquieting quality, derived mainly from the dissonant sounds produced by the instruments and the theremin in particular, is a perfect reminder of a threat from elsewhere. One of the main challenges of the music is, in the same way as the still shots, to represent the suspension of movement. To cancel out the impression of forward motion provided by traditional harmony, Bernard Herrmann's score for the sequence The Magnetic Pull uses exclusively dissonant chords, which he repeats at more or less regular intervals throughout. This dissonance underlines the disorder that reigns among the various populations.


One of the benefits of the music is that it allows the viewer to relate the blackout to the extraterrestrials, who are nowhere to be seen on the screen. In this way, the music tells us what the images don't, acting as a narrator in its own right. The aliens are present in the scene without actually appearing, in the same way as Klatuu's powers, which are invisible but whose existence cannot be denied. In addition, Bernard Herrmann has electronically modified the acoustic sounds so that only these particular sounds can be heard. Thus, acoustic sounds, associated with humans, are dominated by electronic sounds, associated with extraterrestrials. This is exactly what happens in this scene. Earthly harmony is brought to a standstill, along with vehicles and machines. Alien technology overpowers human mechanics, just as the music is controlled by electronic sounds. In this way, the music acts as a metaphor for the superiority of electronic (alien) power over mechanical (Earth) power.


In conclusion,

the music in The Day the Earth Stood Still plays a major role in the film. Robert Wise himself says: "I don't think I've made another film where music is as important as it is in The Day the Earth Stood Still. It adds so much, in every situation where it's used. The uniqueness and particularity of the music adds enormously to the effectiveness of the film. As well as being innovative, Bernard Herrmann's music helps us to better understand the technological issues raised by the film. The use of electronic sounds reflects the idea that technology is fundamentally transforming society. However, it would be another fifteen years before new composers began experimenting with music. Jerry Goldsmith, for example, went much further than Bernard Herrmann in his treatment of atonal and electronic sounds. The latter played a key role in the development of experimental music in the science-fiction genre, notably in films such as Franklin Schaffner's Planet of the Apes (1968) and Robert Wise's Star Trek (1979).



by Quentin Billard 30 May 2024
INTRADA RECORDS Time: 29/40 - Tracks: 15 _____________________________________________________________________________ Polar mineur à petit budget datant de 1959 et réalisé par Irving Lerner, « City of Fear » met en scène Vince Edwards dans le rôle de Vince Ryker, un détenu qui s’est évadé de prison avec un complice en emportant avec lui un conteneur cylindrique, croyant contenir de l’héroïne. Mais ce que Vince ignore, c’est que le conteneur contient en réalité du cobalt-60, un matériau radioactif extrêmement dangereux, capable de raser une ville entière. Ryker se réfugie alors dans une chambre d’hôtel à Los Angeles et retrouve à l’occasion sa fiancée, tandis que le détenu est traqué par la police, qui va tout faire pour retrouver Ryker et intercepter le produit radioactif avant qu’il ne soit trop tard. Le scénario du film reste donc très convenu et rappelle certains polars de l’époque (on pense par exemple à « Panic in the Streets » d’Elia Kazan en 1950, sur un scénario assez similaire), mais l’arrivée d’une intrigue en rapport avec la menace de la radioactivité est assez nouvelle pour l’époque et inspirera d’autres polars par la suite (cf. « The Satan Bug » de John Sturges en 1965). Le film repose sur un montage sobre et un rythme assez lent, chose curieuse pour une histoire de course contre la montre et de traque policière. A vrai dire, le manque de rythme et l’allure modérée des péripéties empêchent le film de décoller vraiment : Vince Edwards se voit confier ici un rôle solide, avec un personnage principal dont la santé ne cessera de se dégrader tout au long du film, subissant la radioactivité mortelle de son conteneur qu’il croit contenir de l’héroïne. Autour de lui, quelques personnages secondaires sans grand relief et toute une armada de policiers sérieux et stressés, bien déterminés à retrouver l’évadé et à récupérer le cobalt-60. Malgré l’interprétation convaincante de Vince Edwards (connu pour son rôle dans « Murder by Contract ») et quelques décors urbains réussis – le tout servi par une atmosphère de paranoïa typique du cinéma américain en pleine guerre froide - « City of Fear » déçoit par son manque de moyen et d’ambition, et échoue finalement à susciter le moindre suspense ou la moindre tension : la faute à une mise en scène réaliste, ultra sobre mais sans grande conviction, impersonnelle et peu convaincante, un comble pour un polar de ce genre qui tente de suivre la mode des films noirs américains de l’époque, mais sans réelle passion. Voilà donc une série-B poussiéreuse qui semble être très rapidement tombée dans l’oubli, si l’on excepte une récente réédition dans un coffret DVD consacré aux films noirs des années 50 produits par Columbia Pictures. Le jeune Jerry Goldsmith signa avec « City of Fear » sa deuxième partition musicale pour un long-métrage hollywoodien en 1959, après le western « Black Patch » en 1957. Le jeune musicien, alors âgé de 30 ans, avait à son actif toute une série de partitions écrites pour la télévision, et plus particulièrement pour la CBS, avec laquelle il travailla pendant plusieurs années. Si « City of Fear » fait indiscutablement partie des oeuvres de jeunesse oubliées du maestro, cela n’en demeure pas moins une étape importante dans la jeune carrière du compositeur à la fin des années 50 : le film d’Irving Lerner lui permit de s’attaquer pour la première fois au genre du thriller/polar au cinéma, genre dans lequel il deviendra une référence incontournable pour les décennies à venir. Pour Jerry Goldsmith, le challenge était double sur « City of Fear » : il fallait à la fois évoquer le suspense haletant du film sous la forme d’un compte à rebours, tout en évoquant la menace constante du cobalt-60, véritable anti-héros du film qui devient quasiment une sorte de personnage à part entière – tout en étant associé à Vince Edwards tout au long du récit. Pour Goldsmith, un premier choix s’imposa : celui de l’orchestration. Habitué à travailler pour la CBS avec des formations réduites, le maestro fit appel à un orchestre sans violons ni altos, mais avec tout un pupitre de percussions assez éclectique : xylophone, piano, marimba, harpe, cloches, vibraphone, timbales, caisse claire, glockenspiel, bongos, etc. Le pupitre des cuivres reste aussi très présent et assez imposant, tout comme celui des bois. Les cordes se résument finalement aux registres les plus graves, à travers l’utilisation quasi exclusive des violoncelles et des contrebasses. Dès les premières notes de la musique (« Get Away/Main Title »), Goldsmith établit sans équivoque une sombre atmosphère de poursuite et de danger, à travers une musique agitée, tendue et mouvementée. Alors que l’on aperçoit Ryker et son complice en train de s’échapper à toute vitesse en voiture, Goldsmith introduit une figure rythmique ascendante des cuivres, sur fond de rythmes complexes évoquant tout aussi bien Stravinsky que Bartok – deux influences majeures chez le maestro américain. On notera ici l’utilisation caractéristique du xylophone et des bongos, deux instruments qui seront très présents tout au long du score de « City of Fear », tandis que le piano renforce la tension par ses ponctuations de notes graves sur fond d’harmonies menaçantes des bois et des cuivres : une mélodie se dessine alors lentement au piccolo et au glockenspiel, et qui deviendra très rapidement le thème principal du score, thème empreint d’un certain mystère, tout en annonçant la menace à venir. C’est à partir de « Road Block » que Goldsmith introduit les sonorités associées dans le film à Ryker : on retrouve ici le jeu particulier des percussions (notes rapides de xylophone, ponctuation de piano/timbales) tandis qu’une trompette soliste fait ici son apparition, instrument rattaché dans le film à Ryker. La trompette revient dans « Motel », dans lequel les bongos créent ici un sentiment d’urgence sur fond de ponctuations de trombones et de timbales. Le morceau reflète parfaitement l’ambiance de paranoïa et de tension psychologique du film, tandis que les harmonies sombres du début sont reprises dans « The Facts », pour évoquer la menace du cobalt-60. Ce morceau permet alors à Jerry Goldsmith de développer les sonorités associées à la substance toxique dans le film (un peu comme il le fera quelques années plus tard dans le film « The Satan Bug » en 1965), par le biais de ponctuations de trompettes en sourdine, de percussion métallique et d’un raclement de guiro, évoquant judicieusement le contenant métallique du cobalt-60, que transporte Ryker tout au long du film (croyant à tort qu’il contient de la drogue). « Montage #1 » est quand à lui un premier morceau-clé de la partition de « City of Fear », car le morceau introduit les sonorités associées aux policiers qui traquent le fugitif tout au long du film. Goldsmith met ici l’accent sur un ostinato quasi guerrier de timbales agressives sur fond de cuivres en sourdine, de bois aigus et de caisse claire quasi martial : le morceau possède d’ailleurs un côté militaire assez impressionnant, évoquant les forces policières et l’urgence de la situation : stopper le fugitif à tout prix. Le réalisateur offre même une séquence de montage illustrant les préparatifs de la police pour le début de la course poursuite dans toute la ville, ce qui permet au maestro de s’exprimer pleinement en musique avec « Montage #1 ». Plus particulier, « Tennis Shoes » introduit du jazz traditionnel pour le côté « polar » du film (à noter que le pianiste du score n’est autre que le jeune John Williams !). Le morceau est associé dans le film au personnage de Pete Hallon (Sherwood Price), le gangster complice de Ryker que ce dernier finira par assassiner à la suite de plusieurs maladresses. Le motif jazzy d’Hallon revient ensuite dans « The Shoes » et « Montage #2 », qui reprend le même sentiment d’urgence que la première séquence de montage policier, avec le retour ici du motif descendant rapide de 7 notes qui introduisait le film au tout début de « Get Away/Main Title ». La mélodie principale de piccolo sur fond d’harmonies sombres de bois reviennent enfin dans « You Can’t Stay », rappelant encore une fois la menace du cobalt-60, avec une opposition étonnante ici entre le registre très aigu de la mélodie et l’extrême grave des harmonies, un élément qui renforce davantage la tension dans la musique du film. Le morceau développe ensuite le thème principal pour les dernières secondes du morceau, reprenant une bonne partie du « Main Title ». La tension monte ensuite d’un cran dans le sombre et agité « Taxicab », reprenant les ponctuations métalliques et agressives associées au cobalt-60 (avec son effet particulier du raclement de guiro cubain), tout comme le sombre « Waiting » ou l’oppressant « Search » et son écriture torturée de cordes évoquant la dégradation physique et mentale de Ryker, contaminé par le cobalt-60. « Search » permet au compositeur de mélanger les sonorités métalliques de la substance toxique, la trompette « polar » de Ryker et les harmonies sombres et torturées du « Main Title », aboutissant aux rythmes de bongos/xylophone syncopés complexes de « Track Down » et au climax brutal de « End of the Road » avec sa série de notes staccatos complexes de trompettes et contrebasses. La tension orchestrale de « End of the Road » aboutit finalement à la coda agressive de « Finale », dans lequel Goldsmith résume ses principales idées sonores/thématiques/instrumentales de sa partition en moins de 2 minutes pour la conclusion du film – on retrouve ainsi le motif descendant du « Main Title », le thème principal, le motif métallique et le raclement de guiro du cobalt-60 – un final somme toute assez sombre et élégiaque, typique de Goldsmith. Vous l’aurez certainement compris, « City of Fear » possède déjà les principaux atouts du style Jerry Goldsmith, bien plus reconnaissable ici que dans son premier essai de 1957, « Black Patch ». La musique de « City of Fear » reste d'ailleurs le meilleur élément du long-métrage un peu pauvre d'Irving Lerner : aux images sèches et peu inspirantes du film, Goldsmith répond par une musique sombre, complexe, virile, nerveuse et oppressante. Le musicien met en avant tout au long du film d’Irving Lerner une instrumentation personnelle, mélangeant les influences du XXe siècle (Stravinsky, Bartok, etc.) avec une inventivité et une modernité déconcertante - on est déjà en plein dans le style suspense du Goldsmith des années 60/70. Goldsmith fit partie à cette époque d’une nouvelle génération de musiciens qui apportèrent un point de vue différent et rafraîchissant à la musique de film hollywoodienne (Bernard Herrmann ayant déjà ouvert la voie à cette nouvelle conception) : là où un Steiner ou un Newman aurait proposé une musique purement jazzy ou même inspirée du Romantisme allemand, Goldsmith ira davantage vers la musique extra européenne tout en bousculant l’orchestre hollywoodien traditionnel et en s’affranchissant des figures rythmiques classiques, mélodiques et harmoniques du Golden Age hollywoodien. Sans être un chef-d’oeuvre dans son genre, « City of Fear » reste malgré tout un premier score majeur dans les musiques de jeunesse de Jerry Goldsmith : cette partition, pas si anecdotique qu’elle en a l’air au premier abord, servira de pont vers de futures partitions telles que « The Prize » et surtout « The Satan Bug ». « City of Fear » permit ainsi à Goldsmith de concrétiser ses idées qu’il développa tout au long de ses années à la CBS, et les amplifia sur le film d’Iriving Lerner à l’échelle cinématographique, annonçant déjà certaines de ses futures grandes musiques d’action/suspense pour les décennies à venir – les recettes du style Goldsmith sont déjà là : rythmes syncopés complexes, orchestrations inventives, développements thématiques riches, travail passionné sur la relation image/musique, etc. Voilà donc une musique rare et un peu oubliée du maestro californien, à redécouvrir rapidement grâce à l’excellente édition CD publiée par Intrada, qui contient l’intégralité des 29 minutes écrites par Goldsmith pour « City of Fear », le tout servi par un son tout à fait honorable pour un enregistrement de 1959 ! 
by Quentin Billard 24 May 2024
Essential scores - Jerry Goldsmith
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