Dans le film Humoresque de Jean Negulesco dont la musique est composée par Franz Waxman, la dimension musicale est primordiale, tant dans le fond que dans la forme. Dans cette analyse, nous verrons de quelle manière la musique participe de la dimension tragique de la scène. Dans une première partie, nous soulèverons la question de l’histoire d’amour impossible entre Paul et Helen. Dans une deuxième partie, nous traiterons de la théâtralité de la scène. Puis, dans une dernière partie, nous analyserons la descente aux enfers d’Helen.
Dans cet extrait, le compositeur a repris et arrangé deux pièces de concert issues d’oeuvres célèbres :
Tristan et Iseut et
Roméo et Juliette. Il est question pour ces deux pièces d’histoires d’amour tragiques dans lesquelles les personnages se suicident par amour. De la même manière, le film est lui-même une histoire d’amour tragique entre Paul, violoniste virtuose, et Helen, riche mécène mariée qui propulsera sa carrière de musicien. C’est par ailleurs la musique elle-même qui provoquera la dimension tragique du film. C’est elle qui rassemblera et séparera les deux personnages. Paul et Helen se rencontrent durant une soirée chez cette dernière. Tandis que Paul se met à jouer à la demande de certains convives, Helen est séduite par sa musique. Elle va ainsi permettre à sa carrière musicale de décoller. Cependant, tout au long du film, Helen va prendre conscience de l’importance de la musique dans la vie de Paul. Celui-ci fera toujours passer cette dernière avant elle, ce qui provoquera une profonde tristesse chez la jeune femme. La conversation téléphonique qu’ils échangent dans cette scène le prouve notamment, tandis que Paul apprend qu’Helen n’assistera pas au concert. Il s’énerve contre elle et lui dit : « Comprends-tu que j’ai un concert ? Veux-tu le gâcher, gâcher ma carrière et tout le reste ? ». Ainsi, la musique est bien plus importante pour lui que « tout le reste », c’est à dire Helen et son histoire d’amour avec elle, rendant cette dernière impossible.
L’aspect tragique de la scène passe également par la dimension musicale elle-même. Celle-ci est en empathie avec la scène, on a presque l’impression qu’elle est synchronisée avec les gestes de l’actrice, notamment durant la conversation téléphonique. La source de cette musique est assez floue, on sait qu’à l’origine elle est intradiégétique car elle provient de la salle de concert où se trouve Paul, mais on se demande parfois si elle n’est pas extradiégétique au vu de la manière dont elle souligne l’émotion de la scène. On peut notamment entendre la musique de façon distincte lorsque la caméra filme Helen, ce qui entretient le doute puisque elle n’est pas présente avec Paul dans la salle de concert., mais celle-ci expliquera plus tard qu’elle a allumé la radio pour l’entendre jouer depuis la chambre. Tandis qu’Helen parle au téléphone, la scène prend un aspect tout à fait théâtral. Ce dernier s’illustre par la voix emphatique d’Helen, sa façon de parler et son discours, d’autant que l’on n’entend pas les réponses de Paul, donnant l’impression que la jeune femme est un plein soliloque. On peut ainsi faire un parallèle entre la scène et la partition remaniée de Franz Waxman. Lorsque la jeune femme déclame : « C’est si beau, si paisible, il n’y a personne sur la plage. », la musique appuie ses paroles et adopte un air doux, presque apaisant, témoignant une sorte de calme avant la tempête. La caméra filme en gros plan le visage rempli d’émotions d’Helen, tandis que ses yeux se mettent à briller et qu’elle scrute l’horizon au travers de la fenêtre. Lorsque la conversation téléphonique prend fin et alors que la jeune femme fond en larme, la musique se termine elle aussi selon la technique du mickeymousing. On peut alors entendre des applaudissements qui semblent clore la prestation théâtrale en même temps que celle musicale.
Après cet échange téléphonique, Helen se dirige vers la table et se sert un verre tandis que le présentateur radio annonce l’arrivée de Paul et le nom du morceau qu’il va jouer. La caméra s’avance vers Helen qui, le regard vague, porte un toast à l’amour. Comme elle l’a avoué précédemment à la mère de Paul, Helen se met à boire pour échapper à ses problèmes. Un fondu nous propulse dans la salle de concert, on peut voir les mains de Paul qui entame la musique. Celle- ci a un aspect beaucoup plus mélancolique que la précédente. Un nouveau fondu nous ramène avec Helen, la musique permettant de faire le raccord entre les deux scènes. Le visage de la jeune femme est grave, elle se ressert un verre, la musique épousant parfaitement le ton tragique de la situation. Torturée, Helen allume une cigarette et se remémore le sermon de son mari : « Peux-tu changer ? Et crois-tu qu’il puisse changer ? ». Tout comme la mère de Paul, ce dernier lui rappelle que pour lui la musique est toute sa vie, la seule chose qui compte à ses yeux. Continuant de boire, Helen se dirige vers la fenêtre, son visage apparaît en surimpression sur le ciel nuageux. La musique semble faire corps avec la jeune femme, tandis que l’on peut entendre le solo déchirant de Paul. Après un élan de violence, Helen quitte la chambre et descend l’escalier en direction de la mer. Une véritable descente aux enfers débute, on peut déjà pressentir la mort dans l’image et la musique. Cette dernière s’est intensifiée, elle erre à présent entre l’espace intradiégétique et extradiégétique tandis qu’Helen s’éloigne. Face à la mer, la musique, presque dissonante, semble refléter son esprit torturé. Après un gros plan du visage apaisé de la jeune femme, les vagues envahissent le champ, nous laissant alors présager le suicide de cette dernière sur les trémolos du violon. La scène se termine sur le visage de Paul qui clôt la musique, sans même savoir que celle-ci a emporté sa belle.
Pour conclure, durant cette scène aux aspects des plus tragiques qui précède le suicide d’Helen, la musique est en parfait accord avec l’image, redoublant parfois les gestes et paroles mélodramatiques de cette dernière ou reflétant son esprit torturé.
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