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Citizen Kane

Jean-Louis Scheffen

CITIZEN  KANE est un film d’auteur. Toutes les critiques en conviennent. Et avec  Welles apparaissant au générique comme scénariste, producteur, metteur  en scène et interprète principal, il n’y a plus aucun doute: KANE est  bien l’œuvre d’un seul homme : Orson Welles. Une idée reçue veut que le  metteur en scène soit «l’âme» du film, qu’il porte ses idées à l’écran  en utilisant une équipe de «techniciens». Or il ne faut en aucun cas  négliger la contribution des «collaborateurs de création», comme le  scénariste, l’opérateur ou le compositeur. En l’occurrence il s’agit de  Herman J. Mankiewicz, Gregg Toland et de Bernard Herrmann. On ne peut  pas assimiler leurs fonctions à celles de simples exécutants (le  réalisateur «utilise» la musique, c’est bien connu!). Cet article se  propose d’analyser l’apport d’un de ces collaborateurs: il s’agit du  compositeur Bernard Herrmann. Évidemment il peut paraître arbitraire de  se borner à la seule dimension acoustique d’un film; cette difficulté  est néanmoins inhérente à toute étude spécialisée. Nous nous référerons  donc constamment au plan visuel du film.

Herrmann & Welles

Lorsque  Welles, en 1940, entama la réalisation de CITIZEN KANE, il insista à  faire venir Bernard Herrmann à Hollywood pour écrire la musique de son  premier film. Herrmann, tout comme Welles, était un novice dans le  domaine du cinéma. Il avait commencé sa carrière en 1933 au Columbia  Broadcasting System en écrivant de la musique fonctionnelle pour des  émissions de radio, telles que la série «Suspense» de William Spier et  Bill Robson ou «Corwin Presents» de Norman Corwin. Dès 1934 il dirigeait  les programmes de musique symphonique, en tant qu’assistant chef  d’orchestre. A partir de 1936 Herrmann collaborait avec Orson WELLES sur  une émission intitulée «The Mercury Playhouse Theatre».


«J’ai  appris à devenir un compositeur de film en travaillant sur deux à trois  mille pièces radio-phoniques… La radio était le meilleur endroit où l’on  pouvait former son sens du dramatique». (1)


En  1941 il y eut CITIZEN KANE. Ce film lança Herrmann sur une nouvelle  carrière qu’il allait poursuivre, avec quelques interruptions, jusqu’à  sa mort en 1975. Si Welles révolutionna l’art du cinéma avec KANE,  Herrmann en fit de même pour la musique de film. Le mot  «révolutionnaire» s’appliquant aussi bien à la partition elle-même  qu’aux conditions de travail de Herrmann.


Dans  un article publié après la sortie de CITIZEN KANE, Herrmann écrivait:  «J’avais entendu parler des difficultés qui existent à Hollywood pour un  compositeur. L’une d’elles était la vitesse avec laquelle les  partitions devaient souvent être écrites – parfois en deux ou trois  semaines. Un autre problème était que le compositeur avait rarement le  temps d’orchestrer sa propre musique. Et que, lorsque la musique était  écrite et enregistrée, le compositeur n’avait rien à dire sur le niveau  du son ou la dynamique de la musique dans le film.» (2)


Toutes  ces conditions furent bouleversées lors du tournage de CITIZEN KANE.  Herrmann disposait de douze semaines pour écrire sa partition, ce qui  lui permettait d’élaborer un plan artistique, ainsi que d’orchestrer et  de diriger lui-même sa musique. Il travaillait sur le film rouleau après  rouleau, avant même qu’il ne fût terminé. De cette manière la musique  s’incorporait parfaitement au film.


«A  Hollywood la plupart des partitions musicales sont écrites après que le  film est entièrement terminé; et le compositeur doit adapter sa musique  aux scènes sur l’écran. Dans beaucoup de scènes de CITIZEN KANE une  méthode entièrement différente fut utilisé, beaucoup de séquences étant  découpées afin de s’adapter à la musique.» (2)


Grâce  à ces conditions de travail ainsi qu’à son sens inné du dramatique,  Herrmann a pu écrire une partition rompant avec toutes les conventions  régnant sur la musique de film hollywoodienne des années ’30 à ’40.

Kane & Rosebud

La  musique de CITIZEN KANE se fonde essentiellement sur deux ‘leitmotivs’  dont l’utilisation dans ce film «était pratiquement impérative à cause  de l’histoire et de la manière suivant laquelle elle était développée.»  (2)


  1. Un  bref thème de quatre notes, joué par les cuivres, symbolise la  puissance et la soif de pouvoir de Charles Foster Kane (= thème de  Kane).
  2. Un thème mélancolique caractérise le traineau «Rosebud» et par conséquent la jeunesse perdue de Kane (= thème de «Rosebud»).


Ces  deux thèmes reviennent sous différentes formes à travers le film pour  commenter et expliquer les actions de Kane. Le début de CITIZEN KANE  constitue jusqu’à ces jours une pièce d’anthologie de la musique de  film: Deux titres annoncent le film: «A Mercury Production by Orson  Welles» et CITIZEN KANE. L’écran devient noir pendant quelques secondes.  Nous voyons apparaitre un portail portant un écriteau: «No  Trespassing». La caméra monte le long du grillage. En haut du grillage  est monté – en fer forgé – une sorte d’emblème montrant la lettre «K».  Dans la brume on distingue les contours énormes d’un château. De courts  plans nous font voir une cage de singes, un lac artificiel avec des  gondoles, un champ de golf, des statues et des ruines artificielles; la  caméra se rapproche d’une fenêtre illuminée dans la tour principale du  bâtiment.


La  musique, qui commence une à deux secondes avant la première image du  film, accentue l’atmosphère sinistre et oppressante qui caractérise  cette scène. Autour du thème de Kane, joué par les cuivres (trombones  bouchés) sur une pédale des contrebasses dans les premières mesures de  la partition, Herrmann crée une sorte de requiem pour Kane, vaguement  réminiscent du chant grégorien «Dies Irae». Graduellement contrebasson,  clarinettes et flûtes se joignent aux cuivres; le thème de «Rosebud»  apparait, joué par le vibraphone. Lorsque la caméra s’approche de la  fenêtre illuminée, la lumière s’éteigne; la musique s’arrête après un  accord brusque des cuivres. Le spectateur a l’impression d’avoir été  surpris en train de s’avancer sur un terrain interdit (le mouvement de  la caméra s’est aussi arrêté). (3)


Après  quelques secondes de silence complet l’action continue; le spectateur  est maintenant à l’intérieur de la chambre où l’on aperçoit un vieil  homme – Charles Foster Kane – étendu sur un lit. En gros-plan on voit  une boule de verre avec une petite maison et remplie de neige  artificielle. Le thème de «Rosebud» qu’utilise Herrmann dans cette  scène, nous révèle inconsciemment et par anticipation l’identité de  «Rosebud»; «le tintement de clochettes de traineau dans la musique fait  une référence ironique à des clochettes de temple indien – la musique  gèle» (4), avant que Kane murmure: «Rosebud!» et laisse tomber la boule  de verre. Dans toute cette séquence la musique contribue à accentuer le  caractère expressionniste des images et constitue un commentaire  extérieur à ces images (utilisation du thème de «Rosebud»).


Le  thème de Kane est souvent employé à travers le film pour commenter les  actions de Kane. Une des utilisations les plus originales du thème se  trouve dans la scène où Kane et Leland arrivent à l’INQUIRER sur les  rythmes d’un ‘ragtime’ (nous sommes dans les années 1890) qui, après  quelques mesures, se révèle n’être qu’une variation extrêmement poussée  du thème de Kane. La musique découvre ainsi les vraies raisons qui ont  poussé Kane à diriger un journal. Un autre exemple de ce genre est  constitué par le montage des scènes de petit-déjeuner. Le thème de Kane,  puissamment orchestré, est aussi lié à Xanadu (flashbacks de Susan et  de Raymond) pour 1) communiquer un sentiment de crainte aux spectateurs,  et 2) souligner la mégalomanie de Kane.


Dans  la scène du picnic ce thème dénonce les intentions de Kane et des «  amis » qui l’accompagnent dans une longue file de voitures («Invite  everybody! Order everybody, you mean, and make them sleep in tents. Who  wants to sleep in tents when they’ve got a nice room of their own, with  their own bath, where they know where every thing is?», dit Susan).


Le  thème de «Rosebud» est également utilisé à différents moments-clé du  film. Ainsi dans la séquence de la Thatcher Memorial Library où le  reporter Thompson veut trouver la réponse à «Rosebu » dans les mémoires  inédites de Walter Parks Thatcher. Tandis que Thompson commence à lire  («I first encountered Mr. Kane in 1871…»), un ostinato de la flûte (et  en contrepoint le thème de Kane sur cuivres bouchés) se transforme en  thème de «Rosebud», tandis que le texte se dissout et l’on voit  apparaître un paysage d’hiver. Ce thème accompagne aussi la séparation  cruelle du petit Charles de sa mère et son départ avec Thatcher. Une  variation du thème de «Rosebud» est utilisée pendant la première  rencontre de Kane et de Susan Alexander, constituant ainsi un  commentaire tout à fait original sur les sentiments de Kane.


Dans  la scène finale du film (symétrique au début) Herrmann utilise les deux  thèmes pour créer une conclusion particulièrement pathétique et  mémorable: Thompson et les autres journalistes, sans avoir résolu le  problème de «Rosebud», se préparent à quitter Xanadu. Une variation  sinistre du thème de Kane (cuivres bouchés et violoncelles) accompagne  un long travelling sur les objets d’art accumulés par Kane ; un motif  plus triste est joué par les bois. Tandis que l’on voit un ouvrier jeter  des objets dans un four, un accord aigu des cuivres et des trilles  (violoncelles) préparent le spectateur au plan suivant: sur le traineau  que l’homme vient de jeter au feu, on lit clairement le nom «Rosebud»  dont le thème est littéralement «hurlé» (5) par tout l’orchestre. Le  thème de Kane, puissamment orchestré pour cuivres, conclut le drame.

Autres «leitmotivs»

A  part ces ‘leitmotivs’ au sens conventionnel du terme, Bernard Herrmann  utilise parfois des pièces de musique «réaliste» pour marquer  l’évolution des principaux personnages à travers le film. La chanson  liée à la campagne électorale de Kane apparait pour la première fois  dans la scène du diner de fête à l’INQUIRER. Elle fut écrite par Herman  Ruby sur une musique de Pépé Guizero) (6) :


«There is a man, a certain man, And for the poor you may be sure, That he’ll do all he can. Who is this one, this favirite son, Just by his action has the Traction magnates on the run…»


Une  version orchestrale de cette chanson est utilisée pendant l’allocution  de Kane à Madison Square Garden. C’est le thème du succès social de  Charles Foster. Herrmann en fait une utilisation ironique après la  défaite électorale de Kane; jouée tristement par un orgue de Barbarie,  la chanson reflète les sentiments de Kane tout en rappelant les temps  passés.


«Una  voce poco fa», un air de ROSSINI, est lié étroite ment à la carrière  artistique de Susan Alexander Kane. Susan le chante à la demande de Kane  lors de leur première rencontre. C’est ce même air que Signor Mattisti,  le professeur de chant de Susan, s’efforce d’enseigner à son élève peu  douée. Il revient – également joué par un orgue de Barbarie – dans la  scène où Kane, après le suicide raté de Susan, promet à sa femme qu’elle  n’aura plus jamais à chanter en public.


Un  autre thème est associé à l’évolution des rapports entre Susan et Kane:  il s’agit de «In a Mizz», une composition de Charles Barrett et Haven  Johnson. (6) Joué par un vibraphone dans la scène à l’«El Rancho», cette  chanson commente la déchéance de Susan après son divorce de Kane. Elle  réapparait, jouée par un groupe de musiciens noirs, dans la scène du  picnic. Dans cette séquence la musique ainsi que les paroles («There  ain’t no love, there ain’t no true love») constituent un contre point  ironique à la querelle entre Kane et Susan.

Une collaboration étroite

Il  y a déjà été question de la collaboration étroite entre Herrmann et  Welles. Cette collaboration est sur tout évidente dans les différents  montages à travers le film, qui ont souvent été assemblés de manière à  s’adapter à la musique. Des pièces musicales complètes furent écrites  pour ces montages.


Dans  les scènes montrant les activités de Kane à l’INQUIRER – qui ont toutes  lieu dans les années 1890 – Herrmann utilise les formes de danse  populaires à cette époque. Ainsi le montage montrant l’augmentation du  tirage de l’INQUIRER est accompagné par un can-can, La campagne contre  le «Traction Trust» est réalisée en forme d’un galop. Kane et Leland  arrivent à l’INQUIRER aux rythmes d’un ‘ragtime’. (2)


Cette  méthode est le plus parfaitement appliquée dans les scènes de  petit-déjeuner. Dans ce montage de six scènes Welles montre la déchéance  du premier mariage de Kane. Herrmann utilise une valse «dans le style  de Waldteufel» (2) et une série de cinq variations sur ce thème, qui  servent en même temps à unifier et à séparer les différentes scènes. Au  fur et à mesure que les relations entre les jeunes mariés se  détériorent, la musique perd son caractère de valse et devient plus  dissonante. Dans la dernière scène Kane et sa femme lisent leur journal  sans s’adresser la parole. La musique, jouée dans les régis très aigus  des violons, démasque les véritables sentiments de Kane: la valse si  romantique se révèle n’avoir été qu’une variation en profondeur du thème  de Kane.


Un  des moments les plus mémorables de la partition de Bernard Herrmann est  l’extrait d’opéra, intitulée «Salammbo», qu’il composa pour Susan  Alexander Kane. Cette scène présenta des problèmes très particuliers à  Herrmann. La musique devait 1) refléter le chaos des répétitions et des  préparations avant l’entrée en scène de Susan, 2) suggérer l’angoisse de  Susan et 3) montrer son insuffisance à chanter un grand opéra.


Herrmann,  qui disposait de connaissances encyclopédiques dans le domaine de la  musique, sentait qu’aucun des opéras existants pouvait remplir ces  fonctions; il composa donc son propre extrait d’opéra. Le résultat est  un curieux pastiche du style franco-orientaliste des années 1880 (dans  le scénario original Mankiewicz et Welles avaient indiqué THAIS de  Massenet) ; l’orchestration a été faite dans un style proche de Richard  Strauss. Le texte, basé sur la scène de suicide de PHEDREN de Racine,  est tout à fait à propos, si l’on pense à la tentative de suicide de  Susan.


Pour  l’air de «Salammbo», écrit dans une clé très aiguë, Herrmann engagea  une chanteuse professionnelle, Jean Forward, qu’il fit chanter au dessus  de son registre de voix naturel. L’orchestration écrasante créait le,  senti ment «qu’elle s’enfonçait dans du sable mouvant». (1) La musique  de Herrmann parvient admirablement à remplir les exigences décrites plus  haut.

L’expérience de la radio

L’utilisation  des différents motifs musicaux révèle une technique nettement inspirée  par la radio («radio scoring»). Herrmann écrit: «Les films négligent  fréquemment des occasions pour des points de repère musicaux ne durant  que quelques secondes, c’est-à-dire de cinq à quinze minutes au plus; la  cause en étant que l’oeil couvre habituellement cette transition.  D’autre part, dans des pièces de radio chaque scène doit être reliée par  quelque effet sonore, de manière à ce que même cinq secondes de musique  deviennent un instrument vital à informer l’oreille que la scène  change. Je sentais que dans ce film, où les contrastes photographiques  sont souvent si abruptes, un bref motif – même deux ou trois accords –  pouvait accroître énormément l’effet.»(2) Le thème de Kane est  fréquemment utilisé de cette manière. 


Une  technique semblable qu’utilise Herrmann dans CITIZEN KANE, consiste à  faire commencer une pièce musicale au milieu d’une scène pour préparer  le spectateur à la scène suivante (souvent un flash-back). Ainsi dans la  scène à l’«El Rancho» ou Thompson interroge Susan sur son mariage avec  Kane. Un blues joué sur piano, qu’on entend à l’arrière-fond, se  transforme soudainement en «Una voce poco fa» pendant la dernière phrase  de Susan («Everything was his idea, except my leaving him.»); la  chanson que chante précisément Susan dans le flash back qui suit. La  musique fonctionne donc ici comme un fondu enchainé acoustique. 


L’orchestration  de la musique est loin d’être orthodoxe, une caractéristique qui allait  distinguer toutes les partitions suivantes de Herrmann. Elle varie  constamment à travers le film et fait rarement appel à un orchestre  symphonique complet. Ainsi le thème de Kane est souvent joué sur des  cuivres bouchés; dans la scène du Huntington Memorial Hospital  (entretien Thompson – Leland) Herrmann utilise le son des cuivres  bouchés et les vibrations d’un tambour pour créer une atmosphère de  menace; un motif répété sur flûte précède et suit l’entretien Thompson  Susan. 


Il  est intéressant aussi de noter que la musique n’est pas simplement  superposée à la bande sonore, mais que musique et effets sonores se  complètent mutuellement, Dans le «suicide montage» (montage de titres de  journaux relatifs à la carrière de Susan et précédant sa tentative de  suicide) un motif musical rythmique est combiné à des pistes sonores  superposées de la voix de Susan pour créer un effet d’hystérie croissante.


Lors  du réenregistrement de la musique sur la bande sonore, une autre  convention de Hollywood a été basculée : «Trop souvent à Hollywood, le  compositeur n’a rien à dire sur ce procédé technique; le résultat en est  que certaines des meilleures musiques de films sont souvent assourdies à  des niveaux presqu’inaudibles. Welles et moi sentions qu’une musique  projetée comme arrière-plan atmosphérique devait être écrite  originalement à cette fin, et non être baissée dans le studio de  synchronisation. En d’autres mots, la dynamique de la musique dans le  film devrait être projetée à l’avance, de manière à ce que la  synchronisation finale ne soit qu’un simple procédé de transfert. Avec  ses intentions nous passions deux semaines entières dans le studio de  synchronisation, et la musique fut souvent réenregistrée – sous notre  supervision – six à sept fois avant que le niveau dynamique correct ne  fut atteint. Le résultat est une projection exacte des idées originales  dans la musique.» (2) 


La  collaboration entre Herrmann et Welles était absolument unique à  Hollywood. La plupart du temps, le compositeur collaborait avec le  producteur (et souvent par l’intermédiaire du directeur musical). En  plus, une idée reçue favorisée par les conditions pratiques des grands  studios voulait qu’une musique de film soit écrite dans un style  romantique et pour un orchestre symphonique, également hérité de la tradition romantique.


Herrmann  bouleversa toutes ces règles; sa collaboration étroite avec Welles lui  permettait d’écrire une partition tout à fait originale, qui rompait  avec presque tout ce qui avait été écrit à Hollywood dans les années précédentes.


La  musique de CITIZEN KANE, nous l’avons vu, constitue une véritable  anthologie de ce que peut (et doit être la musique de film; non pas un  commentaire musical super posé au plan visuel du film, mais une partie  intégrante de la structure de l’oeuvre. Dans l’histoire du cinéma peu de  partitions musicales ont pleinement atteint cet objectif. Parmi  celles-ci la musique de CITIZEN KANE occupe une place de choix.


Notes

 

  1. Ted  Gilling, The Colour of the Music (Interview avec Bernard Herrmann),  dans: SIGHT AND SOUND Vol.41 No.1 (Hiver 1971/72), p.36 et 38
  2. Bernard Herrmann, Score for a Film, dans: NEW YORK TIMES du 25.5.1941
  3. Roy  A. Fowler, Orson Welles: A First Biograph Londres 1946. Partiellement  réédité dans : Ronald Gottesman, Focus on ‘Citizen Kane’, Englewood  Cliffs N.J. 1971, p.91
  4. Orson Welles, cité par Roy A. Fowler, op. cit., p.92
  5. Christopher Palmer, ‘Citizen Kane’, RCA ARL1-0707
  6. Charles Higham, The Films of Orson Welles, Berkeley Cal. 1970, p. 15


by Pascal Dupont 10 May, 2024
Charles Allan Gerhardt English version adapted by Doug Raynes - FRENCH VERSION AND COLLECTION had a reputation as a great conductor, record producer and musical arranger. His major work at RCA on the Classic Film Scores series earned him recognition from film music devotees of Hollywood’s Golden Age, as well as other renowned conductors of his day. Born on February 6, 1927 in Detroit, Michigan, Charles Gerhardt developed a passion for music and percussion instruments from an early age. At the age of five, he took piano lessons, and by the age of nine, had established a solid reputation as an orchestrator and composer. He spent his early school years in Little Rock, Arkansas, then after 10 years, having completed his schooling, moved with his family to Illinois for his military duties, he served in the U.S. Navy during World War II as a chaplain's aide in the Aleutian Islands, then became an active member of the Veterans of Foreign Wars. He went on to study at the University of Illinois, at the College of William and Mary, and later at the University of Southern California. Throughout his time at school Gerhardt was attracted not only to music, but also to the sciences. Passionate about the art of recording, he joined Westminster Records for five years, until the company ceased operations, and then joined Bell Sound. One day, he received a phone call from George Marek to meet with the heads of Reader's Digest, to discuss producing recordings for their mail-order record business; a contact that was to secure his musical future and a rich career spanning more than 30 years. Gerhardt's first job for Reader's Digest was to produce a record; “A Festival of Light Classical Music”; a 12 LP box set that he produced in full. One of Gerhardt's finest projects was the production of another 12 LP box set, “Les Trésores de la Grande Musique (Treasury of Great Music)”, featuring the Royal Philharmonic Orchestra conducted by some of the leading figures of the day: Charles Munch to Bizet and Tchaikovsky, Rudolf Kempe to Strauss and Respighi, Josef Krips to Mozart and Haydn, Antal Dorati to Strauss and Berlioz, Brahms 4th Symphony by Fritz Reiner and Sibelius’ 2nd Symphony by Sir John Barbirolli. In the 1950s he conducted works by Vladimir Horowitz, Wanda Landowska, Kirsten Flagstad and William Kapeli. In the early 1960s, Gerhardt lived in England, where he made most of his recordings, but kept a foothold in the United States, mainly in New York. Often, when he went to the United States after a period of recording sessions, he would stop off in Baltimore and spend some time listening to cassettes of his new recordings. Gerhardt loved percussion instruments, especially tam-tams. One of his favorite recordings was the Columbia mono disc of Scriabin's Poem of Ecstasy, with Dimitri Mitropoulos and the New York Philharmonic. He had great admiration and respect for the many conductors he worked with, starting with Arturo Toscanini, with whom he worked for several years before the Maestro's death. It was Toscanini who suggested that Gerhardt become a conductor, which he did! His career as an orchestra director began when he had to replace a conductor who failed to show up for rehearsals. It was a position he would later occupy for various recording sessions and occasional concerts. His classical recordings include works by Richard Strauss, Tchaikovsky, Wagner, Ravel, Debussy, Walton and Howard Hanson. Hired by RCA Records, he transferred 78 rpm recordings of Enrico Caruso and other artists to 33 rpm. He took part in recordings by soprano singer Kirsten Flagstad and pianist Vladimir Horowitz. He worked with renowned conductors such as Fritz Reiner, Leopold Stokowski and Charles Munch, from whom he learned the tricks of the trade. Still at RCA, he assisted Arturo Toscanini, with whom he perfected his conducting skills. Then, in 1960, he produced recordings for RCA and Reader’s Digest in London, and joined forces with sound engineer Kenneth Wilkinson of Decca Records (RCA's European subsidiary), The two men got on very well and shared a passion for recording and sound quality, making an incredible number of recordings over a 30-year period. Also in 1960, RCA and Reader's Digest entrusted him with the production of a 12-disc LP box set entitled “ Lumière du Classique (A Festival of Light Classical Music) ”, sold exclusively by mail order. With a budget of $250,000, Gerhardt assumed total control of the project: repertoire, choice of orchestras and production. He recorded in London, Vienna and Paris, and hired such top names as Sir Adrian Boult, Massimo Freccia, Sir Alexander Gibson and René Leibowitz. The success of this project, in terms of both musical quality and sound, earned him recognition from his employers. Other projects of similar scope followed… A boxed set of Beethoven's symphonic works with René Leibowitz and The Royal Philharmonic Orchestra. A boxed set of Rachmaninoff's works for piano and orchestra with Earl Wild, Jascha Horenstein and the Royal Philharmonic Orchestra, the above mentioned 12 LP disc set “Trésor de la Grande Musique (Treasury of Great Music)” with the Royal Philharmonic conducted by some of the greatest directors of the time: Fritz Reiner, Charles Munch, Rudolf Kempe, Sir John Barbirolli, Sir Malcolm Sargent, Antal Dorati and Jascha Horenstein, with whom Gerhardt had sympathized. In January 1964 in London, Gerhardt joined forces with Sidney Sax, instrumentalist and conductor, to form a freelance orchestra. This successful group went on to join the National Philharmonic Orchestra of London, an impressive line-up that would later become Jerry Goldsmith's orchestra of choice. With Peter Munves, head of RCA's classical division, he conceived the idea of recording an album devoted exclusively to the film music of Erich Wolfgang Korngold, one of his favorite composers. Enthusiastic about the project, Munves gave Gerhardt carte blanche, and was offered a helping hand by George Korngold, producer and son of the famous Viennese composer, who owned all the copies of his father's scores. The Adventure Began : The Sea Hawk: Classic Film Scores of Erich Wolfgang Korngold. For this first disc, Gerhardt selected 10 scores by Korngold, which he recorded in the Kingsway Hall Studio in London, renowned for its excellent acoustics. The disc thus benefits from optimal recording conditions, favoring at the same time the performances of the National Philharmonic (and its leader, Sidney Sax), a formidable orchestra made up of London's finest musicians and freelance soloists. Each album was recorded in the same studio, with Kenneth Wilkinson as sound engineer and George Korngold as consultant/producer. As soon as it was released, the album's success received strong acclaim in classical music circles and received a feature in Billboard No. 37, a first in this category in December 1972. It took no less than a year to sell the first 10,000 copies in all the specialist record suppliers and the album went on to sell over 38,000 copies, making it the fifth best-selling album in the “classical” category in 1973. On the strength of this success, Peter Munves and RCA entrusted Charles Gerhardt with the production of further discs devoted to other world-renowned composers of Hollywood music. The program includes several albums dedicated to Max Steiner and Erich Wolfgang Korngold plus one each to Miklos Rozsa, Franz Waxman, Dimitri Tiomkin and Bernard Herrmann, followed by 3 volumes associated with specific film stars such as Bette Davis, Errol Flynn and Humphrey Bogart. Then, a disc devoted to Alfred Newman, a composer who was a pillar of the famous Hollywood sound, who Gerhardt admired and had met: “Newman was a charming man, full of good humor. He was friendly, fun and always had a joke. With his eternal black cigar in hand, he was a composer by trade, down-to-earth, discussed little about himself but was a first-rate advisor in my life. “ Gerhardt would consult certain composers in advance about how to recreate suites from their works, or when this wasn't possible, he would rearrange the suites himself and submit them to the composers for approval. "Some critics complained that my suites were too short, but my aim in the case of each album was to present a well-split 'portrait' of the composer, highlighting his many creative facets". Although Korngold, Newman and Steiner were no longer around to lend their support, Gerhardt was lucky enough to still work with Herrmann, Rózsa and Tiomkin as consultants who turned up at the recording studio to lend a hand. Gerhardt also had the idea of creating albums focusing on a single film star. Three specific volumes were devoted to music from the films of Humphrey Bogart, Errol Flynn and Bette Davis. Although these albums suffer from too great a diversity of genres, they still offer the chance to hear and discover rare and previously unpublished compositions. The best conceived album was arguably the one devoted to Bette Davis. Conscious of the important role played by music in her films, the legendary actress took part in the conception of the album, knowing that it favored scores by Max Steiner designed for Warner Bros. The Collection Begins ! Gerhardt's passion for certain composers knows no bounds, but he soon envisages a disc devoted to Miklos Rozsa, including suites for “Spellbound” and “The Red House”, one of his favorite scores, which he will exhume to create one of the longest suites in the series. At the same time, he received various fan wish lists and films to watch, such as “The Four Feathers”, which he had never seen and which gave him the opportunity to discover a splendid score by Miklos Rozsa that he had never heard before. He was disappointed, however, not to be able to conceive a longer “Spellbound” sequel for rights reasons. Despite RCA's full approval, Gerhardt realized that it was not easy to record film music in its original form, as few were ever edited, played and made available for rental. For The Sea Hawks album, things were simpler, as Georges Korngold had copies of his father's scores, and Warner Bros had also archived material in good condition. From the outset, Gerhardt encountered other major problems in the search for and discovery of scores hidden away in other studios, often with the unpleasant surprise of discovering missing or incomplete conductors, or others heavily modified by orchestrators during recording sessions, or the surprise of discovering, in certain cases, instrumentation information noted in shorthand on the edges of the conductor score. For the disc dedicated to Max Steiner, for example, the conductor score for “King Kong” had disappeared from the RKO archives, having been shipped in 1950 to poorly maintained warehouses in Los Angeles where it had become totally degraded and illegible. With the help of Georges Korngold, Gerhardt was able to reconstruct a substantial suite from the piano models left by Steiner at the time. This experience was repeated when the conductor score for Dimitri Tiomkin's “The Thing” was discovered in the same warehouse, in an advanced state of disintegration. Fortunately for Gerhardt, Tiomkin, who was still alive, had been able to provide precise piano maquettes with orchestration information in shorthand, revealing a complex and highly innovative style of writing. Tiomkin always composed at the piano, inscribing very specific information and signs on the edges of the scores in pencil, an ingenious system of his own invention that was difficult to decipher. “Revisiting the score of ‘The Thing from Another World’ was a complex task, involving experimental passages and an unorthodox orchestra. You can understand that I had a huge job on my hands. When I approached the recording sessions, it was not without some trepidation. However, the composer present made no criticism or comment on my work, and was delighted. He was delighted.” For “Gone With The Wind”, Steiner was against the idea of remaking a complete soundtrack, as he felt that too many passages were repeated. It was an opportunity for him to revisit his own score, integrating his favorite melodies. This synthesis gave him the opportunity to revitalize his music by eliminating the least interesting parts of the score. Conceived as long suites or isolated themes, the discs reflect the essence of the composers' work. The “Classic Film Scores” series by Franz Waxman, Bernard Herrmann and Miklos Rozsa etc will become a big hit with collectors. For Gerhardt, this will be an opportunity to unearth forgotten or rare scores such as Herrmann's “The White Witch” and “On a Dangerous Ground”, Hugo Friedhofer's “The Sun Also Rises” and early recordings for Waxman's “Prince Valliant” and Rozsa's “The Red House”, all with new, impeccable acoustics. For “Elisabeth and Essex”, Erich Korngold had already prepared a suite in the form of an Overture, which was given its world premiere in a theater. The suite for “The Adventures of Robin Hood” also pre-existed. Franz Waxman created his own suite for “A Place in the Sun”, which was also performed in concert. Dimitri Tiomkin, Miklos Rozsa and Bernard Herrmann acted as consultants and contributed arrangements to their scores. For the continuation of “White Witch Doctor”, Bernard Herrman added percussion to link the different musical tableaux. He did the same for the different parts of “Citizen Kane”. Miklos Rozsa saw an opportunity to add a male choir to the suite from “The Jungle Book”, based on an idea by Charles Gerhardt. For the record dedicated to Errol Flynn, Gerhardt re-orchestrated the theme “The Lights of Paris” from Hugo Friedhofer's “The Sun also Rises”, as the original was no longer available. “I wanted to go back to that time and systematically explore the very substance of the great film scores of the late 30s and 40s, sending them back directly to their images as dramatic entities. The desire to rediscover tunes we know and to take into account the contexts in which they were originally used. I decided to recreate these scores with their original orchestrations, and this could only be done by returning to the ultimate sources, as the composers had originally conceived them.” Keen to open up the collection to other genres, such as science fiction, Gerhardt dedicated two further albums to the series in 1992. The first featured contemporary sequels to “Star Wars” and “Close Encounters of the Third Kind”, promoting the work of John Williams, a leading composer of new film music. Then another called “The Spectacular World of Classic Film Scores”, presenting a disappointing compilation of scores that had already been recorded, except for the creation of a sequel to Dimitri Tiomkin's “The Thing From Another World” and Daniele Amfitheatrof's rarely heard theme “Dance of the Seven Voiles” from Salome. In 1978, the collection was published in Spain by RCA Cinema Treasures. In the USA and Europe, the Classic Film Scores LP series was reissued in the early 80s with a black art deco cover and colored star index. All Volumes in the First Series Were Reissued : By the end of the '80s, the series was running out of steam, and Charles Gerhardt planned to relaunch his collection with albums dedicated to famous American actresses, a new volume for Max Steiner and the Western, a volume reconstructing the score of Waxman's “The Bride of Frankenstein”, followed by volumes devoted to Alex North, Hugo Friedhofer, Victor Young and Elmer Bernstein... But RCA would not support Gerhardt in these projects, preferring to release the collection on CD for the first time. In early 1990, RCA asked Gerhardt to supervise and co-produce the collection, which he saw as an opportunity to revisit some of the volumes, inserting tracks that had not appeared on the LPs or extending certain suites. The volume devoted to Franz Waxman, “Sunset Boulevard”, was the first to be released. The CD did not benefit from any particular promotion, but sold very well, as did the other CDs that followed... A collection marked by a new design in silver pantone. The CDs series was reissued in 2010, still under the RCA Red Seal label, but distributed by Sony Music Entertainment. RCA Victor's Classic Films Scores series represents a unique collection in the history of film music recordings. 14 recordings of rare quality, produced by Georges Korngold and Charles Gerhardt to become one of the revelations of the reissue phenomenon. Other Concepts... Later, Gerhardt spent most of his time in London, continuing to make recordings. After retiring from RCA in 1986, he returned to independent work for Readers Digest and other record labels, a position he held in production and musical supervision until 1997. Since 1991 he had lived in Redding, California. In later years, he did not appear professionally, refusing all public invitations because of his desire to remain discreet. In his entourage he was close to three cousins, Lenore L Engel and Elizabeth Anne Schuetze, both living in San Antonio, and cousin Steven W Gerhardt of St. Pete Beach, Florida. In late November 1998 Charles Gerhardt was diagnosed with brain cancer and died of complications following surgery on February 22, 1999. He was 72 years old. Thus ends this tribute to Charles Gerhardt and the most famous collection of film music records: The Classic Film Scores series.
by Doug Raynes 24 Jan, 2024
Following on from Tadlow’s epic recording of El Cid, the same team – Nic Raine conducting and James Fitzpatrick producing – have turned their attention to a completely different type of epic film for the definitive recording of Ernest Gold’s Academy Award winning score for Otto Preminger’s Exodus (1960). The score is something of a revelation because aside from the main theme, the music has received little attention through recordings. Additionally the sound quality of the original soundtrack LP was disappointing and much music was deleted or cut from the film.
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